Après deux siècles d’injustice, a nouveau continent émerge.
Edito
Cela fait 60 ans que l’Afrique a commencé à émerger du spectre du colonialisme. Durant la plupart de ce temps, ce journal a documenté les batailles de ce continent contre la misère, la famine, la pestilence, la corruption, la sécheresse, le sida et la guerre. Il était donc juste que le monde développé se concentre sur ses habitants les plus pauvres. Et il était juste que les pays les plus riches viennent en aide aux plus démunis. Mais l’affligeante histoire de l’Afrique s’enracinait et ne laissait pas de place à d’autres actualités. Parfois, et tout au long de ces années, c’était comme s’il n’y avait pas d’autre actualité en provenance d’Afrique.
Nous avons enfermé l’Afrique postcoloniale dans le même mode narratif pendant des décennies – un continent, aux yeux des Européens, courageux mais échouant à s’adapter à une indépendance nouvellement trouvée.
Nous avons regardé, horrifiés, alors que des horreurs inimaginables se déroulaient au Biafra, en Ouganda et en Angola. Plus tard encore, des génocides au Rwanda et au Congo semblaient éclipser tout ce qui s’était passé auparavant. Pendant tout ce temps, une longue liste de despotes corrompus et vénaux imposaient leurs règles à des kleptocraties virtuelles et volaient l’avenir de leurs enfants.
La couverture TV de la famine éthiopienne et les concerts du Live Aid qui en découlèrent dans les années 1980 attirèrent l’attention sur la mortelle et corrosive pauvreté qui affectait l’Afrique postcoloniale. La réaction de l’occident fut impressionnante – de massives injections d’aides et une explosion du nombre des ONG (organisation non gouvernementale) se dévouant pour améliorer l’existence de millions d’Africains. Dans ce récit, les Africains étaient les victimes et nous étions disponibles pour aider.
Cette image a été difficile à dépoussiérer. L’an dernier, lors d’une manifestation organisée par ONE, le musicien et militant Bob Geldof, de manière fort abrupte, s’en prenait violemment aux media occidentaux les accusant de s’enfermer dans une discontinuité temporelle – une vision de l’Afrique enracinée au milieu des années 1980. Il soulignait qu’une toute nouvelle Afrique prenait forme, où le capitalisme, le consumérisme et la technologie étaient les moteurs de ce nouveau continent dynamique. C’était celle-ci à laquelle l’Europe devait s’éveiller ou elle manquerait sa chance. L’Afrique, insistait-il pouvait être le sauveur de l’économie européenne si elle trouvait de nouveaux moyens et façons d’ouvrir de nouvelles routes d’échange avec ce continent et faisait affaire avec son armée croissante de consommateurs.
Il y a une quinzaine de jours, Bono, lors d’une autre manifestation organisée par ONE à Johannesburg, s’est assis et a écouté les militants, entrepreneurs, étudiants et leaders des affaires africains. Il y avait là un tout nouvel échantillon de narrateurs africains du 21e siècle. Ceux-là n’étaient pas des victimes. Leurs récits étaient ceux de l’assurance, de l’action, de l’affirmation de soi, de l’impatience, de l’innovation, de la détermination – et de la réussite. En fin d’après-midi, lorsque l’on demandait à Bono ce qui avait eu le plus d’impact sur lui, il répondait : « Il nous faut commencer à raconter ces histoires, et si nous ne pouvons le faire, alors au moins écartons-nous de leur chemin. »
L’histoire africaine a changé. Voici quelques nouvelles manchettes : l’économie africaine devrait avoir une une croissance moyenne de plus de 7 % au cours des deux prochaines décennies – plus rapide que celle de la Chine.
• 100 sociétés africaines ont des revenus supérieurs à 1 milliard de dollars.
• Le PIB (produit intérieur brut) combiné des onze plus grands pays africains sera plus important que ceux de la Russie ou de la Chine d’ici à 2050.
• L’Afrique possède 60 % du montant total mondial de terres arables non cultivées.
• Le taux de retour sur investissement à l’étranger en Afrique est supérieur à celui de n’importe quel autre pays industriel.
Six des 10 économies se développant le plus rapidement au monde au cours de la dernière décennie se trouvent en Afrique sub-saharienne : l’Angola, le Nigeria, l’Ethiopie, le Rwanda, le Mozambique et le Tchad, pays que nous avons harcelé pendant des décennies en quête de guerre, famine et corruption. Mais leur histoire est en train de changer.
Cette accélération de la croissance entraine une amélioration des conditions de vie. Au cours de la dernière décennie, le taux de pauvreté et celui de la mortalité infantile a baissé, les inscriptions à l’école primaire ont augmenté et plus d’Africains ont désormais accès à l’eau potable. A l’évidence, de nombreux pays font encore face à de sérieux défis et il y a toujours un alarmant besoin d’aide à court terme. Mais le mode narratif est en pleine évolution et alors que nous avons été occupés à raconter une histoire de l’Afrique, ils ont été encore plus occupés à en écrire une nouvelle.
Une partie de cette nouvelle richesse a été motivée par la montée des prix des matières premières. L’Afrique possède la plus grosse réserve de minerais inexploitée au monde. Mais les industries de vente au détail, de télécommunications, bancaires et technologiques émergent également de toutes parts. Là où l’occident est venu autrefois en aide à l’Afrique, c’est aujourd’hui la Chine et l’Inde montante qui investissent dans ce continent. La Chine a injecté des milliards de dollars – mais à un prix. Son investissement massif en infrastructure lui donne en retour l’accès aux minerais de ce continent, pour l’aider à diriger son propre boom manufacturier.
La Chine s’est vue accusée par certains de mener une nouvelle guerre coloniale dépouillant l’Afrique de son cœur de minerais. Mais de nombreux Africains ne voient pas la chose sous cet angle et son reconnaissants des montants considérables d’argent qui les aideront à diriger leur propre guérison économique – routes, ponts, écoles, hôpitaux. L’investissement de la Chie change la face de l’Afrique et aujourd’hui il y a près d’un million de Chinois qui vivent et travaillent sur ce continent. L’occident n’est pas en meilleure position pour faire la leçon à l’Afrique pour ce qui est de son meilleur intérêt. Les Africains sont tout à fait capables de juger d’eux-mêmes les failles et bénéfices et de décider en conséquence. Mais, étant donné toutes nos histoires collectives, il est compréhensible de s’assurer que cette nouvelle course vers l’Afrique n’est pas qu’un simple raid pirate du 21e siècle.
L’Afrique a été assaillie par la corruption, mais la corruption ne réside pas seulement au sud de l’équateur. Combien de compagnies pétrolières occidentales ont utilisé une caisse noire pour payer les officiels des pays en voie de développement ? Une précieuse ressource naturelle se volatilise avec peu ou pas de bénéfice accru pour le citoyen ordinaire. La corruption, où qu’elle se trouve, et bien qu’elle affecte l’Afrique, est excessive.
C’est pourquoi la transparence et l’équité pour ce qui est de la gestion de ces contrats d’extraction sont vitales. Pour cette raison, ONE, avec la coalition internationale Publish What You Pay, a été à l’avant-garde, mettant en avant ses dangers. Elle a fait du lobbysme auprès de la Maison blanche et a contraint à un amendement pour marquer la réforme du projet de loi de finances Dodd-Frank, l’an dernier. L’amendement Cardin-Lugar a reçu un soutien bipartite. Il s’agit d’une tentative de contrainte à la vraie transparence dans les industries d’extraction et d’exploitation des minerais. Ce qui lie légalement les entreprises inscrites au marché de la bourse des échanges de New York les obligeant à exposer au grand jour les détails des contrats d’extraction passés avec les pays africains. En retour, cela renforce les sociétés civiles en leur donnant les informations nécessaires pour que leurs gouvernements rendent des comptes. L’entrepreneur soudanais Mo Ibrahim affirme que l’amendement Cardin-Lugar est plus important pour l’Afrique que l’annulation de la dette de cette dernière décennie.
Ce problème de la transparence a été débattu lors du dernier G20. Nicolas Sarkozy a d’ores et déjà affirmé son soutien et salué le ralliement du gouvernement du Royaume Uni à une initiative similaire à celle de l’Union européenne. Le Royaume Uni est en droit de défendre légalement des mesures obligatoires pour assurer que les entreprises basées au Royaume Uni publient les paiements dans tous les pays dans lesquels elles opèrent.
L’Afrique commence à peine à se remettre de deux siècles d’injustice. Nous pouvons désormais jouer un rôle en nous assurant qu’elle soit bien protégée d’un autre raid flagrant sur ses ressources naturelles. Si les Africains peuvent profiter de la richesse minérale enfouie dans leur sol, et que les sociétés civiles peuvent conserver une vision honnête de la part de leurs gouvernements, alors ces ressources paieront pour tous leurs futurs.
L’Europe et le Royaume Uni ont été lents à s’ajuster à la montée d’une Afrique renforcée par sa croissance économique et un boom de consommation bourgeonnant. Les lions africains trouvent leur voix. Une nouvelle génération d’hommes et de femmes qui a l’ambition et l’imagination pour remodeler ce continent à sa propre image – affirmée, sure d’elle, efficace, audacieuse et fière. Demandez à Hosni Mubarak. C’est leur histoire pas la notre. Comme l’a dit à Johannesburg Ory Okolloh, gérant de la politique Google en Afrique : un nouveau train quitte la gare en Afrique – et nous ferions bien de monter à son bord ou il partira sans nous.
L’histoire de l’Afrique évolue. Et nous en propagerons la nouvelle.
U2 France | Un nouveau chapitre s’écrit dans l’histoire de l’Afrique
Posté par rwandaises.com