Les médias occidentaux n’ont pas cessé de confondre le chat et la souris sur le Rwanda. On constate, néanmoins, que la conscience professionnelle s’implante peu à peu. La couverture du procès des présumés génocidaires qui ont débute à Paris le 10 mai 2016 a tenté d’éviter les débordements linguistiques. La présentation dichotomisée de la réalité rwandaise Hutu/Tutsi a été évitée, ce qui augure bien pour les médias qui risquaient d’être traités de divisionnistes. Ceux qui sont accusés le sont personnellement. Toutefois, quelques incohérences persistent. Nous avons parcouru une vingtaine des rédactions, et nous alertons nos confrères et consœurs sur ces expressions :
« Le génocide rwandais » par FR24. Un raccourcis flou, il s’agit d’un génocide (des) tutsi au Rwanda.
« Des hutus modérés » par Le Nouvel Observateur. Des Hutus, s’ils sont considérés comme un groupe humain, il n’existe pas de degré d’humanité, mais si c’est un groupe politique, oui. Or, les partis politiques qui étaient impliqués sont connus. De plus, il ne faut pas englober dans une même expression le « génocide qui a fait des victimes des tutsi et des hutu modérés », car un soi-disant hutu n’aurait pas été tué dans le cadre du génocide, mais des assassinats politiques. Conseil : éviter simplement le terme hutu, ou remplacer par « …et quelques autres Rwandais issus d’autres ethnies ».
« des miliciens hutu interahamwe » par Le Nouvel Observateur et TV5 Monde. Prière enlever le mot « hutu » que les médias insèrent de force dans les expressions pour justifier qu’il s’agit d’un conflit ethnique ou des massacres interethniques. L’expression « miliciens interahamwe » est correcte, car le terme « hutu » fut une idéologie de globalisation, une démagogie du parti au pouvoir, afin d’englober le plus de citoyens dans son mouvement meurtrier. Ci-après, une tournure qui faillit être correcte, toujours par TV5 Monde :
« …les miliciens hutu Interahamwe et la population se préparent à l’assaut. » En effet, la population, c’est la meilleure expression pour parler des masses qui ont prêté main forte aux miliciens interahamwe. Cette population avait donc due être manipulée depuis plusieurs années, en configurant dans leur mentalité qu’elle est identifiée comme hutu, et qu’elle doit combattre le tutsi. Ceux qui ne croient pas à cette logique rejettent cette appellation. Nous l’avons expliqué dans notre précédant article : Rwanda, le terme hutu est désuet.
« Dehors, les miliciens interahamwe sont là, avec d’autres Hutus. » par France inter. Bonne tournure au départ, puis confusion. Je conseillerais de ne pas utiliser le terme Hutu de façon globalisante, car la population rwandaise a été identifiée par les Européens. Le groupe Hutu est utopique. Il fallait dire, …. Avec d’autres personnes acquises à la cause hutue.
« Quelque 800 000 personnes, principalement des Tutsis, ont été massacrées par des extrémistes hutus pendant trois mois de génocide au printemps de 1994, selon l’ONU. » Par le Métro de Montréal. S’il s’agit d’une citation, la faute serait de la part de l’ONU. « Les extrémistes hutus » ce terme commence par accréditer la thèse de l’ethnicité dans le conflit et risque d’écarter la responsabilité du parti MRND et des interahamwe. C’est ce que les planificateurs ont toujours voulu, que le crime colle à toute la population. On peut plutôt dire des « miliciens interahamwe et des partisans de l’idéologie hutue ». Noter que les Rwandais sont restés longtemps ensemble sans chercher à s’entretuer, n’eût été l’introduction d’une idéologie génocidaire hutu appelée aussi hutu power à partir de 1993. Ceux qui y ont adhéré ne deviennent pas pour autant des Hutu, mais des partisans à cette idéologie. En effet, tout le monde est autre chose que ce qu’on l’appelle.
« Kigali la capitale, épicentre du pouvoir hutu » par Le Monde. Cette expression est de type colonial, selon lequel tout pouvoir en Afrique est exercé par et pour une ethnie. Il n’a jamais existé au Rwanda un pouvoir hutu, mais un pouvoir qui agissait en faveur des hutu en excluant des Tutsi. Dans tous les cas, c’était un pouvoir national appelé le MRND. La question est la mauvaise gouvernance. Le renforcement de la connotation par le terme hutu est violent, dans la mesure où « la hutuité » est discutée. On parlait plutôt d’Akazu que de Hutu.
Ainsi, éviter autant que possible l’utilisation de l’expression « HUTU » dans vos articles, car la population rwandaise est en train de se définir elle-même, rejetant les divisions cultivées par le colonisateur, lorsqu’il a établi une carte d’identité mentionnant trois ethnies sans tenir compte ni de la culture ni du terroir. Aujourd’hui, la réconciliation progresse et les médias occidentaux qui ramènent le Rwanda dans la division ethnique peuvent être poursuivis.
Notons, enfin, pour ceux qui prennent la réalité rwandaise et burundaise comme semblable par le fait que les deux sociétés parlent la même langue ; elles ne connaissent pas la même évolution des mentalités politiques. Inutile ainsi de transposer leurs réalités ethniques.
Fait à Paris, le 14 mai 2016
Mpayimana Philippe, Journaliste Indépendant, email : mpayphil@gmail.com
Ci-joint les liens consultés :
http://information.tv5monde.com/afrique/rwanda-le-proces-des-amis-et-voisins-debute-paris-106600
http://www.liberation.fr/planete/2016/05/09/rwanda-le-proces-du-genocide-au-village_1451501
http://www.20minutes.fr/societe/1842467-20160510-genocide-rwanda-deux-anciens-maires-juges-paris
http://www.franceinter.fr/depeche-nouveau-proces-du-genocide-rwandais-a-paris
http://journalmetro.com/monde/961440/genocide-au-rwanda-deux-maires-accuses-en-france/
http://www.estrepublicain.fr/actualite/2016/05/10/rwanda-22-ans-apres-le-genocide-le-neant
https://rcf.fr/actualite/genocide-au-rwanda-la-verite-nexiste-pas-pour-alain-gauthier
Le 14 mai 2016 Par PHILIPPE MPAYIMANA Blog : Où va l’Afrique?
https://blogs.mediapart.fr/philippe-mpayimana/blog/140516/rwanda-conseils-redactionnels-l-attention-des-medias-occidentaux
Posté le 31/08/2016 par rwandaises.com