(Syfia Centrafrique) En Centrafrique, 50 ans après l’indépendance, la France est encore très présente. Ses troupes appuient l’armée nationale et ses entreprises occupent des secteurs clés de l’économie comme les mines et l’énergie. Une présence dont la population s’accommode.
Paris demande ainsi à l’occasion des explications à Bangui sur des questions liées aux droits de l’Homme, comme ce fut le cas, par exemple, lors de la disparition en décembre 2009 de l’ex-ministre et chef rebelle centrafricain Charles Massi. Au niveau politico-militaire, les troupes françaises sont intervenues aux côtés de Bangui pour disperser, fin 2006, les colonnes de rebelles de l’Union des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR), qui voulaient renverser le général François Bozizé, l’actuel président. « La France reste plus que jamais aux côtés de la République centrafricaine », rappelait l’ancien président français Jacques Chirac.
La France a depuis changé de président et de discours. En avril 2010, Bangui et Paris ont conclu un nouvel accord de Défense et un Document cadre de partenariat (DCP) 2010-2013 couvrant la coopération tant civile que militaire avec deux axes majeurs : le développement des infrastructures pour relancer l’économie, et l’éducation. Le ministre des Affaires étrangères centrafricain, le général Antoine Gambi, qualifie cette coopération d' »avantageuse ». Selon lui, elle constitue une solution aux conflits qui secouent l’Afrique centrale. De son côté, l’ambassadeur de France en Centrafrique, Jean-Pierre Vidon, estime que ce « partenariat rénové » marque un renouveau dans les relations entre la France et son ancienne colonie. Ces nouveaux accords « répondent pleinement à la volonté du président Sarkozy d’adapter les accords existants aux réalités du temps présent », ajoute le diplomate français.
Militairement plus en retrait
Les liens franco-centrafricains ont été particulièrement étroits dans les années 1980 et 1990. En 1979, Paris, par l’opération Barracuda, avait déposé son ancien allié Jean-Bedel Bokassa, qui était devenu empereur à vie en 1977. Les Barracudas, comme on les appelait en Centrafrique, « avaient installé deux camps à Bangui et à Bouar (environ 350 km au nord-ouest de la capitale, Ndlr). Ils y assuraient la formation de nombreux hommes en treillis centrafricains, créaient des emplois pour les jeunes, achetaient des produits vivriers », se souvient Marie-Marthe Koula, vendeuse de légumes au marché de Bouar.
Partis du pays en 1998 à la demande du chef de l’État de l’époque, Ange-Félix Patassé, les militaires français reviennent quelque deux ans plus tard à la requête de ce même président lors d’une crise politico-militaire. En 2002, les troupes françaises créent le détachement Boali (ville située à environ 100 km au nord de la capitale). Entre 2006 et 2007, ce dernier aide les militaires centrafricains à repousser plusieurs attaques rebelles hostiles à François Bozizé, arrivé au pouvoir en 2003 à la faveur d’un putsch.
Aujourd’hui, la France est militairement plus en retrait. L’une des missions de son armée consiste désormais à « intervenir dans les États africains en cas de couac », confie sous anonymat un officier centrafricain. L’ancienne puissance coloniale apporte son appui aux forces centrafricaines et à la force multinationale de la Communauté économique des États d’Afrique centrale et elle est présente dans le pays à travers deux détachements militaires.
« Un mal nécessaire »
Dans le domaine économique, la France reste très active, en particulier dans les secteurs de l’énergie et des mines. Avec 23 % de parts de marché, la France était le 1er fournisseur du Centrafrique en 2007. Total garde ainsi le quasi-monopole du stockage et de la distribution de carburant dans le pays. Quant au groupe nucléaire Areva, il s’apprête à exploiter le gisement d’uranium de Bakouma (est du pays) avoir signé en 2008 un accord avec le gouvernement.
La présence française en Centrafrique est diversement appréciée par la population de ce pays, menacé depuis plus de cinq ans par six rébellions armées. Pour l’étudiant Jean-Bruno Bagaza, « l’ancienne métropole a toujours aidé l’armée à combattre les rebelles et ne cesse d’apporter des aides, matérielles et financières. Cette présence est un mal nécessaire ». L’économiste Sylvain Balézou estime, lui, que « la France vient chercher des matières premières, mais, en contrepartie, ses sociétés payent des taxes à l’État et créent du travail. La présence d’Areva va générer 1 000 emplois directs et beaucoup d’emplois indirects. » Des ressources bienvenues dans ce pays de 4,5 millions d’habitants, qui arrive au 179e rang (sur 182 pays) du classement 2009 de l’indice du développement humain du PNUD.
Dans le couple franco-centrafricain, aucune des deux parties n’a donc intérêt, pour le moment, à trop s’éloigner de l’autre…
Encadré
« Afrique : 50 ans d’indépendance »
un web-documentaire d’arte.tv
http://www.arte.tv/afrique
Chaque mois, sur le site d’arte.tv, un guide nous conduit à travers la capitale de son pays. Il nous fait découvrir son regard et celui de ses compatriotes sur cinquante années d’indépendance, mais aussi sur le quotidien et les espoirs qu’ils nourrissent pour l’avenir.
Au programme de ce voyage en ligne : le Cameroun, le Sénégal, le Tchad, le Bénin, le Togo, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la République centrafricaine, le Congo, la RD Congo, le Gabon, la Mauritanie, le Mali, le Niger et Madagascar. Chacun de nos guides est prêt à vous conduire dans différents lieux de la capitale. Cliquez sur les bulles qui apparaissent durant votre parcours et choisissez où vous souhaitez aller, qui vous souhaitez rencontrer et questionner…
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« Voyage dans le temps, voyage au présent et une préparation à celui du futur. C’est là notre seule ambition. Nous avons choisi de poser ce regard sur une douzaine de pays de l’Afrique francophone qui ont pris leur indépendance en 1960.
Comme toutes les balades, notre périple africain fourmille de surprises, de rencontres inattendues, de passages obligés, d’oublis et de regrets aussi.
Nous laisserons aux historiens le soin de dresser le bilan d’un demi-siècle d’indépendance(s) et aux sociologues, ethnologues, géographes et autres économistes celui de décortiquer le quotidien d’un milliard d’habitants, mais nous les convoquerons régulièrement pour jalonner notre chemin.
Comme il n’est pas de bon voyage sans bon pilote, dans chaque pays, un guide nous attendra et nous proposera une journée de découvertes dans sa capitale. Voyageurs pressés, le temps nous manquera pour visiter les campagnes, il faudra leur consacrer une autre série.
Au bout de l’aventure, nous aimerions offrir un cliché sans clichés d’une Afrique lue dans toute sa diversité, ses travers, ses richesses et ses contradictions. En une douzaine d’étapes, nous aimerions poser un regard le plus lucide possible sur ce continent de tous les possibles.
Bon voyage !