Merci Marie-France Collard… Alors qu’il s’éloigne dans le temps, le génocide rwandais paraît de plus en plus désincarné. Il se réduit à des statistiques (800.000, ou un million de morts ?) à des accusations croisées empreintes révisionisme (qui a tué le plus ?), à des spéculations sur l’attentat contre l’avion, comme si ce crime avait été le seul déclencheur de la tragédie. On en oublie que les victimes étaient des hommes, des femmes qui auraient pu être nos voisins, des enfants qui auraient pu jouer avec les nôtres dans le jardin d’à côté et que les tueurs étaient des gens que nous aurions pu saluer poliment chaque matin en leur demandant des nouvelles de la méteo…

Les Rwandais, victimes et bourreaux, c’étaient des gens comme nous, intellectuels ou paysans, dirigeants politiques, militants ou chefs de famille. Des gens qui se sont retrouvés pris au piège de la haine, qui ont tué, qui sont morts, ou qui ont fui… Aujourd’hui, nombre d’entre eux se retrouvent en Belgique. Ils se côtoient, se reconnaissent, se saluent parfois et se souviennent de la terreur d’autrefois…

Marie-France Collard les a retrouvés à l’occasion du procès d’Ephrem Nkezabera. La Cour d’Assise s’est tenue en l’absence du prévenu  car en 2009 il était gravement malade et est décédé depuis. S’il ne comparut pas devant la Cour d’Assisse,  il eut cependant  le temps de répondre aux enquèteurs et son procès a livré bien des informations sur la préparation du génocide, sur les intellectuels et les financiers. Marie-France Collard, caméra attentive, questions discrètes et empathiques, a permis aux victimes  et à leurs proches de s’exprimer. Les victimes… De loin, on pouvait les voir, aux premiers rangs du public dans ce procès négligé par la foule des grands jours. Elle était là, Claire Beckers, à évoquer la mémoire de sa sœur et de son beau frère assassinés, elle était là, Immaculée,  à compter sur les doigts d’une main ceux de sa famille qui lui restent…. Elles étaient là, d’autres femmes encore, à parler du viol, de ces violences abjectes qu’il est si difficile de nommer…Marie-France Collard a posé les questions essentielles : au-delà du souvenir et de cette souffrance qui ne s’éteindra jamais, où en est le pardon ? La réponse a été brutale, sans concessions : pourquoi accorder le pardon à celui qui ne vous demande rien ? A celui qui, sans doute, est prêt  à recommencer ?

Au Rwanda, où la réconciliation a droit de cité, de telles questions relèvent du tabou et ne reçoivent, tout au plus, que des réponses obligées, sinon imposées. En Belgique, la parole est plus libre et « Bruxelles-Kigali »  un film co produit par Cobra  et Zeugma films et la RTBF a enregistré au plus près les sentiments réels, les contradictions de l’après génocide. Curieusement, si à Kigali règne la volonté, à Bruxelles, c’est la vérité pure et dure qui a prévalu et elle donne des  frissons…

 

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