Le vendredi 31 octobre était enfin inaugurée au cimetière du Père Lachaise une stèle commémorative du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, en présence de la maire de Paris et d’élus locaux.
Les prises de parole des Tutsi, du président et du vice-président de l’association « Ibuka », apportent une leçon précieuse de courage, de dignité, de combativité et d’humanité.
Parmi ces prises de paroles, celle d’Alain Ngirinshuti, rescapé du génocide des Tutsi et vice-président d’Ibuka a raconté un chemin.
Celui qu’il a parcouru, après le génocide, pour revoir sa maison, celle de sa famille assassinée. Un chemin où il fallait faire attention aux chiens qui rôdaient autour des cadavres. Il raconte un mur, le seul resté debout de la maison familiale rasée et transformée en terrain de football. Un mur comme seule trace de la vie avant le génocide. Il raconte les vêtements, ceux de sa sœur assassinée, portés déjà par l’enfant d’un voisin.
Ce que nous transmet Alain Nigirinshuti n’est pas la compréhension de ce qu’il a vécu, car nous ne pouvons pas saisir la réalité d’une marche bordée par les corps assassinés. Mais il nous fait toucher du doigt le sens du combat pour la mémoire, de son incarnation dans une stèle à Paris. C’est un autre chemin, celui parcouru pour arriver jusqu’à cette stèle, dont il dit qu’elle sera aussi ce qui permet de se souvenir qu’il y a eu un temps et un monde avant le génocide.
Le but des génocidaires, en tout temps et en tout lieu, ne consiste pas seulement à assassiner les vivants, mais aussi à nier à tout jamais leur existence. C’est pour cette raison que les négationnismes sont consubstantiels aux génocides. En niant, il ne s’agit pas seulement d’une tentative faite par les assassins pour échapper aux conséquences de leurs crimes.
Au même titre que les massacres physiques de masse, la négation est au service au service du but final: effacer de l’histoire et de l’humanité une partie des hommes et des femmes qui la constituent.
C’est cette volonté persistante de destruction qui rend si importante et universelle les combats pour la mémoire, et si difficiles ces combats.
Il aura fallu quatre ans depuis la demande faite par les rescapés pour que soient installés au Père-Lachaise cette simple pierre et les mots qui y sont gravés. Il s’est écoulé vingt ans depuis le génocide, mais la chape de plomb qui entoure le rôle joué par la France dans ce génocide est encore très pesante. Au point que le gouvernement a osé boycotter l’inauguration de cette stèle et assumer ainsi une absence honteuse et indigne de la démocratie.
Alain Ngirinshuti a évoqué le rôle du médecin français qui l’a sauvé, lui et 300 autres enfants, et qui a refusé de quitter le Rwanda tant qu’ils étaient menacés par les génocidaires. Voilà ce qu’a pu faire un seul Français au cœur de la tuerie. Cet exemple illustre a contrario la responsabilité immense que portent les responsables politiques et militaires de notre pays dans la mort de centaines de milliers de personnes.
Voilà pourquoi Ibuka et l’ensemble des rescapé Tutsi doivent être soutenus par nous tous. Voilà pourquoi, en notre nom, il faut exiger encore et toujours la vérité et le respect pour les victimes, les rescapéEs et les descendantEs. Voilà pourquoi, la stèle dévoilée aujourd’hui en présence du maire de Paris, ne doit être qu’un premier pas. Voilà pourquoi la solidarité remarquable des associations pour la mémoire des génocides commis contre les Juifs et les Arméniens doit être un exemple à suivre. Pour que demain, s’ouvre un lieu de mémoire et de savoir sur le génocide des Tutsi. Pour que demain, le souvenir du génocide de 1994 soit commémoré dans l’espace public et pas seulement dans un cimetière.
Le combat contre tous les génocidaires est universel. Mais nous, habitants de ce pays avons un devoir particulier en ce qui concerne le Rwanda. En effet une partie du combat est aujourd’hui celui de la pleine reconnaissance de ses responsabilités par l’État français, alors que celui-ci, qui prétend parler en notre nom, persiste aujourd’hui à garder un silence forcément complice.
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• Rwanda: je suis, nous sommes, vous êtes complices de génocide par Shashin Vallée
http://www.huffingtonpost.fr/albert-herszkowicz/genocide-tutsi-monument-paris_b_6091044.html
Posté par rwandaises.com