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Durant de nombreux mois, il a porté dans le silence un sentiment d’humiliation qu’il ne pouvait taire plus longtemps. Jamais il n’avait pensé que parmi les siens se trouveraient des êtres aux intentions aussi basses parce que calculées à l’aune de leurs intérêts personnels quand l’honneur de la Côte d’Ivoire était en jeu. Jamais il n’avait soupçonné que parmi les siens, des hommes et des femmes seraient capables de préférer l’offre de l’étranger à l’effort national et à la fierté de l’âme ivoirienne.

Grande fut donc sa surprise et profonde son humiliation quand il découvrit que les prises de position de certains des siens étaient liées à la facilité d’obtenir des visas que l’ambassadeur de France octroyait à ceux qui étaient reconnus dans certaines cellules comme partisans d’Alassane Ouattara. Quelques uns avaient même dans un premier temps subi un refus avant d’être appelés, plusieurs mois plus tard, à retirer un visa qu’ils n’attendaient plus. Tous attribuèrent ce revirement inattendu à la main de Dieu ! Ceux qui ne furent pas élus attribuèrent leur mauvais sort à la mauvaise relation que la France entretenait avec le président Laurent Gbagbo. Aussi, au plus fort de la crise postélectorale, ils prirent le parti d’applaudir l’aide militaire de la France à l’adversaire de leur président pourtant déclaré élu par la constitution de leur pays.

Son cœur se mit à saigner quand il entendit un proche lui dire avec forte conviction qu’il préférait un pays gouverné par un étranger si cela pouvait apporter du travail à la population avec l’aide de la France. Ce jour-là, il passa la nuit avec une forte migraine à s’interroger sur l’avenir des peuples africains. Il eut durant quelques longues minutes le sentiment d’être un étranger sur sa terre natale puisqu’avec l’accord des siens la direction de son pays était confiée à un étranger protégé par l’armée française. La Côte d’Ivoire occupée ! La Côte d’Ivoire humiliée ! se répétait-il.

Ces humiliations l’amenèrent à une analyse profonde du sens de l’adage « Aide-toi, le ciel t’aidera ». Il se demanda pourquoi celui qui se noie tend toujours la main vers l’air libre, vers le ciel, au lieu de croiser les bras à attendre un éventuel secours. Ce geste désespéré n’est-il pas l’ultime tentative que fait l’homme en danger pour exprimer son désir d’être sauvé ? La main tendue n’exprime-t-elle pas l’effort personnel, le chemin instinctif que parcourt le naufragé vers son éventuel sauveteur ? Sans cet effort-là, celui-ci sera obligé de déployer une plus grande énergie pour l’atteindre et le sortir de la noyade. Si le naufragé est sauvé dans cette dernière condition, alors on peut dire qu’il ne mérite pas la vie qui lui est offerte. Non, il n’a rien fait pour mériter d’être vivant ! Tout ce qu’il mérite, c’est de demeurer dans l’esclavage parce que la vie lui semble n’avoir aucune valeur, aucune importance.

Puisque les siens refusaient cet effort personnel et affirmaient que l’heure de la libération de la Côte d’ivoire n’avait pas sonné et que l’opposition de Laurent Gbagbo à la France était juste mais suicidaire, il voulait maintenant leur dire que l’heure de la libération d’un peuple ne tombe pas du ciel comme par miracle. Et quand cette heure sera arrivée, comment le sauront-ils ? Quels signes annonciateurs les éclaireront ? Il voulait leur dire que ceux qui attendaient patiemment le messie ne l’ont pas reconnu quand il est venu parmi eux. Cette dernière vérité que c’est la passive attente qui est suicidaire le rasséréna.

Il parvint à la conclusion que partout dans le monde, la libération d’un peuple du joug de l’étranger s’est certes faite dans la durée. Mais cela s’est toujours réalisé parce qu’un jour un homme a pris la ferme résolution de commencer le combat. Si cet homme trébuche et tombe sous les coups de l’ennemi, on aura tort d’attribuer sa mort à une folie personnelle. Bien au contraire, la victoire finale ne sera possible que si d’autres hommes se lèvent et poursuivent son combat. Jamais la libération d’un peuple n’a été le fait du hasard, d’une heure fixée dans les étoiles ou par le maître.

Raphaël ADJOBI

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Posté par rwandaises.com