Sous les eaux calmes du lac Kivu, à la frontière entre Rwanda et République démocratique du Congo (RDC), sommeille une véritable bombe potentiellement mortelle, mélange de méthane et de CO2, que le Rwanda veut transformer en électricité.
Les 2.370 km2 du lac Kivu – soit quatre fois la taille du lac Léman entre la France et la Suisse – dont la profondeur atteint 485 mètres par endroits, contient, selon les estimations, quelque 60 km3 de méthane dissous et environ 300 km3 de dioxyde de carbone (CO2).
« Le lac Kivu est un lac à problème (…) dans lequel on trouve du dioxyde de carbone en volume assez important et du méthane (…) un gaz qui peut servir de détonateur à une éruption limnique », une remontée des eaux profondes chargées en gaz mortel qui se répandrait alors dans l’atmosphère, explique Matthieu Yalire, chercheur à l’Observatoire volcanologique de Goma, sur la rive congolaise du lac.
Avec ceux de Nyos et de Monoun au Cameroun, le lac Kivu est l’un des trois lacs au monde renfermant de très fortes concentrations de gaz. En 1986, le CO2 brutalement libéré par le lac Nyos avait tué par asphyxie plus de 1.700 habitants alentour. Deux ans auparavant, un phénomène semblable avait tué 37 personnes autour du lac Momoun.
Une telle catastrophe sur le lac Kivu pourrait tuer jusqu’à 2 millions de riverains rwandais et congolais. Or, la forte présence de méthane dans le lac et la proximité du volcan Nyiragongo, un des plus actifs d’Afrique, rendent l’événement loin d’être hypothétique.
En 2002, une éruption du Nyiragongo avait laissé craindre un bouleversement de la « stratification » (disposition des couches d’eau) du lac, susceptible d’entraîner une remontée des couches chargées en gaz. « Pour l’instant le lac est stable mais pour combien de temps? », interroge Matthieu Yalire, qui estime qu’extraire le méthane permet de « stabiliser » le lac.
Pour Martin Schmid, chercheur à l’Institut suisse de recherche sur l’eau et les milieux aquatiques (Eawag), « il est essentiel d’extraire le gaz du lac, au moins à long terme (…) si on laisse les gaz s’accumuler pendant une longue période, il faudra s’attendre à un moment à une éruption catastrophique de gaz ».
Mais cette concentration explosive de méthane fait aussi du lac Kivu le seul au monde où ce gaz peut être exploité commercialement.
A Karongi, sur la rive rwandaise, au pied des collines verdoyantes parsemées de bananeraies, l’entreprise américaine ContourGlobal, spécialisée dans la construction et la gestion de centrales électriques, finalise les préparatifs du projet KivuWatt qui vise à transformer la menace en aubaine et le gaz mortel en source d’énergie commercialisée.
Des centaines d’ouvriers s’affairent autour d’une plateforme qui, d’ici fin 2014, sera installée sur le lac, d’où elle aspirera le méthane piégé dans les profondeurs.
Sur sa rive Nord, près de la localité de Rubavu, un projet-pilote du gouvernement rwandais produit déjà 2MW d’électricité à partir du méthane lacustre. Mais le projet KivuWatt est d’une toute autre ampleur.
Sa première phase prévoit de générer 25 mégawatts (MW) destinés au réseau local puis, à terme, 100 MW, distribués dans l’ensemble du pays, soit permettant de quasiment doubler la capacité de production actuelle du Rwanda, d’environ 115 MW.
L’électrification du pays est un des objectifs du gouvernement rwandais qui veut que d’ici 2017 70% de sa population ait accès à l’électricité contre seulement 18% aujourd’hui.
Le méthane va aussi permettre de remplir un autre objectif: diversifier les sources d’énergie du Rwanda. Aujourd’hui, 46% de son électricité est d’origine thermique et la facture annuelle du carburant importé pour alimenter ces centrales s’élève à 40 millions de dollars.
« Il n’y a pas de forage, le gaz est pompé dans les couches inférieures (des eaux) du lac qui sont saturées en méthane », explique Yann Beutler, chef du projet KivuWatt, un investissement d’environ 200 millions de dollars à capitaux privés, mais financé à hauteur d’environ 45% par des prêts d’institutions internationales d’aide publique au développement.
« A partir du moment où cette eau remonte à la surface, elle libère le gaz (méthane et CO2) et ce gaz est collecté », poursuit M. Beutler. Méthane et CO2 sont séparés, le méthane envoyé vers une centrale sur la rive, tandis que le CO2 est redissous dans l’eau et le tout renvoyé dans les profondeurs du lac.
L’ensemble du processus est conçu pour que « la structure du lac et la faune et la flore du lac ne soient pas modifiées », assure-t-il.
ContourGlobal a signé une concession de 25 ans avec l’Etat rwandais et un accord avec EWSA, l’entreprise publique de production et distribution d’électricité au Rwanda, qui lui rachètera l’électricité produite durant cette même période.
Par Stephanie AGLIETTI
Le méthane mortel des profondeurs du lac Kivu, future source d’énergie pour le Rwanda (AFP 26/05/14) Le lac Kivu Sous les eaux calmes du lac Kivu, à la frontière entre Rwanda et République démocratique du Congo (RDC), sommeille une véritable bombe potentiellement mortelle, mélange de méthane et de CO2, que le Rwanda veut transformer en électricité. Les 2.370 km2 du lac Kivu – soit quatre fois la taille du lac Léman entre la France et la Suisse – dont la profondeur atteint 485 mètres par endroits, contient, selon les estimations, quelque 60 km3 de méthane dissous et environ 300 km3 de dioxyde de carbone (CO2). « Le lac Kivu est un lac à problème (…) dans lequel on trouve du dioxyde de carbone en volume assez important et du méthane (…) un gaz qui peut servir de détonateur à une éruption limnique », une remontée des eaux profondes chargées en gaz mortel qui se répandrait alors dans l’atmosphère, explique Matthieu Yalire, chercheur à l’Observatoire volcanologique de Goma, sur la rive congolaise du lac. Avec ceux de Nyos et de Monoun au Cameroun, le lac Kivu est l’un des trois lacs au monde renfermant de très fortes concentrations de gaz. En 1986, le CO2 brutalement libéré par le lac Nyos avait tué par asphyxie plus de 1.700 habitants alentour. Deux ans auparavant, un phénomène semblable avait tué 37 personnes autour du lac Momoun. Une telle catastrophe sur le lac Kivu pourrait tuer jusqu’à 2 millions de riverains rwandais et congolais. Or, la forte présence de méthane dans le lac et la proximité du volcan Nyiragongo, un des plus actifs d’Afrique, rendent l’événement loin d’être hypothétique. En 2002, une éruption du Nyiragongo avait laissé craindre un bouleversement de la « stratification » (disposition des couches d’eau) du lac, susceptible d’entraîner une remontée des couches chargées en gaz. « Pour l’instant le lac est stable mais pour combien de temps? », interroge Matthieu Yalire, qui estime qu’extraire le méthane permet de « stabiliser » le lac. Pour Martin Schmid, chercheur à l’Institut suisse de recherche sur l’eau et les milieux aquatiques (Eawag), « il est essentiel d’extraire le gaz du lac, au moins à long terme (…) si on laisse les gaz s’accumuler pendant une longue période, il faudra s’attendre à un moment à une éruption catastrophique de gaz ». Mais cette concentration explosive de méthane fait aussi du lac Kivu le seul au monde où ce gaz peut être exploité commercialement. A Karongi, sur la rive rwandaise, au pied des collines verdoyantes parsemées de bananeraies, l’entreprise américaine ContourGlobal, spécialisée dans la construction et la gestion de centrales électriques, finalise les préparatifs du projet KivuWatt qui vise à transformer la menace en aubaine et le gaz mortel en source d’énergie commercialisée. Des centaines d’ouvriers s’affairent autour d’une plateforme qui, d’ici fin 2014, sera installée sur le lac, d’où elle aspirera le méthane piégé dans les profondeurs. Sur sa rive Nord, près de la localité de Rubavu, un projet-pilote du gouvernement rwandais produit déjà 2MW d’électricité à partir du méthane lacustre. Mais le projet KivuWatt est d’une toute autre ampleur. Sa première phase prévoit de générer 25 mégawatts (MW) destinés au réseau local puis, à terme, 100 MW, distribués dans l’ensemble du pays, soit permettant de quasiment doubler la capacité de production actuelle du Rwanda, d’environ 115 MW. L’électrification du pays est un des objectifs du gouvernement rwandais qui veut que d’ici 2017 70% de sa population ait accès à l’électricité contre seulement 18% aujourd’hui. Le méthane va aussi permettre de remplir un autre objectif: diversifier les sources d’énergie du Rwanda. Aujourd’hui, 46% de son électricité est d’origine thermique et la facture annuelle du carburant importé pour alimenter ces centrales s’élève à 40 millions de dollars. « Il n’y a pas de forage, le gaz est pompé dans les couches inférieures (des eaux) du lac qui sont saturées en méthane », explique Yann Beutler, chef du projet KivuWatt, un investissement d’environ 200 millions de dollars à capitaux privés, mais financé à hauteur d’environ 45% par des prêts d’institutions internationales d’aide publique au développement. « A partir du moment où cette eau remonte à la surface, elle libère le gaz (méthane et CO2) et ce gaz est collecté », poursuit M. Beutler. Méthane et CO2 sont séparés, le méthane envoyé vers une centrale sur la rive, tandis que le CO2 est redissous dans l’eau et le tout renvoyé dans les profondeurs du lac. L’ensemble du processus est conçu pour que « la structure du lac et la faune et la flore du lac ne soient pas modifiées », assure-t-il. ContourGlobal a signé une concession de 25 ans avec l’Etat rwandais et un accord avec EWSA, l’entreprise publique de production et distribution d’électricité au Rwanda, qui lui rachètera l’électricité produite durant cette même période. Par Stephanie AGLIETTI
(AFP 26/05/14)
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