Paul Kagamé rentre de Davos. Paul Biya revient de Paris. L’un a présenté aux investisseurs le projet de la Bourse des Etats de l’Afrique de l’Est, l’EAX, qui sera basée à Kigali. L’autre s’est entretenu avec les boîtes de communication parisiennes. Le Rwandais a essayé de pousser ses principaux investisseurs à drainer leurs capitaux vers l’Afrique de l’Est. Le camerounais s’est fait violence pour ne pas céder aux 36 plans de reprofilage proposés par des interlocuteurs pressés de drainer des capitaux camerounais vers l’Hexagone.
Entre ces deux chefs d’Etat, il y a plus qu’un conflit de générations, il y a la différence par les méthodes et l’évidence des résultats par les chiffres. Si le Cameroun tarde à décoller en dépit de son pétrole, de son bois, de son agriculture et de sa façade maritime, le Rwanda a décollé malgré un territoire enclavé, un génocide qui a décimé une bonne partie des forces vives de la Nation et un sous-sol pauvre.
Paul Biya appartient à la timide alternance des années 80 qui a vu quelques pères-fondateurs, à l’instar de Senghor et d’Ahidjo, renoncer au pouvoir, quand ils n’y sont pas contraints. Paul Kagamé est de la génération des guérilleros des années 90 qui a acquis le pouvoir par les armes, les tripes et les dents. L’un et l’autre incarnent la figure paternaliste de l’homme fort, dirigiste et aspirant au leadership régional.
Mais alors que Biya, au pouvoir depuis 1982, prolonge le suspens autour de sa succession, son homologue rwandais annonce déjà qu’il ne va plus se représenter au terme de son mandat. La différence de ces deux hommes tient aussi de leur degré d’indépendance par rapport aux puissances tutélaires.
Le Rwanda expérimente des recettes maisons avec l’expertise internationale. Le Cameroun applique des recettes FMI avec l’expertise locale. Le Rwanda s’est affranchi de la tutelle française et britannique. Le Cameroun semble s’y complaire, comme en témoigne l’entrevue de quelques minutes arraché de haute lutte à un François Hollande soucieux de ne pas être taxé de «Françafrique» par une gauche caviar à la gâchette facile.
Le plan 2020 du Rwanda est orienté clairement vers les services quand le plan Emergence du Cameroun pour 2035 se perd dans mille et un objectifs. Forcément les résultats sont différents à Yaoundé et à Kigali, comme l’atteste les positions occupées par les deux pays dans le classement Doing Business de la SFI, dans l’Indice du Développement Humain du PNUD, dans le classement Transparency International sur la corruption et, in fine, dans la perception du climat des affaires.
L’audience des deux hommes auprès des cercles influents et des médias internationaux est aussi différente. Quand Kagamé, acclamé par Financial Times et The Economist, va à Davos, il trouve comme interlocuteurs les plus grands acteurs de la finance internationalA Paris, Biya, boudé par la presse hexagonale, a eu droit aux gourous de la Françafrique, ces communicants BCBG qui tirent des maquettes sur le dos de l’africain affamé.
Les jeux sont clairs. A Davos la transparence du marché globalisé, à Paris l’affairisme bilatéral. Aux sommets enneigés, le business décomplexé.
Aux Tuileries les contrats confidentiels. Pour un président Paul Biya, qui est parvenu à pacifier son pays et à étouffer toute velléité de séparatisme, le coup d’éclat d’un si long règne ne devrait-il pas venir du divorce avec les marchands Françafricains de la bonne communication? »
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Posté par rwandaises.com