Quelle sera la première visite de son Excellence Hollande sur le continent africain? Chaque destination a ses pour et ses contre. Texte et dessin de Damien Glez.

La passation de pouvoir n’est pas encore effectuée en France que déjà le presque chef de l’Etat François Hollande a étrenné sa redingote de déposeur de gerbe, à l’occasion des célébrations du 8 mai. Le président désormais connu s’est incliné devant le soldat inconnu.

Et voilà qu’il a calé ses premiers plans de vol de magistrat suprême: Berlin, le 16 mai, où il pourra jouer à «Je te tiens, tu me tiens par la barbichette de l’austérité» avec Angela Merkel; Camp David, le 18 mai, où il se frottera aux dirigeants aguerris des sept autres pays les plus économiquement puissants du monde; Chicago, le 20 mai, “village” politique de l’afro-américain Obama avec lequel Hollande tentera, comme son prédécesseur, de faire copain-copain; Los Cabos, au Mexique, le 18 juin, pour un sommet du G20 où il croisera, à l’étranger, son premier homologue africain: le jeune marié Jacob Zuma.

Et le sol africain, quand l’amateur de scooter le foulera-t-il? Sa compagne Valérie Trierweiler a-t-elle déjà préparé la trousse de survie de son cher et tendre: des cachets antipaludéens, des gélules contre la tourista, un sac-banane, des tongs fluo, une chemise hawaïenne, un short kaki à douze poches, un adaptateur pour chargeur de téléphone portable, une crème “écran total” à indice IP 40 et un répulsif pour autocrate bien décidé à vous dévoyer. Comme l’écrivait l’historien Joseph Ki-Zerbo: «À quand l’Afrique»?

Et «où l’Afrique»? Le choix des premières destinations d’un élu national n’est jamais anodin.

C’est deux mois après son investiture, en juillet 2007, que Nicolas Sarkozy avait effectué, au pas de course, un périple de trois pays africains en trois jours: primo, la Libye, escale dictée par la libération des infirmières bulgares, étape qui augurait d’une mortifère relation entre le président français et un Guide libyen qui recevrait le baiser de la mort dès le mois de décembre, à Paris; secundo, le Sénégal et le fameux discours de Dakar qui augurait d’une rupture entre les intellectuels africains et le pouvoir sarkozyste; tertio le Gabon qui augurait, lui, d’une absence de rupture dans les relations françafricaines.

Quelle destination africaine pour François Hollande? Comme il tente de se démarquer par tous les moyens, il devrait éviter de copier son prédécesseur. Pas de virée politique immédiate au Gabon d’Elf et des Bongo, ni de balade touristique au pays des Pharaons. Par ailleurs, l’ancien premier secrétaire du Parti socialiste évitera peut-être de marcher sur les traces d’un DSK adepte des riads marocains. Enfin, et même si Moncef Marzouki vient d’inviter le nouvel élu français, excluons une première escapade africaine dans une Tunisie post-jasmin où le candidat Hollande travailla déjà sa stature internationale, il y a juste un an.

Alors où? Les paris sont lancés. Dix hypothèses avec leurs pour et leurs contre…

1- La République Démocratique du Congo

Pour: le XIVe Sommet de la Francophonie, prévu en octobre 2012, est une occasion déjà programmée. Le leader… euh, pardon, le chef de la Nation qui incarne historiquement la langue française se rend habituellement à ce genre de rencontre. François Hollande pourrait y démontrer que le vocabulaire francophone d’un chef d’Etat français ne se limite pas à «casse-toi, pauv’ con».

Contre: le mois d’octobre, c’est loin pour une première visite en terre africaine. Par ailleurs, le refus d’accepter désormais les «élections frauduleuses» doit-il être rétroactif? Et d’ailleurs, comment détermine-t-on qu’un scrutin peut être globalement qualifiée de “frauduleux”? À quel détecteur de mauvaise volonté démocratique Joseph Kabila devra-t-il être soumis?

2 – Le Niger

Pour: le socialiste Mahamadou Issoufou a été le président africain le plus consulté dans les médias francophones, à l’issue du deuxième tour de la présidentielle française. Quelques jours dans une fournaise sahélienne menacée de crise alimentaire pourrait aider le nouveau président français à perdre les quelques kilos qu’on “l’accuse” d’avoir repris…

Contre: le deuxième fournisseur d’uranium de la France –après le Kazakhstan– verra-t-il d’un bon œil la fermeture programmée de la centrale nucléaire de Fessenheim?

3 – La Guinée

Pour: Alpha Condé, new leader homologué par Barack Obama, est un autre camarade socialiste dont le pays incarne le renouveau démocratique africain.

Contre: que ferait François Hollande s’il était confronté, dans une rue de Conakry, à la famille de Nafissatou Diallo?

4 – Le Sénégal

Pour: le nouveau président pourrait faire une entorse à sa volonté de ne pas s’inscrire dans les pas de son prédécesseur, histoire de corriger, une bonne fois pour toutes, le discours de Dakar, confirmant que Nicolas Sarkozy n’est pas assez entré dans l’Histoire, mais que l’Histoire lui est rentré en pleine figure. Par ailleurs, François Hollande pourrait inviter, dans la délégation présidentielle, Thomas, Clémence, Julien et Flora Hollande pour qu’ils visitent la maison de naissance de leur maman Ségolène, à Ouakam, une des communes d’arrondissement de la ville de Dakar.

Contre: Au Sénégal, 32 ans après le départ du pouvoir du socialiste Léopold Sédar Senghor, alternance signifie “remplacement d’un président libéral par un autre président libéral”.

5 – La Côte d’Ivoire

Pour: la première dame de France pourrait profiter de la visite pour réaliser un reportage sur les activités de Bolloré Africa Logistics, histoire de ne pas perdre son emploi sur la chaîne Direct 8…

Contre: les partisans d’Alassane Ouattara sont fâchés contre le tombeur du tombeur de Gbagbo. Les partisans de Gbagbo sont fâchés contre le socialiste français qui, durant la crise post-électorale ivoirienne, a montré moins d’entrain que Jack lang ou Henri Emmanuelli.

6 – Le Burkina Faso

Pour: rapporter les djembés vides. C’est très à la mode, les restitutions d’objets d’art africains.

Contre: ramener les djembés pourrait être moins considéré comme une récupération de consigne que comme un appel du pied. Par ailleurs, Ouagadougou est un peu trop proche de la zone d’influence d’AQMI (Al Qaïda au Maghreb islamique). Courageux, mais pas téméraire…

7 – Le Mali

Pour: pas de faux-fuyants, le nouveau président français appuierait directement là où ça fait mal.

Contre: inutile d’aller à Bamako, Montreuil est à 20 minutes de l’Elysée en scooter…

8 – Le Tchad 

Pour: s’il a officialisé sa dernière rupture sentimentale la même année que Sarkozy, Hollande aura peut-être envie, lui aussi, d’un enfant à l’Elysée. Au cas où Valérie Trierweiler ne serait pas tentée par un congé de maternité quadragénaire, le couple élyséen pourrait envisager une adoption et suivre les procédures de l’Arche de Zoé…

Contre: le nouveau président français serait obligé de prendre position sur le dispositif  “Épervier”, coincé qu’il est entre sa propre tentation d’accélérer le retour en France de nombreux militaires français expatriés, la remise en cause, par Idriss déby, en 2010, de la présence française en l’absence de contreparties financières et l’affirmation de la presse tchadienne que le retrait définitif d’Epervier pénaliserait la population.

9– La Libye

Pour: même s’il a approuvé l’intervention militaire de l’OTAN, François Hollande aurait beau jeu d’aller y démontrer que la politique de Nicolas Sarkozy a semé le chaos.

Contre: c’est trop le chaos pour aller y dénoncer le chaos…

10 – Rwanda

Pour: l’anticonformisme de Hollande frise parfois le masochisme. Même si la visite officielle en France du président Paul Kagamé, en 2011, a quelque peu aplani les divergences, se confronter au grand échalas serait parfait pour un échauffement diplomatique.

Contre: l’entourage de François Hollande indique que le nouveau président français ne fait que «se débrouiller en anglais», alors que le président du récent 54e membre du Commonwealth a résolument privilégié la langue de Shakespeare ces dernières années…

Le choix du premier pays africain visité sera donc difficile pour le nouveau président français. Il resterait bien Mayotte, mais c’est la France. Ou le Lesotho pour une victoire discrète et sans polémique.

Et les plages de sable fin des Seychelles, ça compte pour l’Afrique?

Damien Glez

Damien Glez est un dessinateur burkinabé. Il dirige le Journal du Jeudi, le plus connu des hebdomadaires satiriques d’Afrique de l’Ouest.

http://www.slateafrique.com/87023/quelle-premiere-viree-africaine-hollande-dsk

Posté par rwandaises.com