La musique ne suffit pas…A travers Kinshasa, les candidats font la ronde dans une atmosphère de fête. Les fanfares fanfaronnent, les tambours tambourinent, les candidats qui en ont les moyens distribuent des bics ou des « zibulateurs » un terme passé du lingala au français,  ceux ont des ambitions mais pas d’argent se sont contentés d’imprimer leur portrait sur une feuille A 4 et dans leur quartier ils font du porte à porte  avec un message simple, « votez pour moi… » Bien rares sont ceux qui mentionnent le nom de leur parti d’origine. La raison en est simple : soit la formation, qui vient d’être créée, est inconnue au bataillon et la mentionner ne servira à rien, soit elle est déjà représentée au Parlement mais il vaut mieux ne pas en parler car les électeurs ont été déçus par les grands partis. Ils reprochent en particulier aux élus de l’ancienne majorité de s’être « servis » en priorité, en votant une indemnité mensuelle de 6000 dollars par mois et en profitant d’une jeep 4×4, regardée avec mépris lorsqu’elle passe dans les quartiers populaires. Si les sortants, les seuls qui ont réussi à se constituer une cagnotte,  craignent vivement d’être  éliminés  par leurs électeurs malgré leur tardive générosité, les nouveaux se dirigent vers ces élections comme on va à la loterie, avec peu de programme mais beaucoup d’espérances.

Pour masquer leur déception, les innombrables « non élus » de demain, soit 17.500 candidats  sur 18000 ont déjà un discours tout préparé : les élections ont été mal organisées, voire truquées.  La CENI (Commission nationale électorale indépendante ) est un émissaire tout trouvé. « Le 26 au soir, nous serons prêts, je dormirai tranquille » assure Raymond Eshimba, l’un des responsables de la logistique, persuadé que tout sera en place. Depuis Goma, sa collègue Elise Muhimuzi confirme : «  les bulletins arrivent, tout se distribue dans les temps, la date ne changera pas… »

Cependant, dans les rédactions de Kinshasa, des appels au secours se multiplient : les urnes n’arrivent pas, certains bureaux de vote ne sont pas ouverts. Et la pluie diluvienne, qui bloque même certains quartiers de la capitale et provoque des éboulements risque de ne pas arranger les choses…

Dans le quartier Macina, le grand lycée Louis Palazzo, géré par les sœurs de Bergame, semble fin prêt pour accueillir les bureaux de vote. Les électeurs se montrent prévoyants : plusieurs jours avant le jour J, ils viennent scruter les listes affichées devant les classes, détaillent les listes alphabétiques pour retrouver leur nom et repèrent déjà le bureau vers lequel ils se dirigeront. Un homme note soigneusement  sa destination, dans un petit carnet sur lequel il a inscrit aussi  le numero de son candidat présidentiel préféré et le numero  de son élu à l’ Assemblée, mais il  se refuse à tout commentaire «  c’est mon secret »… Un autre recherche son nom depuis de longues minutes, et ne le trouve pas. Il se prépare à appeler la CENI ou à lui envoyer un SMS pour clarifier sa situation.

Les partis d’opposition jouent à fond la stratégie du doute, dénonçant l’existence de bureaux fictifs, assurant même que trois millions de bulletins de vote, déjà cochés en faveur de Joseph Kabila, auraient été amenés au Congo par vol spécial. Des observateurs de la société civile se demandent comment diable il serait possible de  mettre en circulation ces bulletins frauduleux, alors que tous les votes seront dépouillés sur place et que les résultats, validés par les témoins des partis politiques, seront immédiatement affichés aux portes des bureaux. Le problème, soulignent ils, c’est que les partis, même ceux qui soutiennent Kabila, n’ont pas assez d’observateurs, car ils n’ont pas les moyens de les payer. C’est pourquoi la CENI a prolongé de huit jours l’accréditation des observateurs politiques mais dans ses bureaux de Kinshasa, des liasses de cartes roses attendent toujours d’être distribuées…

Le contraste demeure frappant entre les avis de prudence délivrés par les représentations diplomatiques, qui craignent que des expatriés soient pris pour cibles de violences délibérées (un membre de MSF a été grièvement blessé par balle au Sud Kivu lors d’un attentat toujours inexpliqué) , et l’atmosphère plutôt festive de la campagne qui fait bouger et danser les quartiers de Kinshasa…

http://blog.lesoir.be/colette-braeckman/2011/11/23/les-accusations-de-fraude-se-multiplient/Posté Posté par rwandanews