A la veille de l’arrivée du secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, Goma a retrouvé le bruit de la guerre : à moins de 10 km de la capitale du Nord Kivu, de violents affrontements ont mis aux prises l’armée gouvernementale et la rébellion du M23. Les combats ont eu lieu au départ de la localité de Mujoga et se sont étendus à Mugunga, qui contrôle l’accès à la ville de Sake. De source militaire, il apparaît que les rebelles utilisent les mortiers et les blindés saisis sur les forces gouvernementales lors de la chute de Goma tandis que les FARDC, qui ont déployé deux bataillons, mettent en action de l’artillerie lourde. Le bilan des deux jours de combat se solde par 19 morts et 21 blessés dans les rangs du M23, 4 morts et 6 blessés du côté gouvernemental. Le M23 a dénoncé l’ « option militaire » adoptée par le gouvernement et rappelé son attachement au dialogue politique qui se poursuit à Kampala et qui semble patiner. Rappelons que ces pourparlers avec des représentants de Kinshasa, entamés sous le patronage de l’Ouganda, avaient été décidés en échange de l’évacuation de Goma, tombée aux mains des rebelles le 20 novembre dernier et systématiquement pillée.
A la suite de cette défaite cuisante, Kinshasa avait mené deux démarches en parallèle. D’une part, des négociateurs avaient examiné les revendications politiques des mutins (retour des réfugiés congolais se trouvant au Rwanda, démantèlement de certains groupes armés, réintégration dans l’armée des militaires rebelles et de leurs officiers). Mais de l’autre, déployant une intense activité diplomatique et battant le rappel de ses alliés politiques, Kinshasa avait obtenu que les Nations unies donnent leur aval au déploiement d’une Brigade africaine d’intervention et dotent cette dernière d’un mandat beaucoup plus offensif que le simple «maintien » de la paix confié aux Casques bleus. Alors que les négociations de Kampala ont pris l’allure de manœuvres dilatoires, l’option militaire, elle, s’est matérialisée : appuyée par l’Afrique australe, la Brigade africaine, qui comptera 3.069 hommes, se met progressivement en place. Un millier de soldats tanzaniens sont déjà à pied d’œuvre, le Malawi n’est retardé que pour des questions logistiques. Quant aux Sud Africains ils font l’objet d’un lobbying intense de la part du M23 : le mouvement s’est même adressé au Parlement sud africain, invoquant comme argument dissuasif les pertes subies par le contingent sud africain en Centrafrique. Avec un résultat opposé à l’effet escompté : les Sud Africains, bien décidés à ne plus se laisser humilier alors qu’ils veulent apparaître comme une puissance régionale, ont décidé d’envoyer au Nord Kivu des troupes de choc et des hélicoptères de combat.
Les affrontements actuels s’expliquent par l’imminence de l’entrée en action de la Brigade africaine : des observateurs militaires estiment que le M23, actuellement confiné dans un périmètre exigu, pourrait, via Mugunga puis Sake, tenter d’élargir son territoire en direction du Masisi où vivent de nombreux rwandophones, la « protection » de ces derniers pouvant une fois encore servir d’argument.
Par ailleurs, en démontrant leur puissance militaire et en menaçant l’aéroport, les rebelles veulent signifier au secrétaire général de l’ONU qu’ils doivent faire partie de toute solution négociée, ce qui plaide en faveur de la réintégration de leurs chefs, contre ceux qui souhaitent que les leaders actuels du M23 rejoignent un jour Bosco Ntaganda à la Cour pénale internationale.
Rejoignant implicitement cette position, le président rwandais Kagame, a récemment encore répété sa défiance à l’égard de l’ONU et son appui à une solution « politique ». Une vision partiellement partagée par Mary Robinson, l’envoyée spéciale de l’ ONU pour les Grands Lacs qui a rappelé aux Congolais que la Brigade africaine ne se substituerait pas aux autorités nationales et ne leur permettrait pas de faire l’économie d’une vraie réforme de l’armée et de l’amélioration de la gouvernance.
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Posté par rwandaises.com