Par François Soudan
Du 12 au 13 septembre, Paul Kagamé a effectué sa première visite officielle à Paris depuis son accession au pouvoir. Si le président rwandais dirigeait un pays comme les autres, ce déplacement dans la capitale française ne serait pas en soi un événement. Tout juste remarquerait-on qu’il met un terme à une sorte d’anomalie.
Les deux précédents séjours en France de cet ancien chef de guerre parvenu à la gouvernance suprême sur les décombres d’un épouvantable génocide se sont en effet mal déroulés. Le premier, en pleine lutte armée, sous la présidence d’un certain François Mitterrand alors ouvertement hostile à la rébellion tutsie, valut à l’intéressé d’être interpellé par la police puis quasi expulsé du territoire. Le second, lors du sommet franco-africain de février 2003, se solda par une rencontre glaciale de dix minutes avec un Jacques Chirac peu disposé à l’écouter.
Ce voyage de Paul Kagamé, voulu, voire imposé à une partie de ses collaborateurs, par Nicolas Sarkozy – qui s’est lui-même rendu à Kigali – remet donc les choses à leur place. Reste que, entre la France et le Rwanda, la tranquille normalité d’une relation banale ne sera sans doute jamais de mise.
Les comptes et mécomptes du passé, et notamment le rôle trouble que joua Paris avant, pendant et après le génocide de 1994, sont loin d’être réglés. Circonstance aggravante : la relation de cet épisode tragique vu de Kigali met directement en cause une demi-douzaine de personnalités politiques françaises toujours en activité, ainsi qu’une belle brochette de hauts gradés de l’armée. C’est ce cocktail détonant qui, alimenté par une enquête judiciaire bâclée, menée entièrement à charge contre Kagamé et ses proches, explique pourquoi les deux pays ont un moment rompu leurs relations diplomatiques.
D’un commun accord, Nicolas Sarkozy et Paul Kagamé ont décidé de mettre ce contentieux entre parenthèses – mais il demeure réactivable à tout moment. Le Rwandais, qui n’est pas non plus un président africain comme les autres, est un pragmatique sans états d’âme. Anglophone, dénué de toute attache sentimentale avec la France, tourné vers l’Afrique de l’Est et les dragons asiatiques, proche des États-Unis, cet adepte du développement autoritaire et de la démocratie surveillée ne vient pas à Paris en position de demandeur, même s’il entend bien vanter auprès des investisseurs les mérites de l’une des économies les plus performantes et les mieux dirigées du continent.
Absente du Rwanda dans tous les domaines – économique, culturel, éducatif et même diplomatique, en dépit des efforts méritoires de sa micro-ambassade –, la France a depuis longtemps laissé la place à d’autres. À elle de savoir réagir.

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