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Patrice Émery Lumumba1 (né le 2 juillet 1925 à Onalua, Congo belge – assassiné le 17 janvier 1961 au Katanga) est le premier Premier ministre de la République démocratique du Congo de juin à septembre 1960. Il est, avec Joseph Kasa-Vubu, l’une des principales figures de l’indépendance du Congo belge.

Patrice Émery Lumumba est considéré au Congo comme le premier « héros national ». Il a en effet été assassiné par des responsables de l’État du Katanga avec l’assentiment de la sûreté de l’État belge, puissance coloniale du Congo.

Études et vie active[modifier]

Patrice Lumumba est né à Onalua (territoire de Katako-Kombe au Sankuru, Congo belge, dans l’actuel République démocratique du Congo). Il fréquente l’école catholique des missionnaires puis, élève brillant, une école protestante tenue par des Suédois. Jusqu’en 1954 (année de la fondation d’un réseau d’enseignement laïque et de la première université) la Belgique coloniale n’a que peu développé le système d’éducation, entièrement confié aux missions religieuses. L’école ne donne qu’une éducation rudimentaire et vise plus à former des ouvriers ou des clercs, mais Lumumba, autodidacte, se plongera dans des manuels d’histoire pour étudier plus en profondeur la Révolution française et l’histoire d’Haïti, des États-Unis et de la Russie.

Il travaille comme employé de bureau dans une société minière de la province du Sud-Kivu jusqu’en 1945, puis comme journaliste à Léopoldville (aujourd’hui Kinshasa) et Stanleyville (Kisangani), période pendant laquelle il écrit dans divers journaux.

En septembre 1954, il reçoit sa carte d’« immatriculé », réservée par l’administration belge à quelques éléments remarqués du pays (200 immatriculations sur les 13 millions d’habitants de l’époque).

Il découvre, en travaillant pour la société minière, que les matières premières de son pays jouent un rôle capital dans l’économie mondiale, mais aussi que l’administration coloniale cache aux Congolais ce potentiel présent dans les frontières — par ailleurs arbitraires — du pays. Il milite alors pour un Congo uni, se distinguant en cela des autres leaders indépendantistes.

En 1955, il crée une association « APIC » (Association du personnel indigène de la colonie) et aura l’occasion de s’entretenir avec le roi Baudouin en voyage au Congo, sur la situation des Congolais.

Le ministre du Congo de l’époque, Auguste Buisseret, veut faire évoluer le Congo et notamment mettre en place un enseignement public. Lumumba adhère au parti libéral avec d’autres notables congolais. C’est ainsi qu’en compagnie de plusieurs d’entre eux, il se rend en Belgique sur invitation du Premier ministre.

Le combat pour l’indépendance[modifier]

En 1956, il est emprisonné un an. Libéré par anticipation, il reprend ses activités politiques et devient directeur des ventes d’une brasserie. En cette même année, il est président de l’Association des évolués de Stanleyville2. Le gouvernement belge prend quelques mesures de libéralisation : syndicats et partis politiques vont être autorisés en vue des élections municipales qui doivent avoir lieu en 1957. Les partis politiques congolais sont parrainés par ceux de Belgique et Lumumba est d’abord inclus dans l’amicale libérale.

En 1958, à l’occasion de l’exposition universelle, des Congolais sont invités en Belgique. Mécontents de l’image peu flatteuse du peuple congolais véhiculée par l’exposition, Lumumba et quelques compagnons politiques nouent des contacts avec les cercles anti-colonialistes. Dès son retour au Congo, il crée le Mouvement national congolais (MNC), à Léopoldville le 5 octobre 1958 et, à ce titre, participe à la conférence panafricaine d’Accra. Il peut à ce titre organiser une réunion pour rendre compte de cette conférence au cours de laquelle il revendique l’indépendance devant plus de 10 000 personnes.

Premiers démêlés politiques en octobre 1959 : le MNC et d’autres partis indépendantistes organisent une réunion à Stanleyville. Malgré un fort soutien populaire, les autorités belges tentent de s’emparer de Lumumba, ce qui provoque une émeute qui fait une trentaine de morts. Lumumba est arrêté quelques jours plus tard, jugé en janvier 1960 et condamné à 6 mois de prison le 21 janvier.

En même temps, les autorités belges organisent des réunions avec les indépendantistes. Une table ronde réunissant les principaux représentants de l’opinion congolaise a lieu à Bruxelles, et Lumumba est libéré en toute hâte le 26 janvier pour y participer. Alors qu’il espérait profiter des tendances contradictoires d’un ensemble hétéroclite, le gouvernement belge se trouve confronté à un front uni des représentants congolais et, à la surprise de ceux-ci, accorde immédiatement au Congo l’indépendance3, qui est fixée au 30 juin 1960.

Ce jour-là, lors de la cérémonie d’accession à l’indépendance du pays, Lumuba prononce un discours virulent dénonçant les abus de la politique coloniale belge depuis 1885. Au lieu de s’adresser au roi des Belges présent à la cérémonie, et qui venait de prononcer un discours convenu et paternaliste, Lumumba commença son allocution par une salutation « aux Congolais et Congolaises, aux combattants de l’indépendance… » Son discours proclame vivement que l’indépendance marque la fin de l’exploitation et de la discrimination et le début d’une ère nouvelle de paix, de justice sociale et de libertés.

Une brève carrière politique[modifier]

Le MNC et ses alliés remportent les élections organisées en mai et, le 23 juin 1960, Patrice Émery Lumumba devient le premier ministre du Congo indépendant.

Néanmoins, en attendant la formation des premières promotions d’officiers congolais, une grande partie des cadres de l’armée restent belges et les soldats noirs se révoltent, tuant les officiers blancs et violant les femmes belges. Pratiquement tous les cadres belges prendront alors la fuite.

Lumumba décrète l’africanisation de l’armée et double la solde des soldats. La Belgique répond par l’envoi de troupes pour protéger ses ressortissants au Katanga (riche région minière, dominée par la puissante entreprise qu’était l’Union minière du Haut Katanga) et soutient la sécession de cette région menée par Moïse Kapenda Tshombé.

Le 4 septembre 1960, le président Joseph Kasa-Vubu annonce à la radio la révocation de Lumumba ainsi que des ministres nationalistes ; il le remplace le lendemain matin par Joseph Iléo. Toutefois, Lumumba déclare qu’il restera en fonction ; le conseil des ministres et le Parlement votent une motion de maintien. Puis, à son tour, il révoque le président Kasa-Vubu, sous l’accusation de haute-trahison et appelle à Léopoldville une partie des troupes de l’ANC stationnées à Stanleyville et au Kasaï4.

Suite à un coup d’État (soutenu par la CIA5,6,7,8), Joseph Désiré Mobutu prend le pouvoir, crée le Collège des Commissaires généraux et assigne à résidence les dirigeants congolais. Arrêté et mis en résidence surveillée le 10 octobre, Lumumba fait passer un mot d’ordre secret demandant à ses amis politiques de le rejoindre à Stanleyville, où ils établissent un gouvernement clandestin dirigé par Antoine Gizenga. Le 27 novembre, Lumumba s’échappe avec sa famille de sa résidence de Tilkens à Kalina, et tente de gagner Stanleyville à bord de sa Chevrolet avec son escorte. Son évasion n’est découverte que trois jours après. Grâce à cette avance, persuadé d’avoir réussi à échapper à ses ennemis, il harangue ses partisans sur son passage, ce qui permet au major Gilbert Pongo, officier de liaison de services de renseignements, de le retrouver. Après un premier échec à Port Francqui le 1er décembre, il est arrêté à Lodi, dans le disctrict de la Sankuru et ramené à Mweka, où Pongo l’embarque à bord de son avion vers Léopoldville, puis transféré au camp militaire Hardy de Thysville sous la garde des hommes de Louis Bobozo4. Leur transfert est un moment envisagé au fort de Shinkakasa à Boma.

Le 17 janvier 1961, Patrice Lumumba, Maurice Mpolo et Joseph Okito sont conduits par avion à Élisabethville, au Katanga, et livrés aux autorités locales. Lumumba, Mpolo et Okito seront conduits dans une petite maison sous escorte militaire où ils seront ligotés et humiliés par les responsables katangais comme Moïse Tshombé, Munongo, Kimba, Kibwe, Kitenge mais aussi les Belges Gat et Vercheure9. Ils seront fusillés le soir même par des soldats sous le commandement d’un officier belge. En 2003, le Documentaire télévisé CIA guerres secrètes explique que Mobutu a fait dissoudre le corps de son rival dans l’acide, après l’avoir fait assassiner6. Il est acquis en outre que les États-Unis avaient tenté de faire assassiner Lumumba mais le plan avait échoué au niveau du choix de l’assassin ; l’opération avait été ordonnée par Allen Dulles qui avait mal interprété la volonté du président Dwight Eisenhower5,10.

En 2000, le sociologue belge Ludo de Witte publie chez Karthala L’Assassinat de Lumumba11, dans lequel il met en cause les responsables belges, précisant que ce sont des Belges « qui ont dirigé toute l’opération du transfert de Lumumba au Katanga, jusqu’à sa disparition et celle de son corps ». La Belgique, de même que l’ONU, n’avaient pas reconnu le Katanga comme état indépendant mais certains officiers belges étaient encore en fonction. Le lendemain, une opération sera menée par des agents secrets belges pour faire disparaître dans l’acide les restes des victimes découpées auparavant en morceaux. Plusieurs de ses partisans seront exécutés dans les jours qui vont suivre, avec la participation de militaires, ou mercenaires belges. Tshombé lance alors la rumeur selon laquelle Lumumba aurait été assassiné par des villageois. Ceci déclenche une insurrection parmi la population paysanne, qui prend les armes sous la direction de Pierre Mulele au cri de « A Lumumba » ou « Mulele Mai » : les paysans conquièrent près de 70 % du Congo avant d’être écrasés par l’armée de Mobutu.

Lumumba fut très regretté après sa mort par toute la communauté des pays non-alignés[réf. nécessaire], y compris par un de ses bourreaux, le général Mobutu qui le consacra héros national en 1966. Le retour d’Égypte de sa femme Pauline et de ses enfants fut considéré comme un événement national. Le jour de sa mort, le 17 janvier, est un jour férié au Congo-Kinshasa.

L’action des anciens colonisateurs en pleine guerre froide[modifier]

Le rôle des puissances occidentales et celui des États-Unis en particulier a été fortement évoqué dans la mort de Lumumba. Ils craignaient une dérive du Congo belge vers l’URSS. En effet, Lumumba fit appel aux Soviétiques lors de la guerre du Katanga car l’ONU ne répondit pas à ses demandes d’aide militaire pour mettre fin à la guerre civile.

Les archives de la CIA déclassifiées depuis le 21 juin 2007 indiquent que la CIA a monté un plan d’assassinat de Lumumba 5,12 :

En novembre 1962, Monsieur (classé) a informé M. Lyman Kirpatrick qu’il avait, à un moment, reçu la consigne de M. Richard Bissel de porter la responsabilité d’un projet incluant l’assassinat de Patrice Lumumba, alors premier ministre de la république du Congo. Selon (classé) la méthode devait consister en l’empoisonnement, puisqu’il a mentionné avoir reçu l’ordre de rencontrer le docteur Sidney Gottlieb afin de se procurer le mode d’administration13

Ce plan était connu de la commission Church. Elle affirmait que le poison prévu contre Lumumba ne lui avait jamais été administré. Elle affirmait également qu’il n’y avait aucune preuve que les États-Unis soient impliqués dans la mort de Lumumba14.

Les États-Unis de Dwight Eisenhower voulaient éliminer Lumumba — pas forcément physiquement — pour éviter un basculement du géant africain dans le communisme et la Belgique voyait en lui et ses thèses d’indépendance économique une menace pour ses intérêts économiques notamment dans le secteur minier. Ces deux pays ont soutenu l’effort de guerre de Mobutu contre les Maï-Maï. Les mercenaires belges ont organisé l’opération Omegang pour écraser la résistance Maï-Maï au Kivu. Le meurtre de Lumumba a été élucidé par la justice belge sous l’impulsion de François Lumumba qui a porté plainte contre X, et du sociologue belge Ludo de Witte.

Le gouvernement belge a reconnu, en 2002, une responsabilité dans les événements qui avaient conduit à la mort de Lumumba :

À la lumière des critères appliqués aujourd’hui, certains membres du gouvernement d’alors et certains acteurs belges de l’époque portent une part irréfutable de responsabilité dans les événements qui ont conduit à la mort de Patrice Lumumba. Le Gouvernement estime dès lors qu’il est indiqué de présenter à la famille de Patrice Lumumba et au peuple congolais ses profonds et sincères regrets et ses excuses pour la douleur qui leur a été infligée de par cette apathie et cette froide neutralité.

Le 23 juin 2011, la famille de Patrice Lumumba a déposé plainte, à Bruxelles, contre une dizaine de Belges qu’elle considère comme impliqués dans l’assassinat15.

Sa famille[modifier]

Patrice Lumumba était marié et père d’au moins six enfants : François, Patrice junior, Juliana, Roland, Christine (décédée en 1960) et Guy (né en 1961 après la mort de son père). Avant son emprisonnement, Lumumba s’est arrangé pour que son épouse légitime Pauline Opango et les enfants dont quatre issus de cette union plus François puissent quitter le pays. Ils sont allés en Égypte où François a passé le reste de son enfance — étudiant au lycée français du Caire (lycée Bab El Louk) — avant d’aller en Hongrie poursuivre ses études. Il est revenu au Congo dans les années 1990, au début de la rébellion contre Mobutu, et a créé un petit mouvement politique lumumbiste. Bien que son mouvement demeure peu puissant, il reste impliqué dans la politique congolaise et tente de défendre les idées de son père. Juliana a occupé quelques portefeuilles ministériels sous Laurent-Désiré Kabila et s’investit au développement de l’éducation en RDC. Guy a été candidat malheureux lors de l’élection présidentielle qui s’est déroulée en 2006 au Congo. Depuis son apparition sur la scène politique, il entend poursuivre le défi de la relève au sein de la famille biologique et politique de Patrice Lumumba.

Lumumba dans la culture populaire[modifier]

Cinéma[modifier]