Publié  par Jovin Ndayishimiye

Au moment où la France judiciaire négocie un revirement idéologique en mettant sa machine en branle pour reconsidérer l’attitude officielle à l’égard du génocide des tutsi du Rwanda de 1994, les milieux négationnistes apprécient à leur façon la tournure des événements.

Il y a, certes, une certaine perte de vitesse de la lutte du négationnisme. On voit un TPIR-Arusha vers la clôture de ses activités montrer des signes de coopération judiciaire avec le Rwanda avec le transfert pour le Rwanda du dossier Jean Uwinkindi, lui aussi extradé des prisons dorées d’Arusha vers le Rwanda.

L’ancien inspecteur des écoles de Butare, Emmanuel Mbarushimana, est entrain de négocier difficilement que la justice danoise casse la décision judiciaire d’extradition vers le Rwanda pour ses présumés crimes de génocide.

 

Charles Bandora qui aurait commis d’horribles crimes de génocide à Ruhuha, dans l’ancienne commune de Ngenda, dans le Bugesera frontalier avec Kirundo et les tristement célèbres communes burundaises de Ntega et Marangara, est déjà arrivé d’Helsinki.

Au moins l’un de ces personnages acceptera-t-il de collaborer avec la justice ne fut-ce-que pour honnêteté intellectuel et voir leur peine réduite ? Cela aurait pu se faire. Mais la consigne est de taille.

‘‘ L’ex- directeur des Banques Populaires du Rwanda et Premier Ministre sous le Gouvernement de Transition durant le génocide de Tutsi de 1994, Jean Kambanda, ne doit pas servir de modèle pour avoir collaboré avec Arusha et plaidé coupable’’.

Cette position idéologique est devenue un mot de passe pour toutes les anciennes personnalités politiques et autres leaders d’opinion qui ont joué un rôle très visible dans la préparation et l’exécution du génocide des Tutsi du 7 avril au-delà du 4 juillet 1994 dans le Rwanda d’alors ensanglanté et déshumanisé.

 

Déshumanisation ?

Mme Agathe Habyarimana est le porte-étendard de ce courant négationniste qui lance à la face du monde que les Bahutu sont entrés en colère, ont déclenché le génocide et ont tué ? non, pourchassé à mort les Tutsi parce qu’ils avaient tué leur cher Président Habyarimana.

Mais la thèse négationniste partant de l’explosion de l’avion du Président Juvénal Habyarimana qui le ramenait d’Arusha en compagnie du Président burundais d’alors dans cette petite soirée du 7 avril vient d’être ébréchée par deux courageux juges anti terroristes français Nathalie Poux et Marc Trévidic qui, contrairement à leur prédécesseur J-L Bruguière, procèdent méthodiquement et scientifiquement sur les lieux du crime et décident que le missile qui aurait percuté le Falcon 50 présidentiel est parti du Camp Kanombe situé à la lisière de l’Aéroport où il allait atterrir.

Le Rapport de ces juges bouleverse beaucoup les stratégies négationnistes de déconstruction et de dilution de ce génocide. Même des intellectuels passés maîtres dans l’art de la rhethorique et de la construction de systèmes persuasifs tombent des nues. Ils se répètent et se contredisent. Ils vont loin.

C’est le cas du Dr Léon Mugesera accusé d’avoir proféré un discours incendiaire dans un meeting politique du MRND dont il était président provincial dans la Sous préfecture Kabaya/Gisenyi en novembre 1992 où il incitait les Bahutu à se débarrasser de leurs voisins ennemis Tutsi.

Il tente tant bien que mal de montrer que son discours est tout sauf appelant au génocide. Les arguments qu’il avance à la barre en ce 19 mars sont tellement léger qu’il faut être un simple d’esprit pour ne pas déceler un noyé qui tente un appui sur un roseau :

« … mon discours n’a pas été l’occasion des massacres qui se sont répandus dans tout le pays (en 1994). Ce n’est pas ce discours qui devait soulever les hutu pour tuer les tutsi car ils avaient leur jugeote et savaient soupeser ce qu’ils venaient d’entendre de moi. Bien plus, je n’étais pas un dirigeant de grande carrure en ce moment-la… Je n’étais pas parmi les décideurs politiques, encore moins militaires au point d’ordonner aux paysans de mettre en application ce que je leur avais dit. Ai-je utilise souvent le terme ‘cancrelat’ ? Cela ne faisait pas allusion aux Batutsi. Je n’ai pas nourri de haine contre les Batutsi… »

 

Il fuit le rôle de leader politique et leader d’opinion qu’il était en cette periode face a une masse d’illettres et pauvres qui prenaient ses declarations comme paroles d’evangile car les inciter a des tueries n’était pas gratuit pour eux… le pillage des biens meubles et immeubles de ces Tutsi.

Du reste ce n’était que la reédition de l’histoire de la chasse des Tutsi de 1959 hors des frontieres , pensaient-ils. Ils ne pouvaient pas imaginer la force de ces discours leur administrés à doses graduelles pour les deshumaniser au point qu’ôter la vie a un etre Tutsi, son semblable, est chose normale.

Le Dr Leon Mugesera et ses complices dont Mme Agathe Habyarimana encore en liberte, tout le contingent, sauf l’ancien Premier Ministre Jean Kambanda (Avril-Juin 1994), qui est passé par le Tribunal Penal International pour le Rwanda d’Arusha, nient les faits et plaident non coupables. Ceux qui sont soupconnes mais toujours en liberte, personne d’entre eux ne peut ecrire un livre regrettant les errements contre l’humanit2 dans lesquels le regime d’alors l’a entraines.

Conspiration et ligue autour d’un projet négationniste

Beaucoup de leaders d’opinion d’alors sont aussi humanistes que les autres Rwandais mais ils sont embrigadés par des lobbies puissants occidentaux essentiellement belgo-romano-français. Ces lobbies poursuivent des objectifs politiques qui vont au delà du génocide.

Ils n’ont vu dans le génocide qu’une manière de casser une guérilla FPR d’alors inspirée d’attitudes nouvelles anglosaxonnes. Cette guérilla a vite été taxée de tutsi, à tort du reste. Il aurait suffi que ces lobbies et certaines métropoles occidentales dont Paris ou Rome aient compris et jugé autrement de la tournure et du développement de la situation politique rwandaise que cela aurait évité le pire qui est tombé sur le pays en 1994.

Un réexamen de la situation actuelle

Les mêmes puissances et lobbies occidentaux qui ont manœuvré les arcanes du pouvoir Habyarimana continuent de gouverner les esprits d’anciens serviteurs de ce régime-la.

 

Ces esprits entretiennent l’idéologie négationniste soit par mesure d’équilibre spirituel individuel car chaque criminel en liberté tente de justifier intérieurement son acte pour se cacher contre un remord qui ne lui laisse aucun répit, soit c’est une façon de se vacciner contre une conscience collective qui s’est trempée dans des horreurs alors qu’on avait des outils intellectuels humanistes pour s’en désolidariser, ou alors, ce sont des stratégies inspirées par les mêmes maitres artisans occidentaux pour solidifier une zizanie divide and rule entre les citoyens rwandais afin qu’ils ne se réveillent pas à l’unisson et rayonnent sur de longues contrées à la ronde.

Cette idéologie négationniste est bien entretenue au point que cela porte à conséquences socio politiques. En d’autres termes, son existence justifie la naissance de formations politiques de la diaspora rwandaise hautement intellectuelle qui, en termes de contribution idéologique au choix de modes de développement socio économique du pays, sont désespérément creuses alors qu’en Occident démocratique, toute formation politique nait avec un objectif social clair, un projet et une orientation de société.

Nos politiciens de la diaspora ne fondent leurs associations politiques que pour le changement du régime. Rien de plus. C’est Ça l’opposition rwandaise autant qu’elle est conçue par l’Occident afin que l’échancrure sociale hutu-tutsi perdure au Rwanda par des accusations réciproques de crimes contre l’humanité.

Le même Occident entretient in fine l’impunité. Heureusement que la France judiciaire qui héberge la pléthore de présumés génocidaires commence à redessiner cette carte des valeurs humaines universelles.

En clair, ces inimitiés mortelles entre frères rwandais ne sont qu’alimentées par le négationnisme du génocide des Tutsi. Les laboratoires sociologiques des fameux lobbies occidentaux continuent leurs recherches et expérimentations pour affiner ce courant de pensée et d’action. Et Kigali se complait dans son Unité et réconciliation de façade.

http://fr.igihe.com/politique/du-discours-de-la-haine-ethnique-au-negationnisme.html

Posté par rwandaises.com