Collette Braeckman, dans son Carnet, livre son analyse de la situation burundaise actuelle et montre que le Président Nkurunziza qui s’obstine au 3ème mandat jugé illégal par une grande partie de l’opinion publique peut avoir des appuis exterieurs de taille y compris les Fdlr, les éléments de la force de Police congolaise mais surtout la Tanzanie qui lui a permis de revenir dans son pays après l’annonce du Coup d’Etat manqué du Gén. Godefroid Niyombaré.

Depuis lors, les grands pays de la Communauté internationale semblent ne pas apprécier le coup du Président Nkurunziza contre la démocratie burundaise qui s’inscrivait dans de hautes couleurs dans les différentes classes sociales burundaises.

 

Collette, specialiste des Grands Lacs
La France, qui avait longtemps observé une prudente réserve vient elle aussi de rejoindre la Belgique et la Hollande et a décidé de suspendre sa coopération dans le domaine de la sécurité et l’Union européenne reconsidère également son aide.

A ces avertissements, à ces pressions assorties de menaces, le régime burundais fait face jusqu’à présent : au nom de la souveraineté nationale un budget extraordinaire a été débloqué pour faire face aux échéances électorales. Les prochaines élections législatives seront sans surprise puisque l’opposition a annoncé son intention de les boycotter, une perspective qui ne semble pas émouvoir les autorités.

Plusieurs déclarations officielles, dont une note de synthèse remise aux chefs d’Etat africains, dénoncent les « préjugés », les « idées pré conçues » qui « déforment le jugement des nombreux envoyés spéciaux et autres délégations qui font le voyage vers Bujumbura, » et dont « les recommandations ne seraient pas nourries par les faits observés sur le terrain. »

Le Burundi critique aussi une « histoire » construite de toutes pièces par la « presse internationale » et des « agents étrangers », il assure que les manifestations, limitée à trois ( !) quartiers de Bujumbura sont « sponsorisées » et que les manifestants ont reçu pour instruction de déclencher des incidents violents (une assertion d’autant plus étonnante que tout le monde a pu constater que la police tirait à tir tendu et que, depuis lundi, les Imbonerakure sont entrés dans les quartiers en ébullition afin de remettre de l’ordre à leur manière avec des bâtons et des fouets…)

Les documents officiels assurent aussi que la candidature du président à un troisième mandat n’est pas négociable. De son côté, l‘opposition dit exactement la même chose, mais… dans l’autre sens, faisant de l’effacement de Nkurunziza un préalable absolu……

Il est évident que si les pays voisins du Burundi décidaient d’appliquer à son président le même traitement que celui infligé en 1996 à Pierre Buyoya qui dut faire face à un embargo implacable à la suite d’une tentative de putsch, le régime serait obligé de lâcher du lest sous peine condamner à l’asphyxie ce pays enclavé.

Mais le feront ils ? Rien n’est moins sûr. Lors du putsch manqué en effet, chacun a remarqué que si la Tanzanie avait avalisé le renversement du président, ce dernier n’aurait jamais pu regagner son pays. Or c’est le président tanzanien Kikwete lui-même qui ramena son collègue à la frontière…

Par ailleurs, entre le Burundi, le Congo et le Rwanda se joue une subtile partie de billard à trois bandes. A Bujumbura, les manifestants assurent, mais sans fournir de preuves, que des Interhahamwe (les rebelles hutus rwandais toujours incrustés au Congo) auraient franchi la frontière pour venir renforcer les Imbonerakure (les jeunesses du parti). Par ailleurs,des sources congolaises, non officielles, vont jusqu’à dire que des militaires et des policiers congolais, dépêchés depuis Goma, auraient traversé le lac Kivu pour seconder leurs collègues du Burundi, mais à Bujumbura nul n’a pu confirmer cette information.

A Bukavu des officiels congolais décrivent les relations entre les deux pays en termes prudents : « le Congo ne soutient pas activement Nkurunziza mais il ne le lâche pas non plus. »
En fait, nul dans la région n’a oublié qu’en novembre 2013, lors de l’offensive des forces congolaises assistées de la Monusco contre les rebelles tutsis du M23, soutenus par Kigali, les forces tanzaniennes et sud africaines, destinées à former la « Brigade d’intervention africaine » opérant sous la bannière de l’ONU, avaient été autorisées à transiter par l’ aéroport de Bujumbura, au grand déplaisir de Kigali qui n’a pas pardonné ce manque de solidarité du « petit frère » burundais.

Cet effort conjoint, épaulé par une Brigade d’intervention africaine, avait entraîné la défaite du M23, allié de Kigali. Depuis lors, les relations entre la Tanzanie et le Rwanda sont exécrables, entre l’Afrique du Sud et Kigali le climat est à peine réchauffé et les débats actuels sur le Burundi dissimulent beaucoup d’arrière pensées……

Mais surtout, depuis que des infiltrations rwandaises ont été signalées au Nord Kivu, le cycle des accusations réciproques a repris. C’est ainsi qu’un officier congolais, documents à l’appui, nous a déclaré que le 7 avril dernier, il avait remis entre les mains de la Monusco un membre des FDLR (rebelles hutus) qui souhaitait regagner son pays. A sa grande surprise, le 13 du même mois, il retrouva l’homme qui avait été renvoyé en opération au Congo…

Même si les sommets régionaux se multiplient et si la crise du Burundi, avec son cortège de réfugiés, inquiète tous ses voisins, on est loin d’une position unanime et sincère. En outre, tout indique que, pour le Congo, entre un voisin perçu comme menaçant (le Rwanda) et un voisin loyal mais en difficulté, (le Burundi de Nkurunziza) Kinshasa choisira, au minimum, de ne pas nuire à ce dernier…

Publié le 4-06-2015  par IGIHE avec C. Braeckman

Posté par rwandaises.com