Le Rwanda est, avec l’Afrique du Sud, le seul pays africain où l’anniversaire de l’indépendance – a fortiori son demi-siècle – est une sorte de non-événement. Pour les Sud-Africains, le 31 mai 1910 n’eut aucune autre signification qu’un passage de témoin entre oppresseurs blancs. Pour la plupart des Rwandais, le 1er juillet 1962 fut le jour d’une mascarade tragique, celui où le pouvoir fut remis par le colonisateur belge à une partie du peuple contre une autre.

En ce 1er juillet, il y a cinquante ans, le chef de l’État a pour nom Grégoire Kayibanda. Il est le cofondateur d’un parti aux fondements racistes, le Parmehutu, ouvertement soutenu par l’administration coloniale et l’Église catholique. Depuis près de trois ans, sous le couvert d’une « révolution sociale » érigée en totalitarisme mathématique, une épuration des élites tutsies qualifiée par le gouverneur Harroy d’« opération chirurgicale » est à l’oeuvre. Elle a pris la forme de pogroms en novembre 1959, puis de massacres qui perdureront jusqu’en 1964 avant de connaître un retour de flamme au début des années 1970. Peu à peu, le régime Kayibanda sombre dans l’incohérence et se met à dévorer ses propres enfants. Il est renversé en 1973.

Depuis dix-huit ans, la reconstruction et la renaissance du Rwanda peuvent donc se lire comme la longue et patiente tentative de refondation d’une indépendance avortée.

Les vingt années qui suivent seront celles d’une marche inexorable vers le génocide. Côté pile, le pouvoir du général Habyarimana cultive à usage extérieur l’image d’une gouvernance intègre, modeste et pieuse. Il est l’enfant chéri des ONG et de la coopération internationale. La France de François Mitterrand, fascinée, s’engage à fond à ses côtés. Il est aussi une dépendance du Vatican, le royaume de Dieu sur terre : 14 séminaires, 42 collèges catholiques, 1 500 ecclésiastiques. Côté face : un régime de quotas ethniques, de régionalisme et de népotisme sous l’étroit contrôle de son noyau dur, l’Akazu, matrice opérationnelle du Hutu Power. La suite ne se raconte plus.

Depuis dix-huit ans, la reconstruction et la renaissance du Rwanda peuvent donc se lire comme la longue et patiente tentative de refondation d’une indépendance avortée. Comme la volonté aussi d’éradiquer une fois pour toutes l’idéologie meurtrière des deux peuples, l’un exogène – les Tutsis -, l’autre endogène – les Hutus -, introduite par le colonisateur dans le corps social rwandais tel le ver dans le fruit. Comme le désir, enfin, de rattraper trois décennies de perdues. Au nom de tous les morts.

02/07/2012 à 11h:43 François Souda

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