L’opposant gabonais André Mba Obame, qui conteste l’élection d’Ali Bongo Ondimba à la tête du Gabon depuis 2009, s’est autoproclamé mardi président et a formé son gouvernement, s’inspirant d’une dyarchie dont tente de sortir la Côte d’Ivoire depuis novembre.
Mba Obame, ex-ministre gabonais de l’Intérieur ayant toujours revendiqué la victoire à la présidentielle à tour unique organisée le 30 août 2009, a prononcé sa déclaration et le serment de la Constitution gabonaise « consacrant l’entrée en fonction du président de la République » devant une foule de partisans et journalistes à Libreville au siège de l’Union nationale (UN, opposition), parti qu’il a créé avec d’autres candidats déclarés battus aux urnes par Ali Bongo.
Selon les résultats définitifs validés par la Cour constitutionnelle, Bongo a été élu avec 41,79% des voix devant l’opposant historique Pierre Mamboudou (2e avec 25,66%) et André Mba Obame (3e avec 25,33%).
« Le vote des Gabonais est plus fort que la décision d’une Cour constitutionnelle aux ordres. (…) Le Gabon doit être dirigé par celui que les Gabonaises et les Gabonais ont réellement choisi », a estimé Mba Obame dans son « adresse au peuple gabonais » diffusée par sa chaîne de télévision TV+ (privée), expliquant avoir pris le temps de la réflexion avant sa déclaration.
Il a cité et répété avec insistance un article de « la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1793 » qui dit: « Quand le gouvernement viole le droit du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs ».
« Mes chers compatriotes, nous y sommes! (…) Prenons nos responsabilités. Personne ne le fera à notre place. Nous ne sommes pas plus lâches que les Ivoiriens », a-t-il lancé, annonçant avoir nommé comme « Premier ministre » Dr Raphaël Bandega Lendoye, universitaire et cadre de l’UN.
Le « gouvernement » dévoilé par Dr Lendoye compte 18 ministres.
Aucune indication n’a été fournie sur le lieu où entendaient siéger ces « président » et « gouvernement gabonais » bis dont l’initiative, de l’avis de certains observateurs, a peu de chances de prospérer après 13 mois de pouvoir d’Ali Bongo dans ce pays pétrolier de 1,5 million d’habitants, havre de stabilité une Afrique centrale éprouvée par des rébellions ou guerres civiles.
La Côte d’Ivoire, elle, tente de sortir d’une grave crise politique résultant de sa présidentielle 28 novembre. Un bras-de-fer y oppose deux présidents proclamés, chacun ayant formé son gouvernement et dont aucun ne semble prêt à abandonner: Laurent Gbagbo, proclamé vainqueur du scrutin par le Conseil constitutionnel, et Alassane Ouattara, déclaré élu par la commission électorale et reconnu par la quasi-totalité de la communauté internationale, qui presse Gbagbo de lui céder le pouvoir.
Si le camp de Ouattara a invité ses militants à des marches réprimées dans le sang à Abidjan et à la désobéissance civile, André Mba Obame a, lui, appelé à une adhésion populaire à ses principes et objectifs sans explicitement demander une révolte mais, encore sibyllin, a précisé être lui-même « prêt à tout ».
A entendre Mba Obame, il semble rêver de l’exemple en Tunisie, où une révolte populaire historique a renversé le président Zine el Abidine Ben Ali, au pouvoir depuis 23 ans. « Nous ne sommes pas plus lâches que les Tunisiens. Alors, l’Histoire est en marche, on y va! », a-t-il lancé.
Il en aussi appelé « aux amis du Gabon, à la communauté internationale »: « La restauration de la démocratie effective est la condition de la stabilité du Gabon. (…) Je n’ai ni arme, ni armée. J’ai le peuple gabonais et sa détermination. »
« Crime de haute trahison »
L’opposant et député gabonais André Mba Obame, qui conteste le pouvoir d’Ali Bongo Ondimba, a « violé gravement » la Constitution et commis « un crime de haute trahison » en s’autroclamant mardi président du Gabon, a affirmé le gouvernement gabonais dans un communiqué.
« En prenant la lourde responsabilité de s’autoproclamer président de la République et en formant une équipe gouvernementale insurrectionnelle », M. Mba Obame, les membres de son équipe et « ceux qui les y ont encouragés et soutenus viennent de violer gravement les dispositions constitutionnelles » du Gabon, selon ce communiqué lu dans la nuit de mardi sur la télévision publique RTG1 par le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique, Jean-François Ndongou.
« La violation de ces dispositions (…) constitue un crime de haute trahison puni par la loi », a ajouté M. Ndongou, parlant depuis Tchibanga (sud-ouest) où le président et le gouvernement séjournent en prélude à un Conseil des ministres sur place jeudi.
Député de Medouneu (nord) et officiellement classé 3e à la présidentielle du 30 août 2009 remportée par Ali Bongo, M. Mba Obame a toujours revendiqué la victoire à ce scrutin à tour unique. Mardi, il a prononcé à Libreville au siège de son parti, l’Union nationale (UN), le serment d’investiture comme président et nommé son « premier ministre », qui a formé « un gouvernement » de 18 ministres.
La Constitution gabonaise stipule notamment que « le Gabon est une République indivisible » et « aucune section du peuple, aucun groupe, aucun individu ne peut s’attribuer l’exercice de la souveraineté nationale ni entraver le fonctionnement régulier des institutions de la République », a rappelé le ministre Ndongou, qui était entouré de ses collègues de la Défense nationale, Pacôme Rufin Ondzounga, et de la Communication, Paul Ndong Nguema.
Selon lui, André Mba Obame et son gouvernement « encourent les sanctions et les peines prévues par la loi », dont « la traduction des intéressés devant les tribunaux compétents, la demande de la levée de l’immunité parlementaire » de M. Mba Obame auprès de l’Assemblée nationale.
Les textes prévoient aussi la dissolution du parti, « la radiation de la Fonction publique des agents de l’Etat concernés ». Le communiqué gouvernemental ne précise pas si toutes ces décisions évoquées étaient avec effet immédiat ou en projet.
« Par ailleurs, le gouvernement se réserve le droit de prendre toute autre mesure légale et réglementaire nécessaires dans cette situation », a poursuivi M. Ndongou.
Il a invité les populations à « vaquer librement à leurs occupations » et à « ne donner aucun crédit à cette situation incongrue et bien inutile », et exhorté les diplomates et étrangers vivant au Gabon à la sérénité.
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Posté par rwandanews
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