Plus connu pour son single «Alors on danse» vendu à 1,8 million d’exemplaires que pour ses origines africaines, Stromae, jeune chanteur de 26 ans est pourtant né à Bruxelles, d’une mère flamande et d’un père rwandais.
Stromae sur la scène du Métropolis durant les Francofolies de Montréal © Stéphanie Trouillard, tous droits réservés.
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Le mélange se lit sur le corps de Stromae. Des yeux vert de gris, un teint métis très clair, des oreilles de choux, des lèvres délicatement dessinées, une silhouette longiligne. Avec son 1,90 m et ses 70 kg, le jeune garçon est tout en grâce. Un physique hétéroclite qui est la combinaison de ses gènes belges et africains. Le chanteur s’appelle en réalité Paul Van Haver, du nom de sa mère flamande. De son père rwandais, qui ne l’a jamais reconnu, il n’a gardé que ses traits fins, propres aux habitants de ce petit pays d’Afrique centrale: «On ne s’est vu que quelques fois. J’ai seulement une attache avec ma culture rwandaise à travers ma tante, la sœur de mon père.»
Le génocide rwandais
De son géniteur, Stromae a très peu de souvenirs: sa mallette d’architecte remplie de crayons et un unique voyage dans le pays de ses ancêtres: «Je devais avoir 5 ou 6 ans. On devait rester deux mois, mais j’ai attrapé la malaria [paludisme]. À l’école, les enfants ne voulaient pas me donner la main car je tremblais. Je portais une cagoule en plein été, car j’avais de la fièvre ». Même enfant, il est au courant du génocide qui secoue le Rwanda. En regardant la télévision ou en glissant son oreille lors de réunions de famille, le petit Belge comprend que quelque chose de grave est en train de se dérouler: «Il y avait des coups de téléphone, où j’entendais « on a perdu un tel ou un tel ». Mon seul souvenir, c’est que je me sentais très mal dans ces moments là.»
Ce n’est que quelques années plus tard, vers l’âge de 12 ans, qu’on lui a finalement annoncé sans beaucoup de détails que son père avait été tué dans les massacres. «Quand j’ai appris sa mort, des mois après son décès, j’étais plus triste de voir ma tante souffrir d’avoir perdu un frère, que moi d’avoir perdu un père. Je n’en ai pas pleuré, ce n’est pas comme si cela m’atteignait énormément», raconte le chanteur d’une voix posée, sans exprimer d’émotion particulière. Cette distance avec la tragédie qui a touché sa famille se reflète aussi dans sa musique. À la différence du Canadien Corneille, qui a personnellement échappé aux tueries et assisté à l’assassinat de ses proches, Stromae n’en parle pas dans ses chansons.
La dance mélancolique
Ses titres remuants à la sauce «eurodance» sont, à l’écoute des paroles, baignés de mélancolie, à tel point que les médias l’ont proclamé Jacques Brel du 21e siècle. Dans son tube planétaire target= »_blank »>Alors on danse il constate tristement: «Qui dit proches te dis deuils car les problèmes ne viennent pas seuls.Qui dit crise te dis monde dit famine dit tiers- monde». Et, dans son second succès target= »_blank »>Te Quiero, il hurle: «Le moral bas, en haut d’un pont, d’une falaise ou d’un building, j’aurai l’air d’un con quand je sauterai dans le vide. Je l’aime à mort, je l’aime à mort». Le chanteur refuse toutefois d’y voir un lien avec la sanglante histoire du Rwanda: «Si j’ai souffert de quelque chose, c’est plus de l’absence d’un père que de l’avoir perdu dans le génocide. Le seul côté dur que je pourrais avoir dans mes chansons, c’est uniquement le fait que ma mère nous a élevé seule et que nous étions cinq enfants. Ce n’était pas facile, mais ma mère s’est toujours démenée pour qu’on soit bien.»
L’appel des ancêtres
Malgré cet abandon paternel, Stromae a quand même baigné dans la culture africaine. À Bruxelles, il a côtoyé durant son enfance les autres communautés: «En général, on se réunit entre Congolais, Rwandais et Camerounais. On écoute toujours le même style de musique, de la rumba congolaise, du target= »_blank »>Papa Wemba ou du target= »_blank »>Koffi [Olomidé, ndlr]», deux chanteurs-compositeurs congolais. Au final, l’artiste belge avoue se sentir plus Africain que Rwandais: «Je suis 30% Rwandais, 30% Congolais et 40% Africain». Cette attache avec le continent de ses ancêtres est aujourd’hui renforcée par son succès. Dans les clubs de Kinshasa ou d’Abidjan, les DJs passent en boucle ses singles sautillants. Très étonné, Stromae ne peut se retenir de rire en apprenant que certains sites africains le définissent même comme étant rwandais et non comme citoyen belge: «C’est quand même plutôt marrant d’être connu par son pays et appelé par son pays!».
Pour le moment, il n’est monté qu’une fois sur une target= »_blank »>scène africaine, à Carthage en Tunisie : «Le public était moins blasé par rapport à l’Europe. On sent qu’il y a plus de bienveillance. Il y avait beaucoup d’entrain». Le compositeur électro aimerait renouveler l’expérience sur les terres du Sud, mais sans avoir une préférence particulière pour le Rwanda: «Je n’ai pas plus envie d’y aller que dans un autre pays». Après quelques secondes de réflexion, Stromae modère toutefois son avis: «Enfin pourquoi pas, juste pour voir et rencontrer de la famille. C’est important de connaitre là où a grandi ton père et qui était tes ancêtres. Mais, je pense que j’aurais une réelle envie quand j’aurais des enfants ».
Stéphanie Trouillard
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