Alain Juppé reprochant à Bernard-Henri Lévy, dans l’avion pré­ sidentiel de retour du voyage officiel en Libye : « Vous avez dit que j’étais complice des génocidaires du Rwanda. Alors, que sortant d’une réunion des ministres européens en 1994, j’avais déclaré que c’était un génocide » L’argument est court, très court pour sa défense.

Un argument déjà utilisé lors de son audition devant la mission d’information parlementaire de 1998, devant laquelle il avait expliqué avoir utilisé le mot de « génocide », le 15 mai 1994, à l’issue de la réunion à Bruxelles du Conseil des ministres de l’Union européenne.

Une déclaration qui intervenait dix jours après celle du Secrétaire général de l’Onu, Boutros Boutros Ghali et alors, qu’à cette date, la majeure partie du génocide avait déjà eu lieu. Prise de conscience tardive ? Bien que sûr que non puisque le gouvernement français avait été alerté de longue date sur le génocide qui se préparait et qu’il n’ignorait rien des massacres en cours depuis le 7 avril.

Pis, en plein génocide, le 27 avril 1994, Jérô­me Bicamumpaka, ministre des Affaires étrangères du gouvernement intérimaire qui est en train de commettre le génocide, et Jean-Bosco Barayagwiza, extrémiste de la Coalition pour la défense de la République (CDR), étaient reçus à Paris, et par l’Élysée et par Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères du gouvernement Balladur.

Le gouvernement français, par la voix de Juppé, attend donc le 15 mai pour qualifier l’extermination des Tutsi rwandais de génocide. Jusque-là, Paris feignait de ne voir au Rwanda, qu’une banale guerre civile. Mais il faut sûrement comprendre ce réveil tardif par les succès militaires de l’offensive du FPR de Paul Kagamé. Car parler enfin de « génocide » sur le plan diplomatique ouvrait la voie légale d’une intervention militaire de l’Onu.

Devant les difficultés à mettre sur pied une Minuar 2, c’est l’opération Tur­quoise menée par l’armée française qui la remplaça et débarqua au Rwanda, le 22 juin. Officiellement neutre, Turquoise a permis officieusement de couvrir la fuite de centaines de génocidaires vers le Zaïre dont le président Théodore Sindikubwabo et… Jérôme Bicamumpaka, reçu deux mois plus tôt par Juppé.

Et, alors que Kagamé était en visite officielle à Paris, Juppé, depuis Pékin, déclarait qu’il ne changerait pas ses « convictions » au sujet du génodice. « Je suis très décontracté (…) » ajoutait-il. Au regard de l’Histoire, il n’y pourtant pas de quoi.

par Billets d’Afrique et d’ailleurs…