Les milieux intellectuels rwandais de la diaspora, ceux-là même qui étaient des leaders d’opinion de premier rang sous le régime du général-Président Juvénal Habyarimana (1973-1994), entretiennent une plume alerte sur le Rwanda actuel et sa transformation socio-économique à grande vitesse.
Ils cherchent à accuser le chien pour mieux le noyer. Pour cela, un ancien Major de l’Armée déchue du Général-Président Juvénal Habyarimana, Emmanuel Neretse, produit une réflexion qu’il a intitulée : « Depuis 1990, le Rwanda est un laboratoire de la nouvelle forme de colonisation de l’Afrique. Quelles leçons peut-on en tirer ?”. Elle paraît dans un médium en ligne : Echos d’Afrique.
Cet intellectuel désormais belgo rwandais se promet de nous démontrer comment après la guerre froide, les USA se sont rendus maîtres du monde et qu’ils ont dessiné activement de nouvelle cartes géostratégiques consistant, pour l’Afrique, à « détruire les structures étatiques classiques léguées par la colonisation ; jouer sur les rivalités ancestrales pour confier le pouvoir militaires et politiques à un groupe marginal qui ne peut l’acquérir démocratiquement ; assurer l’impunité totale aux membres de ce groupe qui, alors, agiront dans ce pays conquis comme des fonctionnaires détachés par les multinationales américaines chargés de rentabiliser l’espace conquis et faire fructifier les capitaux investis, que comme des dirigeants d’un Etat souverain soucieux du bien-être de la population. Cette nouvelle colonisation de l’Afrique par la Superpuissance est illustrée par le cas du Rwanda conquis en 1994 ».
Cet ancien officier du régime déchu a appris sa rhétorique. Il avance graduellement tout en tentant de persuader le lecteur de la véracité de son raisonnement. De la chute du Bloc soviétique des années fin 80 à la superpuissance américaine, l’auteur montre que les multinationales américaines vont à la conquête des pays en développement. Mais il vise particulièrement son pays le Rwanda.
Une façon trompeuse de faire car depuis l’an 1945, les institutions de Bretton Wood ont consacré par le biais de l’OMC des lois favorisant l’extension sans limite des multinationales essentiellement américaines avec des ramifications mondiales diverses.
Quand l’auteur aborde cette question, il avance que ces multinationales ont créé le phénomène Kagame au Rwanda tout en « omettant délibérément les règles de méritocratie démocratique ». Il va donc s’envoler dans une diatribe stérile ayant des relents nostalgiques de son « bon vieux temps » où lui et le régime Habyarimana qu’il défendait les armes à la main, régnaient sur un peuple rwandais à plus de 80 % politiquement analphabète et parfaitement écarté des centres nationaux de prise de décision. Y avait-il un Parlement de députés élu ?
Le CND (Conseil National de Développement mis en place à la faveur de la Conférence de l’OIF dite La Baule 1991 n’était-il pas une chambre d’enregistrement pour le parti alors au Pouvoir le MRND (Mouvement National pour le Développement) ? Veillez souligner CND et MRND et dégagez toutes les conclusions que vous voudrez quant à garantie de tribun du peuple de cette institution qui faisait alors office de Parlement rwandais.
Qu’à cela ne tienne. Le Major Néretse poursuit sa quête pour vitupérer contre cette Communauté internationale qui, alors qu’une rébellion du FPR venait d’éclater au Nord du Pays (Umutara-Byumba et Ruhengeri), a semblé approuver ces « agresseurs », « Au lieu de condamner cette agression injuste et contraire à la Charte de l’ONU, celle-ci fut présentée comme une « guerre civile » au prétexte que les soldats ougandais engagés dans cette conquête avaient des origines rwandaises car ils étaient tutsis ! »
Nous y voilà ! Ce militaire est atteint de cécité. Pour bien construire son argumentaire, il ne veut pas reconnaître que « ces agresseurs » sont des fils et filles rwandais, tutsi et hutus confondus, dont les parents pour avoir adhéré en 1959 au parti monarchiste UNAR (Union Nationale Rwandaise) qui réclamait l’indépendance immédiate de la Belgique tutoriale ont fuit les pogroms organisés par les parents des Néretse appuyés par les paracommando belges. Non ! Militaire qu’il est, il rumine toujours la défaite des Ex-FAR auxquelles il a appartenu. Pour lui, seuls « ces milliers de morts » qu’a emportés cette guerre contre le FPR. Le génocide perpétré contre les Tutsi avec un million de massacrés rien que dans 100 jours, il n’en parle. C’est comme si de façon parfaitement hautaine, ce génocide n’a jamais existé.
Plus loin, on comprend comment il introduit la question de « la méritocratie » oubliée au Rwanda actuelle avec beaucoup d’encouragements de ces multinationales américaines qui, pour lui, ce sont elles qui dirigent réellement le Rwanda. Au fond cette méritocratie, ce n’est pas la question de gens qui pris individuellement dirigent les institutions étatiques. Très subtil !!! Très ethnocentriste hutuisant :
« … tout sera fait pour que la minorité tutsi soit installée au pouvoir au Rwanda même au prix d’une guerre meurtrière qui dura près de quatre ans et ayant fait des milliers de morts dans les efforts de ses superpuissances de soumettre la composante majoritaire du peuple rwandais à la minorité et de chasser ses dirigeants légitimes pour les remplacer par une clique tutsi venue d’Ouganda », raconte-t-il avant de menacer :
« Et même, après une longue et laborieuse période de transition, qui sera nécessaire d’abord pour rétablir la souveraineté nationale et pour convaincre la clique tutsi regroupé dans l’organisation semi-terroriste du FPR, de se convaincre que la situation qu’aura vécu la population rwandaise sous sa ferrure avait été décidée fin des années 80 par les Anglo-saxons, sans demander l’avis des Tutsi et sans tenir compte des intérêts des Rwandais ».
Du n’importe quoi ?
Non ! Cet intellectuel extrêmiste hutu sait ce qu’il dit. Autant voir les cercles idéologiques virulents qui véhiculent de telles idées revanchardes. Mais il est intéressant de voir comment le régime actuel rwandais donne peu de temps à ces idées noires pour qu’elles ne fassent pas digression dans sa vision intégrale de renforcement soutenu de capacité du citoyen rwandais peu importe son ethnie. Il veut qu’il en sorte un nouveau type de Rwandais capable de vivre décemment, de penser son environnement et d’avoir tous les outils intellectuels et savoir-faire pour entrer dans la compétition économique.
Contrairement à ce que ce militaire nostalgique de son passé pense, le régime rwandais actuel a de grands atouts qui lui permettent de suivre allègrement la voie, les objectifs, vision et mission qu’il s’est lui-même assigné : la transformation de fond en comble du Rwanda. Il a construit des institutions garde-fou qui lancent des alertes sur des phénomènes indésirables (disettes et famines, chômage, tendance conservatrice pour une agriculture de subsistance avec chômage déguisé, jeunes qui n’étudient que pour des postes dans la Fonction Publique, …) qui freinent temporairement ou ralentissent son train rapide de transformations économiques et de changements d’habitudes, attitudes et de comportement de citoyens rwandais face à la création de richesses sociales.
Néretse annonce en effet une lutte entre conservateurs (diaspora hutu et clergé catholique rwandais) et adeptes des changements sociaux (stratèges des hautes institutions gouvernementales) qui fait débat dans les milieux intellectuels rwandais. Les multinationales qu’il récuse dans ses propos viennent donner un ton normal au capitalisme rwandais pour lui montrer que la façon dont il était pratiqué dans les années 80 était nocive car il n’avait pas de ballon de respiration. Il se complaisait dans une stagnation qui ne s’accepte plus de nos jours au risques d’imploser. C’est ce qui s’est fait en 1994 avec une sauvagerie sans nom et une faillite complète de l’Etat rwandais d’alors
Publié le 28-07-2016 – par Jovin Ndayishimiye