Pierre Nkurunziza avait-il suffisamment évalué les risques encourus quand il a décidé de s’octroyer un troisième mandat, en violation flagrante des dispositions de la Constitution burundaise et des accords d’Arusha ? S’il n’a pas prévu le scénario du pire, il doit désormais composer avec. En presque deux mois de crise, le pays est dans l’impasse politique totale. Le décompte macabre a atteint la barre des 70 morts. A cela, il faut ajouter près de 500 blessés composés de civils (majoritairement), de policiers et de militaires. Les nombreux détenus et les milliers de déplacés complètent ce sombre tableau qui ne semble pas ébranler outre mesure, le « pasteur » président. On ne sait pas quel « dieu » prie ce pasteur, mais il devrait avoir des liens solides avec Lucifer. Bref, les conditions d’une déflagration, du moins d’une guerre civile, sont plus que jamais réunies.
Et au lieu de regarder en toute lucidité la tournure des évènements et de se raviser, les autorités préfèrent se réfugier derrière une « campagne de terreur orchestrée par les politiciens et les activistes de la société civile à la tête de l’insurrection ». Ce qui arrive ne devrait pas étonner le régime. En effet, au début de son forcing pour un troisième mandat, une note interne du Service national des renseignements (SNR) aux conclusions alarmantes pour la stabilité du pays, avait été transmise au président. Rendu fou de rage par ladite note, Nkurunziza avait limogé le parton du SNR, le général Godefroid Niyombaré qui a conduit le putsch manqué de mai 2015. Depuis, le général et 300 de ses hommes sont dans la nature.
L’aveuglement du régime dépasse l’entendement
C’est dans ce contexte que le régime de Nkurunziza tient vaille que vaille à organiser les élections législatives et communales le 29 juin prochain, et la présidentielle le 15 juillet 2015, en dépit des mises en garde répétées et des appels de la communauté internationale. Le dernier en date est la sortie de l’Union européenne, le lundi dernier. Dans un communiqué, les ministres des Affaires étrangères de l’UE ont indiqué que « l’impasse politique au Burundi, la dégradation de la situation sécuritaire et économique, comportent des effets graves pour la population et des risques pour la région toute entière ». L’UE se dit « déterminée à adopter, le cas échéant, des mesures restrictives ciblées à l’encontre de ceux dont l’action aurait conduit ou conduirait à des actes de violence et de répression, à de graves violations des droits de l’homme, et/ou entreverrait la recherche d’une solution politique ».
Même si cette réaction ferme de l’UE a tardé, elle a le mérite de mettre la pression sur un président qui a définitivement compris que la voie menant à un éventuel troisième mandat est beaucoup moins royale qu’il ne le pensait ; lui qui comptait sur un parti aux ordres, une opposition minée par des ambitions de ses chefs (dont certains sont toujours en exil) pour s’imposer à la loi et aux Burundais. Reste à présent à savoir si Pierre Nkurunziza va s’amender. Dans les faits, le président sortant ressemble à un cycliste roulant sur une piste bordée de part et d’autre de deux précipices ; s’il manœuvre mal, il tombe. Mais Nkurunziza s’en fout. Acculé, esseulé, le dictateur de Bujumbura voit les dangers s’annoncer à l’horizon pour lui et pour le peuple burundais.
Mais l’aveuglement du régime dépasse l’entendement. Pour preuve, le CNDD-FDD, le parti du président, a refusé de prendre part au dialogue politique préconisé par l’Union africaine (UA), pour raison de campagne pour les élections législatives et les communales. Le régime de Nkurunziza confirme ainsi qu’il a choisi le rapport de force et qu’il est prêt à défier toute puissance, quelle qu’elle soit et d’où qu’elle vienne. Un acte aventuriste qui pourrait lui être fatal ainsi qu’à son peuple tout entier. Il est plus que jamais impératif que la communauté internationale se mobilise davantage pour barrer la route à la guerre civile en perspective au Burundi, du fait de l’entêtement de Nkurunziza. Si une autre guerre éclate au Burundi, la communauté internationale, africaine, en portera l’entière responsabilité morale et politique.
Michel NANA, http://lepays.bf
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