Après l’attaque de sa résidence par les terroristes à la solde de Ouattara, nous avons rencontré le Général Philippe Mangou, chef d’état-major des armées. Dans l’entretien qui suit, le patron de l’armée ivoirienne fait le point de la situation militaire sur le théâtre des opérations.
Notre Voie : Mon Général, nous voici auprès de vous, chez vous à votre domicile, parce que nous avons appris que vous avez été attaqué ce matin. Est-ce que vous pouvez nous décrire les faits ?
Général Philippe Mangou : Il faut dire que les faits se sont passés un peu loin de mon domicile. C’est à partir du carrefour, et puis du premier pont où nos éléments qui étaient de faction ont été pris à partie par des individus qui sont arrivés à bord de taxis et de gbakas. Nos hommes ont riposté énergiquement. Ces individus ont pris la direction de la ville. Et puis, ils avaient d’autres éléments du côté du château d’Andokoi. Ceux là aussi se sont joints à la partie. Avec la riposte, il y en a qui se sont enfuis dans la forêt. On a pu, à l’aide de canon 90 et de mortiers, traiter ces éléments. Cela a duré environ 4h. De 6h jusqu’à 10h30. On a encore entendu, aux environs de midi, des tirs sporadiques par-ci par-là. Mais le calme est revenu entièrement.
N.V. : Et comment vous sentez-vous ?
Gal P.M. : Oh bien! ça ne m’a pas ébranlé du tout. Encore moins ma famille. Nous sommes restés sereins. Mon épouse était en prière pendant que je dirigeais les opérations. Et cela s’est très bien passé.
N.V. : Vous avez vous-même dirigé les opérations ?
Gal P.M : Bien sûr. J’étais en contact avec mes éléments qui étaient sur le terrain. Je leur donnais des instructions. Mais en même temps, je dirigeais aussi ce qui se passait du côté d’Abobo parce que Filtisac venait d’être attaquée. Donc j’étais en contact avec le Général Détoh qui est le chef des opérations à qui j’ai pu donner des instructions. Donc, on a géré l’ensemble.
N.V. : Mon Général, ce matin-même, on nous disait que les deux voies principales de Yopougon avaient été occupées par l’Onuci. Qu’est-ce qu’il en est exactement ?
Gal P.M. : Ce sont des rumeurs. Il faut avoir fait ces voies pour voir que ce n’était pas coupé. Il faut noter que depuis hier aussi, on nous disait que l’aéroport international Félix Houphouet-Boigny était pris, ce qui n’était pas vrai. Non, non et non, les voies n’ont pas été occupées. Tout de suite après qu’il y a eu l’accalmie, les gens ont commencé à circuler.
N.V. : Nous allons profiter de notre présence ici pour connaître la situation dans le pays. Notamment à San Pedro où on nous dit que l’aéroport serait occupé, à Yamoussoukro et même à l’Ouest. Quel est l’état de la situation ?
Gal P.M. : Disons qu’à l’Ouest, nos éléments étaient à Toulepleu. Donc, à la pression ennemie et des abeilles, nos éléments ont dû décrocher de cette position. Ils sont actuellement à Bloléquin où ils ont encore été attaqués. Mais à Bloléquin, nos éléments ont réagi et bien réagi. On a même déploré près d’une quinzaine de morts du côté des rebelles et nos hommes tiennent encore leur position. A Tiébissou, notre dispositif a été plusieurs fois titillé. Là aussi, il y a eu une prompte réaction de nos éléments et ils sont restés sur leur position.
Donc, en gros, il faut noter que sur la ligne de front, la situation est calme. Concernant San Pedro, c’était une relève qui se faisait. Nous avons trouvé ça normal qu’on aille faire une relève au niveau de San Pedro. A ce niveau, nous avons donné les instructions au com-théâtre, au commandement du groupement pour qu’il suive de près cette relève. Dans le même temps, les jeunes patriotes ont afflué parce qu’il y avait des avions et des hélicos. Ils ont voulu par eux-mêmes vérifier comment se faisait la relève et pourquoi la présence des aéronefs à San Pedro. Mais là aussi les choses sont rentrées dans l’ordre. Pour l’instant, sur le théâtre des opérations, tout se passe bien.
N.V. : Tout à l’heure, nous disions : “Nous voici auprès de vous”. Vous avez certainement dû soupçonner ce que nous voulions dire. Tantôt on nous dit que vous êtes au 43ème Bima, tantôt au Golf…
Gal P.M. : Les Ivoiriens sont un peu faiseurs de rumeurs. Plusieurs fois, je suis passé à la Télé pour leur dire de mettre un terme aux rumeurs. Avec des rumeurs, on a peur, on dit des choses et on se fait peur à soi-même. Alors, un chef d’état-major qui se rend au 43ème Bima ou qui franchit la frontière du pays pour se retrouver dans un autre pays, cela va forcément se savoir. La presse n’allait pas se taire sur ce genre de chose. Et même le gouvernement n’allait pas se taire là-dessus. On allait apporter automatiquement la nouvelle à la connaissance de la population. Non, non et non. Je suis en place. Je n’ai pas bougé du tout. Je n’irai jamais au 43ème BIMA. Mon chef, celui même qui est le chef des armées, dit que s’il doit mourir, qu’on vienne le tuer dans son palais. Je lui emboîte le pas pour dire la même chose. Si je dois mourir qu’on vienne me tuer, ici, dans mon pays.
N.V. : Le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU en Côte d’Ivoire, Young-Jin Choï, disait, ce matin même sur une radio internationale, que les militaires de Côte d’Ivoire ne sont plus motivés…
Gal P. M. : Il raconte sa vie. Que nous ne sommes pas motivés, ce n’est pas vrai. Ce n’est pas lui qui commande l’armée. Nos hommes sont motivés et ils font leur travail comme il se doit. Nos hommes sont encore à Abobo. Nos hommes sont dans les différents points et ils travaillent comme il se doit avec beaucoup de courage. Et nous louons le mérite de nos hommes. S’il y a quelqu’un qui doit apprécier la valeur de nos hommes, c’est bien moi, le chef d’état-major. Ce n’est pas Choi qui commande l’armée.
N.V. : Après Addis-Abeba, on se rend compte que le politique a échoué. On se rend également compte que la diplomatie a échoué. Les Ivoiriens sont aujourd’hui convaincus que la guerre est irréversible. Vous êtes celui sur qui les Ivoiriens fondent tout leur espoir. Qu’est-ce que vous leur dites en ce moment précis de l’histoire de notre pays ?
Gal P. M. : Les hommes sont difficiles. Nous mettons en place des institutions pour nous éviter ce genre de situations, et malheureusement, on ne fait pas confiance aux institutions. Et cela est ridicule. Je l’ai toujours souligné, tous ceux qui ont piloté le processus électoral étaient d’avis que les résultats provisoires devaient être donnés par la Commission électorale indépendante et les résultats définitifs par le Conseil constitutionnel. Et c’est ce qu’a fait le Conseil constitutionnel. Et nous, qui sommes de l’armée, nous avons une mission, c’est de défendre les institutions de la République. Nous nous en tenons aux institutions de la République. Malheureusement, ce n’est pas ce que certains pensent. Et c’est ça qui envoie tous ces problèmes. Mais nous disons aussi qu’on peut faire l’économie de la guerre. On peut s’asseoir à une table de discussions, discuter, avoir des solutions et éviter à notre pays tout ce qui arrive. Et nous encourageons les hommes politiques à discuter entre eux pour trouver la solution qu’il faut à notre pays. Nous leur disons aussi qu’on n’a jamais réglé de problème par les armes. Donc, nous encourageons nos responsables, le Président Laurent Gbagbo et le Premier ministre Alassane Ouattara à se tendre la main, à se prendre la main, à s’asseoir à la table de discussion pour trouver la solution qui va bien afin d’épargner à notre pays tout ce qui arrive.
N.V. : Mon général, c’est un cri du cœur. Si ce cri du cœur n’est pas entendu et qu’on vous pousse à la guerre, est-ce que vous pouvez rassurer les Ivoiriens ?
Gal P.M. : Nous ferons la guerre. On ne va pas rester là à attendre les bras croisés pour se faire égorger. Si on nous pousse à la guerre, nous la ferons. Voilà, et c’est ce que nous sommes en train de faire.
N.V. : Est-ce que l’armée ivoirienne en a les moyens ?
Gal P.M. : Permettez que je ne réponde pas à cette question. Cela relève d’un secret défense. Chacun a ses moyens, aussi chacun compte sur ses moyens.
N.V. : On peut déjà retenir que les hommes sont là et déterminés ?
Gal P.M. : Permettez que je ne réponde pas également à cette question. Mais sachez tout simplement que ce sont les hommes qui font la guerre. Si déjà nous les avons motivés et qu’ils sont déterminés, c’est sûr qu’on pourra faire la guerre.
Interview réalisée par Robert Krassault et Boga Sivori
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Posté par rwandanews