En l’espace
 de quelques années, le pays des Mille Collines a obtenu des résultats spectaculaires dans la lutte contre le sida. La proportion 
de la population 
(15-49 ans) infectée par le virus est passée de près de 14 % 
à 3 % aujourd’hui. 
Kigali (Rwanda), envoyé spécial.

Ce matin, Régine est venue récupérer ses «haricots». C’est ainsi qu’elle nomme les médicaments antirétroviraux qu’elle prend depuis qu’elle a été testée séropositive en 2006. Tous les mois, cette habitante de Kigali de trente-sept ans se rend dans le centre de santé de Kacyiru. Sur présentation de sa mutuelle de santé, une assurance maladie unique en Afrique qui lui coûte l’équivalent de 2 dollars par an, elle reçoit gratuitement un traitement dont le montant pourrait s’élever jusqu’à 800 dollars par mois.

« J’ai accepté ma séropositivité. J’avale les “haricots” tous les matins et je vais bien», dit-elle. «Le plus difficile pour moi est de ne pas avoir les moyens de manger tous les jours. Mais je dois tenir et voir devant moi», ajoute cette mère de cinq enfants dont le mari est lui aussi infecté par la maladie.

Dans son dos, dissimulé derrière un tissu, Innocent commence à pleurer. Âgé de quinze mois, son garçon en paraît deux fois moins. C’est pour lui, le dernier-né, qu’elle s’inquiète. «Le test effectué six semaines après sa naissance a montré qu’il était séronégatif, comme mes quatre autres enfants», explique-t-elle. Un autre test devra être effectué lors de ses dix-huit mois pour obtenir une confirmation définitive.

Créé il y a près de trente ans, le dispensaire de Kacyiru est devenu en 2002, grâce au soutien apporté par l’Unicef à la Fondation Imbuto de Jeannette Kagame, l’épouse du président rwandais, un centre de prévention de la transmission mère-enfant (PTME). «Nous y accueillons entre 200 et 280 femmes enceintes par mois. Nous apportons un suivi particulier aux femmes infectées par le VIH», détaille Jean-Pierre Rutajoga, le chef de cet établissement. Les risques pour une femme enceinte séropositive de transmettre le sida à son bébé sont de 20 % si elle ne bénéficie pas d’un traitement préventif. Sans les centres PTME, près de 8 000 nouveau-nés rwandais seraient infectés chaque année par le VIH.

Lorsque l’Unicef a installé en 1999 le premier établissement PTME dans le pays, le taux de transmission du sida de la mère à l’enfant était de plus de 25 %. En 2008, trois quarts des 452 centres sanitaires répartis sur l’ensemble du territoire disposaient de cette spécialité et près de la moitié délivraient des antirétroviraux. Résultat, la proportion d’enfants infectés par leur mère a chuté de 11,2 % à 4,1 %.

À l’image de ce qui est fait pour éliminer la transmission du VIH de la mère à l’enfant, la lutte contre le sida au Rwanda enregistre ces dernières années des résultats spectaculaires salués par la communauté internationale. En l’espace de dix ans, le taux de prévalence du sida est passé de 13,9 % chez les 15-49 ans à 3 % aujourd’hui, soit 150 000 personnes. Une véritable prouesse pour ce pays pauvre de 10 millions d’habitants dans une région où les taux à deux chiffres sont légion, comme au Swaziland (26 %) ou au Botswana (23 %). Pour y parvenir, le Rwanda ne s’est pas contenté de recevoir l’aide des bailleurs de fonds internationaux, passée de 85 millions de dollars en 2005 à 195 millions en 2008 pour le combat contre le VIH ; il a dû se doter d’une véritable stratégie nationale pour inverser la tendance. Celle-ci repose sur deux institutions mises en place en 2000 : la Commission nationale de lutte contre le sida (CNLS) et le Centre de traitement et de recherche sur le sida (Trac).

« Avant, il n’y avait pas de coordination nationale. Personne n’était responsable de rien. Aujourd’hui, l’ensemble des acteurs se conforme à un unique plan national », explique le docteur Anita Asiimwe, responsable de la CNLS. « Nous avons opéré un grand mouvement de décentralisation. Maintenant, la CNLS dispose d’antennes dans les trente districts du pays », ajoute-t-elle. Dans chaque village, quatre habitants ont été désignés par leurs voisins pour occuper les fonctions d’agents communautaires de santé. Ils ont reçu une formation de base et relayent les messages du ministère de la Santé. Ils sont à la base d’une pyramide qui comprend des postes de santé, des centres de santé, des hôpitaux de district, et les trois hôpitaux dits de référence du pays. Un véritable quadrillage très efficace dans un pays d’à peine de 26 000 km2. « 94 % des malades suivent leur traitement. Quand ils ne viennent pas, on les appelle. S’ils n’ont pas de téléphone, on va chez eux », raconte Anita Asiimwe.

« Le Rwanda a contribué à la structuration des acteurs, cela a permis de conjuguer les efforts », indique Gallican Mugabonake, chargé du programme HIV/sida pour Handicap International. « Le pouvoir affiche une volonté politique et la concrétise dans les faits. Les bailleurs de fonds suivent. Les messages délivrés lors des campagnes de sensibilisation ont tendance à mieux passer dans la population. C’est ce triptyque qui explique les succès du Rwanda », résume Nicolas Charpentier, le directeur des programmes de Handicap International à Kigali.

« Malgré cette volonté et ces bons résultats, il y a des personnes qui sont exclues du développement. Il faut adapter la prévention aux handicapés », ajoute l’humanitaire. Ceux-ci représenteraient au minimum 4 % de la population du pays. Selon une croyance locale, faire l’amour avec une personne handicapée guérirait du sida.

Le Rwanda veut faire baisser le taux de prévalence du sida de 3 % à 1,5 % d’ici à 2012 mais les défis restent encore nombreux. La moitié des malades n’ont pas encore accès à des traitements, l’usage du préservatif est freiné par l’hostilité des églises, très influentes dans le pays, les laboratoires sont faiblement équipés, les centres de santé se résument souvent à une simple pièce, la formation des personnels de santé doit être amplifiée…

« Si les bailleurs de fonds se retiraient aujourd’hui, ce serait trop tôt pour le Rwanda. Le problème, c’est la dépendance. Il faut des stratégies de sortie de l’aide », affirme Joseph Foumbi, le représentant de l’Unicef au Rwanda. Mais cet « onusien » est confiant. « Le Rwanda est un modèle. Si les autorités continuent à ce rythme, il n’est pas impossible qu’elles nous demandent de quitter le pays dans dix ans. »

 

http://www.humanite.fr/30_11_2010-reportage-au-rwanda-un-exemple-encourageant-pour-l’afrique-458913

Posté par rwandaises.com