Karirima A. Ngarambe, correspondant de « IGIHE.com » en Belgique s’est entretenu avec Diogène Nshunguyinka, un rwandais qui vient de publier un livre sur le génocide perpétré contre les Tutsi au Rwanda, il y a 17 ans de cela, et dans lequel, il revient également sur son parcours. Le livre a pour titre « Derrière les barreaux de ma mémoire. ».

Igihe.com : Puis- je vous demander de vous présenter à nos lecteurs ?

Diogène : Tout d´abord, je tiens à vous remercier de m´avoir accordé un peu de votre temps, afin de discuter avec vous, à l´occasion de la publication de mon livre. Je réponds au nom de Diogène Nshunguyinka, Je suis rwandais. J´habite en Autriche depuis bientôt 15 ans, J´ai travaillé pour différents Hôtels cinq Etoiles. Même si j´ai étudié les Lettres, la Psychologie Générale et la Communication Interne des Entreprise. Ecrire n´est pas mon domaine.

Igihe.com : Avez-vous un lien de parenté avec l´ Honorable Sénateur Nshunguyinka Francois ?

Diogène : exact. Vous ne vous êtes pas trompé, c´ est bel et bien mon père. D´ailleurs, c´est lui qui a préfacé mon livre. A ma demande, car j´y évoque en grande partie ma famille. Je suis cinquième d´une famille de dix enfants. Hélas, pendant le génocide, nous avons perdu quatre d´entre- nous.

Igihe.com : Dans votre livre, vous ne mentionnez pas les ethnies au Rwanda, vous en parlez sans les nommer. J´aimerais que vous m´expliquiez, car tout le monde sait que le génocide a été commis contre les Tutsi. Pourriez- vous nous dire pourquoi vous avez opté pour cette façon-là d´écrire ?

Diogène : Ca semble avoir surpris ceux qui ont pu me lire, car c´est le premier point dont ils me parlent le plus souvent. Ceux qui témoignent sur le génocide, même si nous racontons tous cette triste histoire commune, chacun a son propre parcours. En ce qui me concerne, c´est de cette manière là que j´ai voulu raconter le mien. J´ai jugé bon ne pas revenir sur ce qui a divisé le peuple rwandais, et qui fut le début de ce qui s´est passé. Avant toute chose, nous sommes tous rwandais.

Igihe.com : Quelles sont les raisons qui vous ont poussées à écrire votre livre 17 ans plus tard ?

Diogène : Je me suis rendu compte qu´au fur et à mesure que les années passent, Il y en a qui oublient, d´autres qui veulent oublier ce qui s´est passé, et aussi ceux qui semblent le nier en minimisant les faits. J´ai voulu que la jeunesse, qui est le Rwanda de demain, parmi laquelle se trouvent les enfants que le génocide a rendu orphelins, dont ceux de ma famille, et ceux qui sont nés plus tard, connaissent l´histoire. Plus spécialement ceux qui naissent ici, ou grandissent ici en Europe ou dans d´autres contrées en dehors du Rwanda, qui n´ont pas où l´apprendre de manière plus approfondie, à part ce qu´on leur raconte. J´ai voulu également que les miens qui ont été tués, ne tombent pas dans l´oublie, comme s´ ils n´avaient jamais existé.

Igihe.com : Vous revenez longuement sur la façon dont vos frères ont été tués dans a Kigali, pourriez- vous nous expliquer brièvement, comment ca s´est passé ?

Diogène : En parler comme ca, au cours d´une conversation, ce n´est toujours pas évident. C´est pour cela que j´ai écris. C´est vrai, mes frères ont été tués tous ensemble dans la ville de Kigali, quatre jours après le début du génocide. Il y avait mes deux grands frères et mon beau- frère, ma grande sœur et ma belle-sœur, mon petit frère, ainsi que mon neveu.

Igihe.com : En concluant le livre, vous avez souligné que certains parmi ceux qui ont participés au massacre des membres de votre famille, ont été inculpés et jugés. Qu´est- ce que cela veut dire. Qu´est- ce que vous avez eu envie de montrer, ou alors qu´est- ce que cela change quant à la peine que la famille a pu avoir ?

Diogène : Cela prouve sans équivoque, qu´il y a eu crime contre l´humanité. Ceux-là qui cherchent à le nier, la justice leur donne tort. Quant à nous les survivants, cela ne nous ramène pas les nôtres, mais au moins, on fait un pas en avant. Parmi les victimes du génocide, il y en a qui ont laissé des enfants, ces derniers vont grandir en sachant, que de tels actes sont punissable.

Igihe.com : Dans vos écrits, vous n´évoquez pas seulement le génocide, vous parlez aussi de votre parcours personnel, depuis votre enfance, à aujourd´hui.

Diogène : J´imagine que je ne pouvais pas revenir sur cette épreuve, sans que je ne me présente en premier aux lecteurs. Sans que je ne parle de là où je suis né, grandi, éduqué. Revenir sur les bons et mauvais moments que j´ai pu partagés avec mes amis, ma famille, dont certains d´entre eux, ne sont plus là. Le but n´était pas de parler de moi. Beaucoup ne connaissent pas bien l´histoire du Rwanda, ils ont du mal à se représenter ce qu´était la vie avant et après le génocide. Certains parmi ceux qui ont lus mon livre, se sont reconnu dans mon histoire, ils m´ ont écrit, en me disant que cela leur apporté quelque chose. Ca m´a touché, le fait qu´ils ont tenu à me le faire savoir.

Igihe.com : Auriez-vous quelque chose de particulier à déclarer aux lecteurs d´Igihe.com ?

Diogène : J´aimerais conclure sur une phrase qui n´est pas la mienne, que je vais emprunter à une personne qui a dit que « oublier, c´est accepter que cela puisse recommencer »

Photo : couverture du livre derrière les barreaux de ma mémoire

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