Paris, 15 octobre 2011 (FH) – Révélées début septembre par Wikileaks, des discussions attestant du soutien de Washington au transfert de prisonniers du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) vers Kigali ont bien eu lieu dès 2009, a confirmé à l’Agence Hirondelle l’ambassadeur américain pour les crimes de guerre, Stephen Rapp.

Jusqu’en 2008, les Etats-Unis ne se démarquaient pas de la ligne des juges du TPIR, qui n’étaient « pas convaincus que le Rwanda respecte l’indépendance de la justice ».

Mais après l’échec de l’objectif fixé par le Conseil de sécurité des Nations unies de clore en 2008 les procès d’un tribunal jugé lent et coûteux, la position de Washington sur la question des transferts a sensiblement évolué, comme l’indique un câble diplomatique rédigé le 1er décembre 2009. L’ambassade américaine à Kigali fait état d’une discussion au cours de laquelle Stephen Rapp indique que « le gouvernement US soutenait le transfert au Rwanda de la plupart, et peut-être de tous les accusés dont les procès n’ont pas débuté ou qui n’ont pas été appréhendés par le TPIR » avant sa fermeture, repoussée depuis lors à la fin 2011, pour les procès en première instance.

Selon le câble, Rapp a également, dès 2009, suggéré à ses interlocuteurs rwandais d’accepter la présence de juges internationaux dans les tribunaux chargés de juger les accusés transférés. À l’époque, le Rwanda s’est montré réticent.

« Un des avantages serait que si des accusés veulent faire venir des témoins réticents à se rendre Kigali, ils pourraient se déplacer dans la juridiction d’origine du juge international, et cela faciliterait le processus », argumente M. Rapp dans un entretien avec l’agence Hirondelle.

Le 28 juin 2011, les juges ont, en première instance, déféré le dossier du pasteur Jean Uwinkindi vers le Rwanda. Et, dans l’argumentaire qu’il a produit en soutien à ce transfert, le Rwanda annonçait son intention de réformer la loi pour inclure « des juges issus de tribunaux étrangers ou internationaux » si le procès devait se tenir à Kigali. Les suggestions américaines semblent avoir finalement été retenues.

« Si l’appel d’Uwinkindi est rejeté, nous espérons qu’avec l’aide du Commonwealth, un juge [étranger] pourra siéger en première instance, et que la législation rwandaise sera modifiée dans ce sens », ajoute Stephen Rapp. La Cour suprême rwandaise pourrait alors, d’après les conversations qu’il a eues à Kigali, assigner à ces procès un panel de trois juges, dont l’un pourrait être un international.

La présence d’un magistrat international n’est cependant pas une condition requise par les juges du TPIR, qui dans la décision Uwinkindi prévoient la seule présence d’observateurs de la Commission africaine des droits de l’homme.

D’autres options ont été étudiées, admet l’ambassadeur. Mais aucun pays dans le monde ne disposant de la compétence universelle pure, les deux affaires transférées vers la France étant « manifestement très lentes», « il n’y avait pas d’autre solution, et donc nous devons faire en sorte que cette solution marche ». Après tout, ajoute-t-il, « les Rwandais sont aussi bons que n’importe qui dans le monde pour savoir ce qui est arrivé tel jour sur telle colline ».

C’est une politique du « attendons voir ce qui arrivera », dénonce la défense d’Uwinkindi dans son mémoire d’appel du 8 septembre, estimant que la preuve n’a pas été apportée de la capacité du Rwanda à mener un tel procès en accord avec les « standards internationaux ».

« Bien sûr que tout le monde souhaite ces transferts pour des raisons politiques, mais nous espérons que les juges d’appel du TPIR prendront leur décision en suivant les règles du droit », espère le co-conseil britannique du pasteur, Iain Edwards. « Notre plus grande inquiétude concerne la possibilité des témoins à décharge de venir au Rwanda. Quarante-neuf témoins potentiels résidant dans neuf pays d’Afrique nous ont dit que si le procès devait se tenir à Kigali, ils ne pourront pas venir. Ils ont peur. »

La décision finale de la chambre d’appel est attendue avant la fin de l’année.

 

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