Horrifiée des récentes incitations de Bujumbura à exterminer les opposants, la communauté internationale semble décidée à agir. A l’initiative de Paris, le Conseil de sécurité des Nations Unies est convoqué ce lundi 9 novembre pour prendre des mesures face à un « langage de l’horreur » qui évoque celui des génocidaires rwandais en 1994.
Disons-le sans détour, car il y a urgence : le Burundi est l’otage d’un gang. Celui du président Pierre Nkurunziza qui, en violation des Accords de paix d’Arusha, en l’an 2000, et de la Constitution qui en est issue, s’est arrogé un troisième mandat. Pour briser la résistance d’une société civile bien organisée et ardente à défendre la démocratie, il a imposé un régime de terreur. A Bujumbura, depuis mai 2015, quelque deux cents opposants ont été délibérément abattus par des policiers ou par des membre de la milice présidentielle Imbonerakure. Ceux qui ont pris les armes pour se défendre contre ce régime de terreur ont également commis des meurtres. Rien ne permet cependant d’établir une équivalence entre terreur d’Etat et résistance.
Objectif : ressusciter les manipulations identitaires
Le bilan réel des assassinats politiques est vraisemblablement très supérieur, car le régime filtre sévèrement les informations en provenance du « Burundi profond ». Ce qu’il dissimule moins efficacement, ce sont la panique et l’exode. De source onusienne, on sait que 200 000 à 300 000 Burundais terrorisés par les Imbonerakure ont fui pour s’entasser dans des camps en Tanzanie, au Rwanda et jusqu’en Ouganda. Une majorité d’entre eux sont des Tutsi. Pour bricoler un semblant de légitimité et d’adhésion populaire, Pierre Nkurunziza et son groupe tentent en effet de ressusciter les manipulations identitaires, ces conflits dits « ethniques » qui ont provoqué des centaines de milliers de morts au Burundi depuis l’indépendance en 1961.
Après « le temps du langage de haine sibyllin »
Mais tous les Burundais que nous avons eu le loisir d’interroger se disent fatigués des guerres civiles, impatients de tourner la page. Ces dernières années, les catégories « hutu » et « tutsi », si lourdement porteuses de souffrances mémorielles, n’avaient plus guère de sens. Hutu et Tutsi confondus, les milliers de manifestants contre le troisième mandat de Pierre Nkurunziza n’avaient pas en tête l’appartenance « ethnique » de tel ou tel dignitaire. Ils voulaient sortir d’un régime d’incurie, de népotisme et de corruption à grande échelle, qui maintient le pays dans la misère. Au contraire, décidés à réécrire une « histoire ressentiment », Pierre Nkurunziza et son gang ont commencé par ce que le journaliste David Gakunsi appelle « le temps du langage de haine sibyllin », des mots à double sens.
Propagande en miroir
Ce temps est terminé depuis le 3 octobre. Bourreau de son peuple, la présidence a choisi une pose victimaire. Après que l’Union européenne ait décidé de priver de visa et gelé les avoirs de quatre barons du régime impliqués dans des détournements ou dans les assassinats de civils, Pascal Nyabenda, président du Parti CNDD-FDD a déclaré que « les sanctions prises contre les quatre Burundais d’une même ethnie Hutu ne découlent d’une justice connue dans le monde puisqu’il n’existe pas de justice pour une seule ethnie au monde. »
Accuser l’Union européenne de pratiquer une ségrégation ethnique vis-à-vis des Hutu burundais est une intéressante démonstration de la « propagande en miroir » tellement utilisée pour préparer le génocide des Tutsi rwandais de 1994.
Le franchissement d’une ligne rouge
Ce virulent discours lu à la Radiotélévision nationale le 3 octobre par le porte-parole du parti présidentiel a donné le signal de propos publics désormais décomplexés. Comme au Rwanda avant le génocide des Tutsi, Bruxelles est traîné au banc des accusés : « La Belgique doit comparaître devant le peuple Burundais pour lui demander pardon et l’indemniser à cause d’une souffrance sans nom qu’elle a fait subir au pays et à son peuple pendant plus d’un siècle à travers des incitations à la haine ethnique , des organisations des massacres et au versement de sang des burundais, aux renversements des institutions suivis toujours de massacres voire parfois de génocide » (communiqué du Parti CNDD-FDD le 29 octobre).
Le 1er novembre, les déclarations du président du Sénat Révérien Ndikuriyo devant les chefs de quartiers montrent le franchissement d’une ligne rouge : l’appel à l’extermination des opposants, dans des termes délibérément calqués sur ceux de la Radio des Mille Collines, du magazine Kangura et de l’ensemble des « génocidaires » rwandais en 1994 : « Un jour on va travailler ».
« Qui ignore que « travailler » fut le mot-code du génocide (…) Lire la suite sur :
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Posté le 09/11/2015 par rwandaises.com