Sur fond de polémique avec Alain Juppé, le chef de la diplomatie française, Paris a proposé au président rwandais Paul Kagamé d’effectuer début septembre une visite officielle dans l’Hexagone.
Paul Kagamé n’a pas encore confirmé officiellement cette visite, mais il pourrait bien se rendre à Paris le lundi 12 septembre. « C’est en cours de calage », a indiqué un responsable français sous couvert d’anonymat.
La ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, était à Paris pour préparer cette visite, présentée comme la réponse à celle du président français Nicolas Sarkozy en février 2010 à Kigali. Elle s’est entretenue avec le ministre de la Coopération, Henri de Raincourt, mais pas avec Alain Juppé. Le Quai d’Orsay a prétexté l’agenda chargé du ministre pour expliquer l’absence de rencontre entre les deux chefs de la diplomatie.
« Apaiser les blessures, des deux côtés »
Après une rupture des relations diplomatiques entre 2006 et 2009, liée à une enquête judiciaire ouverte en France sur les événements qui ont marqué le début du génocide rwandais de 1994, Paris et Kigali avaient scellé leur réconciliation avec la visite, début 2010, au Rwanda du président français.
Nicolas Sarkozy avait alors reconnu « une forme d’aveuglement » de la France pour n’avoir pas « vu la dimension génocidaire » du régime qu’elle soutenait à l’époque.
« Il faut trouver les moyens et les mots pour apaiser les blessures, des deux côtés », a déclaré à Jeune Afrique Henri de Raincourt. Mais l’apaisement des relations entre les deux États n’a pas gagné Alain Juppé, qui dirigeait déjà en 1994 le Quai d’Orsay au sein d’un autre gouvernement. Paul Kagamé avait déclaré en avril à Jeune Afrique que le ministre des Affaires étrangères français n’était « pas le bienvenu » à Kigali. « Cela tombe bien, je n’avais aucunement l’idée de m’y rendre, ni de serrer la main de [Paul] Kagamé », avait répondu Juppé.
Le chef de la diplomatie française est en effet nommément mis en cause dans un rapport circulant au Rwanda et accusant la France de complicité avec les génocidaires. Ce document, publié en 2008 par une commission d’enquête rwandaise, affirme que la France a « participé » au génocide sous couvert de l’opération militaro-humanitaire Turquoise, lancée en juin 1994. Outre Alain Juppé, plusieurs personnalités françaises, de droite comme de gauche, sont citées.
Entre avril et juin 1994, plus de 800 000 Rwandais, essentiellement issus de la minorité tutsie, ont été massacrés par des milices extrémistes hutues et les ex-Forces armées rwandaises.
Un déplacement opportun
Très critique à l’égard du ministre, Paul Kagamé a cependant déclaré que « la France ne se [résumait] pas à Alain Juppé » avant d’assurer que ce dernier ne devait pas être un obstacle à sa visite parisienne. Il a fait savoir, via Louise Mushikiwabo, que ce déplacement « lui tenait personnellement à cœur, pour lui et pour son pays ».
« Il veut réactiver la coopération au-delà de la simple normalisation politique et souhaite voir aussi des acteurs de la vie économique française », explique-t-on au Quai d’Orsay. Côté français, même son de cloche. On essaye aussi de « dépasser les problèmes de personnes au nom de la raison d’État » et on souhaite que « cette visite se déroule dans un cadre normalisé », fait-on valoir à Paris.
La venue à Paris du président rwandais pourrait être facilitée par un opportun déplacement à l’étranger d’Alain Juppé. Un long voyage de ce dernier en Australie, Nouvelle-Zélande et Chine serait ainsi à l’étude pour septembre. Officiellement, cette tournée aurait pour but de faire avancer des dossiers liés à la présidence française du G20. Et l’assemblée générale annuelle des Nations unies débutant mi-septembre à New York, partir une semaine au bout du monde ne serait possible qu’en début de mois…
(Avec AFP)