Après la fin de la rébellion du M23, les rebelles des FDLR sont la prochaine cible de la brigade d’intervention des Nations unies, dans sa mission de neutralisation des groupes armés de la partie est de la RDC. Quelle menace les FDLR représentent-elles dans le Kivu ?
Un combattant FDLR dans la forêt du Kivu. © Lionel Healing/AFP.
Combien reste-il encore de rebelles des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR) dans le Kivu ? Où se cachent-ils ? Dans quels villages sont-ils ? À ces questions, pourtant précises, chacun y va de son commentaire. Les chiffres et les hypothèses diffèrent, selon que l’on se trouve à Kigali, à Kinshasa ou à New-York, siège de l’ONU. Une certitude cependant : les FDLR sont bien la prochaine cible de la brigade d’intervention des Nations unies dont le mandat consiste à neutraliser tous les groupes armés qui pullulent depuis près de deux décennies dans la partie est de la RDC.
De fait, après la débâcle du Mouvement du 23-Mars (M23), rébellion qui a contrôlé une partie du Nord-Kivu pendant plus de 18 mois, l’étau se resserre autour des FDLR. « Nous allons [les] cibler parce que c’est notre priorité militaire à cet instant », a confirmé récemment Martin Kobler, le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies en RDC. Une position qui rejoint celle du gouvernement congolais, lequel dit s’apprêter également à lancer, avec l’appui des Casques bleus, une « action vigoureuse » contre les « forces négatives » encore présentes sur son sol, en tête desquelles il inscrit les rebelles rwandais des FDLR, puis les insurgés ougandais de l’ADF-Nalu (Forces démocratiques alliées – Armée de libération de l’Ouganda) et, en dernière position, les Forces nationales de libération du Burundi (FNL) ainsi que toutes les milices maï-maï locales.
FDLR, les plus dangereux ?
Sur le papier, les rebelles des FDLR paraissent comme la principale menace à la paix dans le Kivu et dans la région des Grands Lacs. Même si à Kinshasa, on affirme avoir réduit leur nombre de « plus de 80 % » avant le déclenchement de la rébellion du M23 en avril 2012. Combien sont-ils donc aujourd’hui ? Autour de « 1 500 soldats », selon les estimations des experts onusiens qui travaillent sur la problématique des groupes armés dans l’est de la RDC.
« Il est impossible de donner un chiffre exact sur le nombre des FDLR dans le Kivu, relativise Christoph Vogel, chercheur indépendant. Une chose est cependant évidente : personne ne parle plus de 8 000 ou 10 000 rebelles FDLR comme dans le passé. » Vogel et un grand nombre d’observateurs considèrent que « l’effectif de ces rebelles rwandais a sensiblement baissé » ces dernières années. « À long terme, le programme DDRRR (désarmement, démobilisation, rapatriement, réintégration, réinstallation) de la Mission onusienne au Congo a permis de diminuer leur nombre », justifie l’expert, soulignant également que « les attaques de Raïa Mutomboki [une milice locale anti-FDLR] ont contribué à l’affaiblissement des FDLR ».
Les drones permettront aux Casques bleus de suivre la mobilité de différents groupes armés.
Élu de Walikale, un des territoires du Nord-Kivu souvent inquiété par les incursions des FDLR, Juvénal Munubo confirme l’implication des milices maï-maï locales dans la traque des rebelles rwandais. « Il faut avouer que ces groupes armés ont aidé à pourchasser les FDLR [notamment dans le territoire de Shabunda, NDLR]. Ils ont accompli ce qu’aurait dû être la tâche du gouvernement », confie-t-il à Jeune Afrique. Conséquence : « Les FDLR ne sont plus aujourd’hui la principale menace », soutient le député. « Mais ce n’est pas une raison pour croiser les bras, il faut les poursuivre jusqu’à leur dernier retranchement », ajoute-t-il.
Et pour la surveillance des mouvements des groupes armés dans le Kivu, notamment la mobilité des rebelles FDLR qui sont les premiers dans le viseur de la brigade d’intervention des Nations unies, « deux drones non armés » ont effectué, le 3 décembre, un « vol inaugural » à Goma. « Ces engins permettront aux Casques bleus de suivre la mobilité de différents groupes armés pour pouvoir mieux se positionner et surtout anticiper l’action pour protéger les civils », indique une source à la Monusco.
Depuis la fin de la rébellion du M23, craignant l’éventualité d’une prochaine attaque de l’armée congolaise appuyée par la Monusco, plusieurs miliciens ont choisi de déposer les armes. Mais les combattants FDLR, eux, n’ont pas bougé. « Ils occupent certains villages dans les territoires de Mwenga et Walungu dans le Sud-Kivu et une partie de Lubero dans le Nord-Kivu », rappelle Christoph Vogel. « Ils sont également localisés à Oninga, à la frontière entre Lubero et Walikale, près du parc national de Maïko, dans la Province orientale », ajoute Juvénal Munubo.
Positions actuelles des FDLR dans l’est de la RDC
Si, ces six derniers mois, les FDLR n’ont pas mené d’attaques contre les autorités de Kigali – leur dernière incursion en territoire rwandais remonte au 24 mai 2013, selon le dernier rapport du groupe d’experts de l’ONU -, ils n’ont pas cessé pour autant de commettre des exactions dans les villages qu’ils occupent dans le Kivu congolais. « Ils y font régner leur loi. Et des contrevenants sont sévèrement sanctionnés : des hommes torturés, réduits en esclavage, voire tués, et des femmes violées », décrit Omar Kavota, porte-parole de la société civile dans le Nord-Kivu.
« Affaiblis, mais pas anéantis »
Sur le plan politique par ailleurs, les FDLR sont aujourd’hui fragilisés. « Il existe, à la tête du mouvement, une fracture entre les intransigeants, tels que Mudacumura, qui veulent poursuivre la lutte armée, et les modérés, plus jeunes, qui prônent la démobilisation et la réintégration », indiquait à la mi-juillet le dernier rapport des experts onusiens. Les poursuites judiciaires en Allemagne contre deux de leurs responsables politiques et l’arrestation en Tanzanie de leur commandant adjoint, le « général » Stanislas Nzeyimana, alias « Izabayo Bigaruka », ne sont pas de nature à arranger les choses pour les rebelles… « Ils sont bien affaiblis, mais ne sont pour autant pas anéantis », conclut Juvénal Munubo, l’élu de Walikale.
Publié le 24-12-2014 – par Jeune Afrique