Par Antoine Mugesera
Une révolution est en marche au Rwanda. Sans le savoir, sans nous en rendre compte parce que le quotidien nous cache une vue d’ensemble, mais en réalité le Pays est entrain de vivre un changement important dans ses structures politiques, économiques et sociales. Nous ne nous en apercevons pas parce que les gens associent révolution à la violence. Ici pas de violence, pas de révolte ni insurrection mais tout un peuple déterminé est en mouvement de masse vers sa propre libération. Une révolution silencieuse, si l’on peut-dire, est en cours.
Seize ans après la sortie du génocide et de la période de transition, le Rwanda vit depuis une bonne dizaine d’années un changement radical et en profondeur. Au début, des gens pouvaient penser de bonne foi qu’il ne s’agissait que d’un simple effet de rattrapage : la reconstruction après le désastre. Non c’est plus sérieux : l’effet de rattrapage est dépassé. Ce n’est même pas du même ordre de grandeur ni de même nature. Nous sommes en rupture totale avec le passé. Nous ne voulons plus rien faire comme par le passé. C’est un nouveau départ pour un nouveau destin, un nouvel avenir, de nouveaux horizons.
Il ne s’agit pas de réformes ni de quelques programmes économiques bien réussis, non c’est plus que cela. La révolution dont il est question dépasse de loin l’économie : cette dernière n’en est qu’un de ses piliers. Il ne s’agit pas non plus d’une simple bonne gouvernance : cette dernière en est simplement aussi un autre pilier comme l’est d’ailleurs aussi le bien être social de la population. La révolution est un tout, intégré avec des synergies multisectorielles. Tout se tient : le politique, le social, l’économique, la justice et la bonne gouvernance. C’est un ensemble qui se tient. Et le résultat est non seulement palpable mais aussi captivant.
Nous allons montrer dans les lignes suivantes quelques signes extérieurs de cette révolution en plein travail. Nous ne prétendons pas à l’exhaustivité. Nous nous intéresserons principalement à des actions qui intéressent réellement la grande masse du peuple rwandais et dans lesquelles ce même peuple devient partie prenante. Le plus admirable est que ce sont des choses parfois très simples mais extrêmement utiles , comme par exemple une mutuelle de santé à 1000 Frw par personne et par an ou quelques vaccinations qui sauvent pourtant des milliers et des milliers de vies d’enfants. La construction de quelques salles de classe pour éducation de base de neuf ans peut donner des chances d’avenir à des Einchtein ou ā de nouveaux Darwin. Le droit des femmes à l’héritage familial peut et sera pour toujours une garantie de dignité pour des milliers de femmes qui n’avaient droit à aucun bien. Ce sont de pareilles actions qui ont la chance de mobiliser tout un peuple, de lui faire accepter les sacrifices nécessaires et donc de faire aboutir la révolution. Nous allons en donner un échantillon.
Commençons justement par la santé pour la simple raison qu’elle constitue notre bien le plus précieux. On dit en effet que « santé vaut mieux que richesse » (amagara ntaguranwa amagana). La révolution en matière de santé s’est opérée à travers plusieurs actions dont nous ne citerons ici que quelques unes. Comme par exemple la mutuelle de santé actuellement généralisée. Peut-on s’imaginer qu’elle ait passé de 7% en 2003 à 86% en 2009 ? Aujourd’hui la population rwandaise, toutes assurances confondues, est à 92% assurée contre la maladie. Une réussite totale à moins de sept ans ! Et c’est irréversible. Ajoutez-y que la redoutable malaria a fait baisser son taux de mortalité de 64,7% en 2003 à 11,8% en 2009. Le paludisme est en voie d’être complètement vaincu : il a abaissé de 60% dans tout le pays. C’est une grande victoire contre une mort absurde liée en fait ā la pauvreté.
Les enfants qui ont reçu toutes les vaccinations atteignent le record de 80.4% et 96% pour les 3 principales vaccinations. Une révolution. Non ? Le Sida semble perdre des dents ; sa superbe et son agressivité reculent : des volontaires qui se sont fait tester dans 404 centres de santé sur les 517 que compte le Pays, il n’y a eu que 2.05% de positifs contre 10.4% en 2003. Des femmes enceintes qui se sont fait examiner, soit 72.7% de toutes les femmes prégnantes, seulement 2.7% d’entre elles avaient des tests positifs contre 9.1% en 2003.Il n’y a pas lieu de pavoiser mais la prévalence et la virulence du sida reculent réellement. Du nombre de médecins ā celui d’infirmiers par 100.000 habitants, tout a battu des records : de 50.000 personnes pour un médecin en 2003, on est ā 18.000 en 2009…L’infirmière qui avait ā sa charge 3.687 personnes en 2003, n’en garde seulement que 1.311 en 2009. La charge s’allège et les soins en deviennent plus performants.
Une deuxième action révolutionnaire : l’invention des tribunaux Gacaca. Face au problème d’impunité, face au crime de génocide, le peuple rwandais a su inventer des solutions propres qui l’ont libéré des pesanteurs du passé et du legs du juridisme néo -colonial tout en ouvrant et en intégrant des apports extérieurs en fonction de ses propres exigences. Ce fut génial : ce ne fut ni un repli sur soi ni un simple retour au système traditionnel. Non, le pays s’est ouvert mais a d’abord compté sur ses propres forces morales et culturelles. Le résultat fut merveilleux : les tribunaux Gacaca qui ont débuté en 2004 sont parvenus à venir à bout de 1.209.306 dossiers sur un total de 1.209.865 en cours soit 99,95% à moins de 7 ans. Bravo ! La société s’est vite stabilisée sans trop de casse. La réussite de « Gacaca » a permis d’autres ouvertures et d’autres audaces auparavant impensables : la mise en place des « Abunzi » (réconciliateurs du Peuples) et les « inteko z’abaturage » (Assemblées communautaires) au sein desquelles le peuple réuni en communauté de voisinage règle lui même tous ses problèmes et litiges. Ce n’est pas de la justice classique et pourtant l’efficacité de ces structures communautaires est incomparables : elles trouvent solution pour 74% des litiges leur présentés. Le reste va à la justice formelle. Mais une leçon est d’ores et déjà retenue : la justice peut réellement avoir son droit sans passer nécessairement par les mécanismes de la justice à l’occidentale. Personne n’a donc droit, non personne donc, de dicter sa « justice », sa « démocratie » ou ses « droits de l’homme ». Vouloir imposer ces concepts dans des pays construits sur d’autres valeurs multiséculaires est une ingérence sinon une minable arrogance. Un grand mythe est donc tombé. Retenez-le. Et c’est une révolution des mentalités.
Une autre révolution, une autre innovation créatrice : l’enseignement s’est libéré et libéralisé. A moins de 7 ans, le nombre d’enfants à l’école maternelle a passé de 25.343 en 2003 ā 150.000 en 2009, celui de l’Ecole primaire a passé de 1,636.563 en 2003 à 2.264.672 en 2009. A l’école supérieur l’effectif a doublé passant de 179.153 en 2003 à 346.518 en 2009. Une heureuse articulation s’est opérée en 2009 entre l’école primaire et l’école secondaire grâce à la mise en place de trois ans d’enseignement secondaire directement rattaché à l’enseignement de base de neuf ans .L’enseignement secondaire en est devenu à son tour décentralisé et plus proche de la population ā l’instar de l’enseignement primaire. Et il devient gratuit à la grande satisfaction des gens non fortunés et même des plus démunis. Certes l’objectif de « l’enseignement pour tous » n’est pas encore atteint mais d’ores et déjà un pas irréversibles est franchi.
Nous disons que l’enseignement s’est libéralisé : aujourd’hui 37.18% (2008) de tous les étudiants du secondaire sont dans des Ecoles privées tandis que ce pourcentage atteint 53.8% dans l’enseignement supérieur. C’est normal : le secteur privé compte 11 institutions d’enseignements supérieurs sur une vingtaine existante dans le Pays. Les parents prennent en charge l’éducation de leurs enfants C’est aussi une grande action irréversible et porteuse d’avenir.
Une autre réussite mondialement reconnue : la promotion de la femme rwandaise dans toutes les instances de prise de décision. Les femmes émergent progressivement et s’affirment devant dieu et devant les hommes. Elles sont déjà 56%,25% au Parlement rwandais, 66% dans le comité Exécutif de la Ville de Kigali, 46% dans le Conseils (Njyanama) des Districts, 42% dans les Villages (Imidugudu), 36% dans le Conseils des Secteurs (Imirenge), 48% dans les comités Exécutifs des Districts et 44% dans les Comités des réconciliateurs (Abunzi) du peuple[1]. Elles sont dans l’ensemble 48,28% dans toutes ces Instances .C’est un début mais c’est un grand pas irréversible pour notre pays : la femme rwandaise se libère enfin des pesanteurs du passé culturel, traditionnel et archaïque d’antan. La femme étant le socle de notre société, une fois libérée, c’est tout le peuple rwandais qui le sera. L’avenir est de ce côté-là et sur ce point le Rwanda a été visionnaire.
Sur le plan socio-économique, il convient d’évoquer des programmes intégrés qui se concentrent sur le menu peuple. Incroyable mais vrai : le gouvernement ne veut voir personne rester à la traine ou à l’écart du mouvement en marche vers le progrès durable. Chacun est intégré. L’objectif : éradication de la pauvreté. C’est ambitieux mais le pari est entrain d’être gagné, et la réussite est spectaculaire. Dans le programme dit « GIRINKA », on distribué des vaches aux familles les plus démunies et l’opération a fait monter le nombre de gros bétail rwandais au-delà du cap d’un million de vaches. C’est du jamais vu depuis le siècle dernier : jamais le nombre de gros bétail n’avait atteint ce record. Le Rwanda va-t- il donc devenir le pays où coulent le lait et le miel comme le rêvaient nos ancêtres ? Le chemin est encore long mais d’ores et déjà le pays parvient à couvrir 86,32% de ses besoins en produits laitiers[2]. Le programme de « GIRINKA » qui est parvenu à donner des vaches à 84.589 familles à moins de 3 ans (2006-2009) n’est pas isolé : il est en synergie avec d’autres programmes dits HIMO, UMURENGE SACCO, UBUDEHE et VUP, la lutte antiérosive, la distribution des fertilisants, d’eau et d’électricité etc. Ce sont tous ces programmes qui sont entrain de transformer en profondeur le paysage rural rwandais. L’impact pourtant réel et irréversible est imperceptible à celui qui est pressé ou distrait. Pour s’en apercevoir, il faut ouvrir les yeux.
Une autre innovation dans nos campagnes : le paysage rural se peuple progressivement de modestes usines de lavage de café ( de 23 en 2003 à 183 en 2010), de traitement de manioc avec sept usines déjà installées en moins de 2 ans, de maïs(2 usines), et de riz( 3 usines) et de blé, de 3 laiteries, 41 centres de collectes de lait, de 3 abattoirs [3]etc. Le pays cherche à donner une valeur ajoutée à la production agricole. L’issue est prévisible : créer les liens d’interaction entre les produits d’origine agricole et l’industrie ; créer des synergies entre eux de façon que l’agriculture puisse engendrer et stimuler, en amont et en aval, des industries de transformation et des activités connexes. Il y aura finalement des effets de liaisons et d’entrainement. En retour, les industries livreront à l’agriculture les inputs d’origine industrielle : engrais chimique, insecticides et machines. C’est alors enfin qu’un tissu industriel prendra forme. Ces usines dispersées dans le paysage rwandais constituent un début d’une toile d’araignée industrielle appelée à créer un véritable tissu de connexion agro -industriel.
D’autres actions nombreuses, certaines encore timides, d’autres déjà rapides n’échappent pas à l’attention de celui qui veut les voir ; par exemple l’habitat groupé dit Imidugudu (villages) se généralise progressivement, les terrasses radicales couvrent déjà 66,16% de terres arables, l’émergences des coopératives d’épargne et de crédits dites SACCO « IMIRENGE », les systèmes de micro finance, l’accès à l’eau potable, le téléphone portable dont le taux de pénétration dans le milieu rural a dépassé toute prévision car le nombre de souscrits au téléphone a passé de 266.859 en 2005 à 1.520.140 en 2008. Et le taux continue son ascension. Ce sont autant de réalités révolutionnaires qui feront désormais partie de notre vie quotidienne. Demain, il n’y a plus de doute, la culture de l’internet sera à son tour généralise d’autant plus que les jeunes générations auront appris à l’école, à le manier et à en faire leur outil journalier grâce au programme déjà en cours « un laptop pour chaque enfant ». Déjà plus de 109600 laptops[4] sont les uns déjà distribués, les autres en voie de l’être ou enfin en commande. Encore une action irréversible, lancé pour de bon. C’est une autre marque d’une révolution silencieuse en cours de réalisation.
On ne peut tout raconter mais il faut du moins évoquer l’amélioration de l’environnement des affaires dont le Rwanda a été le grand champion. Il a littéralement sauté les étapes passant presque du dernier rang de 2006 au premier rang de la première ligne en 2010. Le processus s’est fait sous nos yeux : le pays a d’abord assuré la sécurité nationale, il a ensuite combattu la corruption jusqu’à la tolérance zéro, il a en troisième lieu mis en place un cadre légal et réglementaire adéquat pour enfin créer des institutions comme RIEPA, RURA, RDB, RHODA etc. Il a finalement ouvert ses frontières. Le tout fut accompagné de quelques mesures administratives d’apparence anodine mais dont l’impact est énorme comme par exemple le délai bien limité de livraison de services ou le« On Stop Center » et le résultat se révéla impressionnant.
Disons en conclusion que réellement le Rwanda se libère progressivement de la misère, de la pauvreté.et surtout d’une mentalité misérabiliste et quémandeuse vers l’auto-affirmation de soi. Une prise de conscience et une foi dans l’avenir sont devenues aujourd’hui des réalités incontestables. L’ignorance, la pauvreté et la malade reculent. Les blessures du génocide se cicatrisent petit à petit. Le tissu social se refait. Le niveau de vie de la population s’élève (de 220$ par personne en 2002 à 520$ en 2009). Le pays s’affirme et s’affermit, la dignité réapparait, la fierté s’affiche dans toutes les Instances nationale et internationale .Au-delà des chiffres et des graphiques quelque chose de profondément psychologique est apparu et s’enracine profondément dans l’âme du peuple rwandais : la foi dans son avenir, la perspective que tout est envisageable et possible pour le meilleur de notre Pays. On se met même ā rêver, on se donne des échéances « Tuenty-tuenty » comme on dit ou Vision 2020. Demain toutes les échéances deviendront des réalités. Ici personne n’en doute. Et c’est cette confiance en soi qui fait merveilles. Des spectateurs externes regardent, certains avec sympathie, d’autres avec scepticisme. Il y en a même qui se sont autoproclamés ,on ne sait de quel droit ni de quelle légitimité , ā la fois procureurs et juges..C’et d’ailleurs pour cela que leurs sentences semblent sans recours .Ils sont le moindre souci du peuple rwandais qui avance, telle une caravane, sans peur ni reproches.
Voila .Tout est certes encore en chantier mais la voie est déjà tracée. Et « l’effort de chaque matin, comme disait François Perroux, console de l’insuffisante moisson de la vielle ; et le surcroît d’exigence que procure la tâche accomplie revive l’attention d’entreprendre quelque œuvre nouvelle ». Nous sommes heureux de pouvoir constater et dire ā travers cette revue Dialogue[5], que le Rwanda est sur la bonne voie et dans la bonne direction. C’est grâce, sans nul doute, à son leadership, avec sa vision, sa détermination et son engagement. C’est grâce à son peuple et, disons-le en toute honnêteté, grâce aussi et surtout à son Président Paul KAGAME : il est le maître d’ouvrage de cette salutaire œuvre de révolution que le peuple rwandais est en voie d’accomplir. A notre humble avis, le président Paul KAGAME a été et reste l’homme des circonstances exceptionnelles : il fut l’homme qu’il faut au moment qu’il faut. Le Rwanda en a encore grand besoin pour bien mener à terme cette Révolution en plein travail qu’il mène de main de maître. Vive le Rwanda et son Président. Ad multos annos.
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Posté par rwandaises.com