(Syfia Grands Lacs/Rwanda) Pour les diabétiques, de plus en plus nombreux au Rwanda, se soigner coûte très cher. Ils doivent suivre des traitements coûteux et un régime strict, comme les personnes vivant avec le Vih. Mais eux, personne ou presque ne leur vient en aide, alors que le sida draine d’importants financements.
« J’ai trente ordonnances médicales… Où trouverais-je de l’argent pour acheter tous les médicaments qui me sont prescrits ?, se plaint, les larmes aux yeux, Hajjati, une mère de famille qui pèse près de100 kg, assise dans sa chaise roulante. Cette quinquagénaire a le diabète depuis 24 ans. En 2003, les médecins m’ont coupé une jambe. Même pour cela, ils m’ont taxée énormément. »
Au Rwanda, la plupart des diabétiques se plaignent de dépenser beaucoup d’argent pour acheter les médicaments et pour suivre, pendant des années, leur régime riche en fruits, légumes, lait, tubercules, poissons, etc. Leurs familles n’arrivent pas toujours à suivre et demandent à l’État de les aider en leur payant notamment leurs médicaments. « Ils le font pour ceux qui vivent avec le Vih. Pourquoi pas pour nous aussi ? D’ailleurs, le diabète est plus dangereux que le sida », estime Mukasano Espérence de Kigali, diabétique depuis 20 ans.
Selon Kaberuka Vedaste, un médecin chargé des enfants diabétiques dans le programme Life for Child de l’association des diabétiques du Rwanda, les symptômes de cette maladie sont une soif anormale, des mictions (action d’uriner) fréquentes, une perte de poids subite, une cicatrisation lente des plaies, une vision troublée, une faim constante, un manque d’énergie, etc. Non détecté ou mal soigné, le diabète peut provoquer des maladies rénales, la lésion de nerfs qui provoque la nécrose (mort de cellules ou de tissus) de certains organes comme les orteils, voire les jambes…
Les causes en sont diverses : inactivité physique, obésité, hérédité et hypertension. Aucun recensement n’a été fait pour connaître le nombre de malades au Rwanda. Mais, les infirmiers de la pharmacie la Fraternité de l’association des diabétiques disent qu’ils en reçoivent en moyenne 16 personnes par jour.
D’inaccessibles soins…
« Mon mari est cultivateur, témoigne une femme de 30 ans de Mutara, Est, malade depuis dix ans. Mais, il est obligé de me payer 30 000 Frw (60 $) chaque mois pour acheter des médicaments. Il travaille et s’épuise pour que je ne meure pas. » Les malades doivent prendre des médicaments jusqu’à 5 fois par jour. Certains doivent se faire des injections d’insuline.
Pour aller à l’hôpital du Roi Fayçal, Hajjati paie 20 000 Frw (40 $) de taxi et affirme qu’elle peut dépenser jusqu’á 200 000 Frw (plus de 400 $) par mois. « Des gens de bonne volonté m’aident, dit-elle. Mais, quand je ne trouve personne, les complications s’aggravent ». La femme à côté d’elle a eu non seulement, les doigts, mais aussi la tête, la bouche et le sexe touchés. Elle est même devenue aveugle…
L’association des diabétiques essaie de faire ce qu’elle peut pour aider les malades. « Mon Dieu, je me demande ce que je deviendrais si elle n’existait pas, livre un malade. Quand il me manque des médicaments, elle m’en procure parfois gratuitement pour une semaine. Mais, ce n’est pas toujours garanti « . Cette association donne aussi des conseils et essaie d’assister les plus fragiles. Selon Vedaste, elle collabore avec 17 hôpitaux du pays et assiste 410 enfants. « Ils reçoivent des médicaments gratuits et des vivres selon nos moyens « .
L’argent aux sidéens, pas aux diabétiques
Elle essaie aussi d’alerter le gouvernement sur la gravité du problème. « Les séropositifs reçoivent des soins gratuits, parce que le sida a attiré beaucoup d’organisations et de bénévoles. D’autres maladies chroniques intéressent moins », constate le docteur Nkusi Émilien, chargé des maladies chroniques au ministère de la Santé, quatre jours après que le pays ait reçu 300 millions de $ du Fonds mondial de lutte contre le sida. « A lui seul, l’État n’est pas en mesure d’assurer la gratuité des médicaments aux diabétiques », explique-t-il. Et, ajoute-t-il, pourquoi eux et pas les tuberculeux ? « Nous ne pouvons pas changer la loi de l’assurance maladie pour ces quelques malades. Nous avons cependant mis leurs médicaments sur la liste des soins essentiels ».
ENCADRE
Burundi
Parler avec des diabétiques pour éviter de le devenir
(Syfia Grands Lacs/Burundi) Pas besoin d’être diabétique pour adhérer chez nous !, déclare en substance Bertile Minani, présidente de l’association de soutien aux diabétiques à Ngozi, au nord du Burundi. Créée en 2007, cette structure a pour objectif d’intégrer aussi ceux qui ne sont pas malades pour leur apprendre à bien manger et les encourager au besoin à se faire examiner par un médecin.
« Un tiers de nos membres n’a pas le diabète, mais ils sentent le besoin de se rapprocher de ceux qui sont informés pour éviter tout ce qui peut les exposer à cette maladie qui tue beaucoup de gens », explique Bertile. Une prise de conscience positive, selon elle : « il faut sortir du silence, car le diabète ne se fait remarquer qu’à un stade avancé. »
Au quotidien, les membres de l’association s’appliquent donc à libérer la parole. « S’affilier aux Ong nationales et internationales et organiser des formations, voilà notre cheval de bataille », résument-ils. Avec Handicap international, une Ong partenaire, ils apprennent à bien se nourrir, puis transmettent leurs connaissances à d’autres membres qui, à leur tour, les font passer à d’autres personnes.
« Dans une région où une école de nutrition est née il y a à peine un an, les gens ne se rendent pas compte des méfaits liés à la consommation des boissons et aliments sucrés », informent les membres de l’association. Les endroits peuplés et vulnérables, comme les prisons et les camps de déplacés, les camps militaires et les écoles, sont parmi les priorités de cette Ong.
Grâce aux médias, l’information atteint un plus large public. Les radios privées et communautaires, comme la Radio publique africaine et Umuco Fm, diffusent des émissions sur le diabète. « Ces radios sont nos porte-parole. Elles nous aident beaucoup à faire passer le message, dans l’intérêt de tous, malades ou pas », se félicite Bertile Minani.
http://syfia-grands-lacs.info/index.php5?view=articles&action=voir&idArticle=1935
Posté par rwandanews