« Nous préferons la pauvrété dans la dignité à la richesse dans l’esclavage » tels étaient les mots qu’un certain Sékou Touré crachât à la face du célèbre Général De Gaulle ce fameux soir de Septembre 1958 à Conakry. Ah Sékou le téméraire, l’ex-agent des postes (un facteur en quelques sortes) qui devint ce jour-là, une figure emblématique de la lutte anti-coloniale. Tout comme son arrière grand-père Samory Touré, le jeune Sékou venait encore une fois de faire honneur aux Touré en défiant l’envahisseur blanc. Quelques mois plus tard, la Guinée obtint son indépendence et Sékou devint le premier président de la Guinée libre décolonisée. Ironiquement Sékou tint parole et offrit à la Guinée la pauvrété tant convoitée. Aucunes infrastructures importantes (universités, routes, ponts, hopitaux, usines…) ni progrès dans le domaine de l’ éducation et de la santé ne furent réellement réalisés en 26 années de règne sans partage. Quant a la dignité et à la liberté qu’il leur avait promises, seul son clan y eut droit. Les opposants furent musélés, traqués ou tout simplement assassinés. Les plus chanceux étaient « gardés au frais » au fameux camp Boiro. L’homme qui avait rêvé de justice pour son peuple s’était transformé par un coup de baguette magique en dictateur impitoyable et sanguinaire. « La faute à la France » paraît-il!
L’affront de Sékou au Général De gaulle inspira bien d’autres leaders Africains comme le jeune Patrice, un autodidacte vendeur de bières et farouche opposant à la présence belge dans son pays- maintenant République Démocratique du Congo. Patrice Eméry Lumumba, aidé par ses amis tels que Mobutu sésé-sésé-seko, Joseph Kasa-Vubu et autres réussirent à faire plier l’échine aux Belges et obtinrent l’indépendence du Congo deux ans seulement après celle de la Guinée. Le 30 juin 1960, jour de la proclamation de l’indépendence, Patrice fit plus fort que son aîné Sékou et prononça un discours beaucoup plus amer face au roi des Belges venu à Leopoldville pour la cérémonie. Patrice devenu premier ministre après l’indépendence ne gouverna que pendant 3 mois environ avant de se faire arrêter et assigner à résidence par son fidèle ami Mobutu, qu’il avait ailleurs nommé général de l’armée quelques jours auparavant. Patrice, devenu trop encombrant pour les puissances étrangères telles la Belgique et les Etats-Unis, à cause de son penchant communiste paraît-il, fut par la suite livré par Mobutu à ses frères énemis du Katanga qui l’exécutèrent aussitôt en pleine nuit dans une forêt comme un vulgaire brigand. Quelle fin tragique! « La faute à la Belgique et aux Etats Unis » nous ont-ils dit!
Mobutu prit les rennes du pouvoir par la suite, inventa son « authenticité » et dirigea le Congo pendant plus de 30 ans avant d’être forcé à l’exil au Maroc par les rebelles de Laurent Désiré Kabila. Il mourrut en exil et ses restes ne furent jamais autorisés à retourner dans son Congo natal.
D’autres personnalités africaines vinrent elles aussi enrichir l’histoire de l’Afrique contemporaine, comme le très célèbre Jean-Bédel Bokassa par exemple, qu’on traitait à tort ou à raison d’ivrogne et qui à un moment donné de son règne poussa le ridicule jusqu’à s’auto-investitr empéreur de Centreafrique.
Au Tchad, c’était « François le balafré », que dis-je N’garta Tombalbaye, le père de la « Tchaditude ». Celui-là même qui voulait opérer un retour catégorique aux traditions Tchadiennes à travers le rite initiatique du « Yondo ». Le progrès que l’envahisseur blanc voulait apporter à son peuple ne cadrait absolument pas avec ses aspirations rétrogrades et barbares. Puis en 1982, ce fut le tour d’Hissène Habré de pendre le pouvoir au Tchad. Hisséne, que la presse prenait pour un vulgaire voleur de chameaux du désert, se métamorphosa dès son arrivée au pouvoir en l’un des dictateurs les plus sanguinaires de toute l’histoire du Tchad.
D’autres par contre plus sophistiqués, plus raffinés ou plus dociles (comme disent certains) comme Félix Houphouet de Côte d’Ivoire, Senghor du Sénégal, Léon M’ba puis Omar Bongo tous deux du Gabon-quant à eux décidèrent de coopérer avec la puissance coloniale afin d’assurer à leurs pays respectifs une certaine stabilité et une chance de dévéloppement. Houphouet reussit le miracle ivoirien dans les années 70. Quant à Bongo et Senghor, bien que leurs pays furent moins prospères que la Côte d’Ivoire, ils reussirent tant bien que mal à protéger leurs populations des coups d’états et autres guerres fratricides tant à la mode dans le reste de l’Afrique. A côté de ces tribuns des années d’indépendence, il ya aussi des personnages plus récents.
Omar el-Béchir par exemple, l’homme fort de Khartoum, au pouvoir dépuis 1993 et qui dirige le Soudan d’une main de fer. Les poursuites de la CPI (cours pénale internationale) pour les massacres au Darfour n’ont point ébranlé son régime et sa volonté d’islamiser son pays. Il poussa l’audace plus loin en Novembre 2007 en autorisant les tribunaux islamiques de son pays à condamner une impertinente institutrice anglaise à 15 jours de prison et 40 coups de fouet pour avoir incité des élèves à nommer une vulgaire pelluche Mohammed- nom du prophète islamique. Quelques années plus tard, ce fut le tour d’une jeune dame Soudanaise cette fois-ci d’être copieusement fouettée en publique par des policiers pour avoir osé porter un pantalon jugé beaucoup trop moulant en pleine rue. Pauvres femmes! Pauvre Afrique!
Je ne saurais clore cette liste non exhaustive des dirigeants Africains de ces 50 dernières années sans mentionner le « boucher de Conakry », le capitaine Dadis Camara et le président nommé de la Côte d’Ivoire-Laurent Gbagbo. Tout d’abord Dadis; il est arrivé à la tête de la Guinée grâce à un coup d’état opéré quelques heures seulement après la mort du Général Lassana Conté, pour selon ses propres termes organiser les élections et remettre le pouvoir à celui que le peuple aura choisi- lui exclu. Par un tour de passe-passe, il fit volte-face et décida de se présenter lui aussi aux élections. L’opposition protesta et Dadis se fachât. Résultat de sa colère: un massacre abominable, une boucherie en quelques sortes. Plus de 157 personnes furent fusillées par l’armée dans le stade du 28 Septembre (Stade de Conakry) pour avoir eu l’outre-cuidance de lui demander de ne pas se présenter aux élections présidentielles. Après ce sinistre épisode du 28 Septembre, son ami fidèle et garde du corps Toumba Diakité lui tira une balle dans la tête pour ne pas porter le chapeau face aux pressions de la communauté internationale. Heureusement, le coriace Dadis ne succomba pas à ce coup de feu et eût la vie sauve- certainement grâce à une intervention divine je dirais, histoire qu’il vive assez longtemps pour répondre de ses crimes abominables devant la CPI. Bien fait pour lui!
Son voisin de la Côte d’Ivoire fit pire. Il arriva au pouvoir en 2000 en emjambant les corps de ses compatriotes. Puis ce fut une succession de malheurs comme si le sort s’achernait contre lui. D’abord la rebellion armée de 2002 menée par le jeune Soro Guillaume, ancient syndicaliste de la tristement célèbre FESCI. S’en suivis les escadrons de la mort qui endeuillèrent de nombreuses familles. Tout y passa: des journalistes étrangers tels Jean Hélène et Louis-André Kieffer, aux supposés amis de la rebellion tels que Camara Yerefè dit « H », le medecin Dacoury Tabley, et autres anonymes assassinés dans les quartiers populaires d’ Abobo, d’Anyama, de Wassakara, de Koumassi etc. Enfin, il y eut les élections qu’Alassane Ouattara, « l’étranger venu du nord », remporta et que Gbagbo, fidèle à sa logique briganda avec l’aide du conseil constitutionnel présidé par son ami de toujours -Yao N’Dré. Plus de 280 personnes de ceux qui contestaient la nomination de Gbagbo à la présidence furent purement et simplement assassinés. Convaincu par sa horde de faux-pasteurs que son pouvoir lui vient de Dieu, il se lança dans une bataille acharnée contre le « démon » de la Côte d’Ivoire, le « destabilisateur-en-chef » des pays africains- la France! Tout était la faute de la France! Il fallait prier et jeûner pour purifier et exhorciser la Côte d’ivoire de cette France que dis-je de ce démon qui s’était établi dans son corps dépuis bientôt 120 ans (la Côte d’Ivoire devint colonie française en 1893 et pris son indépendence en 1960).
Le dénominateur commun à tous ces « faux héros » de l’Afrique que sont Bokassa, Idi Amin, Sékou Touré, Hissène Habré, Tombalbaye, Mobutu, Dadis Camara et Laurent Gbagbo est leur soudaine métamorphose en dictateurs avides de sang et en oppresseurs des libertés individuelles et collectives ,dès leur arrivée au pouvoir. Tous, sans exception, commencèrent par le même discours ultra-nationaliste, et se présentèrent en « sauveur » et rétablisseur de « l’honneur et de la dignité baffoués » de l’Afrique. Tous par la suite finirent par accuser la puissance coloniale pour les tueries qu’eux-même avaient perpetrées et continuent de perpetrer sur leur peuple se faisant passer pour des victimes de la situation. « C’est à cause de la situation », ou tout simplement « c’est la situation qui le demande », ces phrases qu’affectionnaient et qu’ affectionnent encore aujourd’hui ces dictateurs des temps modernes pour justifier leurs massacres, leurs boucheries et leurs échecs, sur les plans politiques, économiques, sécuritaires, sociaux et humanitaires.
Tant bien même est-il que les rébellions et autres coups d’états sont financés et orchestrés par les maîtres d’ antan, toujours est-il qu’il faille encore trouver des autochtones pour les perpétrer! Et c’est là que se trouve le problème. Loin de moi l’idée de justifier ou d’encourager les coups d’états et les rebellions en Afrique. Mais force est de reconnaître que ces Africains, qui prennent l’argent des occidentaux pour acheter des armes et fomenter des rebellions, sont pour la plupart victimes d’oppressions et d’abus inimaginables de la part des dirigeants en place. A tel point que leur instinct de survie les commendent à recourir à la rébellion armée comme ultime moyen de revendication. Tant qu’il y aura des peuples marginalisés, opprimés, asservis, exploités, sous-estimés par des dirigeants corrompus, incompétents et marginaux, les soit-disants déstabilisateurs occidentaux trouveront toujours des partenaires en Afrique. Il faudrait donc pour nous Africains, nous appliquer à diriger nos pays sur des bases égalitaires et fraternelles. Il nous faudrait transcender les clivages ethniques, religieux, régionaux, sectaires et claniques pour voir l’autre comme un frère ou un compatriote tout court.
En Afrique ne dit-on pas que « le poisson pourri toujours par la tête »? En clair, que si les dirigeants de nos pays se comportent comme des dictateurs, les repercussions sur leur peuple ne peuvent qu’ être désastreuses et catastrophiques.
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Posté par rwandaises.com