À l’occasion des 15 ans de son association Maïsha Africa qui intervient depuis 2001 au Rwanda, Sonia Rolland, ex-Miss France et comédienne franco-rwandaise, est revenue mardi pour Jeune Afrique sur son « action caritative » et son attachement au pays des Mille collines.
L’heure est aux derniers réglages. Le lundi 19 septembre, Sonia Rolland « l’humanitaire » va fêter ses 15 ans. En 2001, la 70e Miss de France créait en effet l’association Sonia Rolland pour les enfants, rebaptisée plus tard Maïsha Africa (le droit de vivre en Afrique) pour apporter sa pierre à la reconstruction de son Rwanda natal.
Sonia n’avait que neuf ans lorsque son père français et sa mère rwandaise décident en 1989 de quitter le pays. La situation, ont-ils jugé, était trop crispée. Six ans plus tard, 800 000 Tutsis et opposants hutus sont massacrés. La jeune femme ne reviendra au pays de Mille collines qu’en 2001, l’année suivant son sacre au concours Miss France.
Sur place, elle découvre le phénomène des « enfants-chefs de famille ». Il s’agit de « jeunes orphelins à la suite du génocide, âgés de 18 à 20 ans, qui ont décidé de vivre ensemble, en cellule familiale, explique Sonia Rolland. Ils se sentaient plus forts à plusieurs pour pouvoir affronter l’après-drame. Ils se méfiaient surtout des adultes parce que ces derniers étaient, pour eux, très liés à la guerre et à la division. » Ces enfants-chefs de famille choisissent alors Sonia Rolland pour être leur marraine, l’« étendard » de leur mouvement. Une fois de retour en France, la première Miss française d’origine africaine créé une association pour répondre à cet appel et organiser l’aide.
Jeune Afrique : Quinze ans plus tard, qu’est-ce que Maïsha Africa a pu changer sur le terrain ?
Sonia Rolland : Changer ? Je ne sais pas. Mais nous avons pu faire évoluer beaucoup de choses. Nous avons commencé d’abord par cibler des urgences. La première année, nous avons financé un moulin dans un village d’enfants-chefs de famille qui permettait de moudre le sorgho. Ils pouvaient ensuite vendre la farine pour s’assurer une autonomie financière. Nous avons également financé des motos-taxis pour que les bénéficiaires trouvent du travail et qu’ils génèrent de l’argent pour subvenir aux besoins collectifs.
L’État avait par ailleurs pris en charge la construction des maisons pour tous ces enfants mais, construites avec de la terre battue, elles commençaient à s’effondrer les unes après les autres. Nous sommes intervenus pour réhabiliter 36 maisons qui sont aujourd’hui aux normes : cimentées, avec des sanitaires et des dépendances où l’on peut installer une cuisine.
Je suis fière aujourd’hui de voir ces enfants-chefs de famille – la plupart ont mon âge – vivre dans un confort qui n’était pas celui dans lequel je les avais trouvés.
Votre association se consacre-t-elle uniquement au sort de ces enfants ?
Nous intervenons aussi dans la construction et la réhabilitation de bâtiments scolaires. Nous avons ciblé des écoles dans des lieux qui ont vécu les pires atrocités pendant le génocide. Maïsha Africa a par exemple construit un bâtiment scolaire de trois classes de maternelle qui fait partie du groupe scolaire de Narama. Aussi nous avons fait financer par la Fédération française de basketball un terrain multisports à Narama dans le groupe scolaire de ce village dans les hauteurs de Kigali.
Et pour nos 15 ans, grâce aux dons et des achats de tables pour prendre part à la soirée de gala du 19 septembre, nous espérons parvenir à financer la réhabilitation ou la transformation de l’orphelinat mémorial de Gisemba – le dernier dans le pays – en école. J’appelle les particuliers et les entreprises africaines à nous rejoindre dans cette très belle aventure.
Lorsqu’on a une mère africaine, c’est difficile de perdre sa culture.
Quelle est la place qu’occupe aujourd’hui le Rwanda dans votre vie de star, comédienne, actrice, réalisatrice, ex-Miss France ?
J’aborde le Rwanda de manière humaniste. J’y vais en moyenne deux fois par an, souvent pour des missions. Là-bas, je ne dors quasiment jamais à l’hôtel mais en famille. Je vais voir des oncles et des tantes parce que j’aime bien reprendre pied avec mon origine. De toutes façons, lorsque l’on a une mère africaine, c’est difficile perdre sa culture. Même si j’ai vécu en Bourgogne, ma mère me parlait tous les temps en kinyarwanda. Je savais pertinemment qu’un jour j’allais pouvoir rentrer et devoir faire quelque chose pour mon pays.
Peut-on considérer que votre double culture – française et rwandaise – a plus été une force qu’un handicap ?
À la différence de beaucoup de métis qui sont souvent tiraillés, je connais parfaitement mes deux cultures. Que soit au Rwanda ou en France, je n’ai aucune forme de complexe ni de frustration. Je connais mes deux pays et je reconnais leurs défauts et leurs qualités.
En 2014, vous êtes rentrée tourner un documentaire sur le Rwanda. Une envie de raconter par vous-même l’histoire de votre pays ?
Avant même d’écrire le scénario du documentaire, j’ai reçu plein de critiques. C’est surtout la figure politique du président Paul Kagame qui a suscité énormément de réactions et de fantasmes.
Lorsqu’il s’agit de Kagame, c’est toujours très manichéen : soit on le critique violemment, soit on l’encense. Les réactions ne sont jamais mesurées. C’est pourquoi dans mon documentaire, j’ai essayé d’apporter un peu de distance pour parler du travail du peuple rwandais, qui me fascine. Certes, le pays dispose d’un très bon leadership, mais il y a surtout un peuple qui a suivi cette vision pour le Rwanda. Je doute fort qu’on ait mis un flingue sur la tempe de 9 millions de personnes pour qu’ils avancent. Penser ainsi c’est méconnaître l’orgueil des Rwandais et sous-estimer leur capacité à pouvoir réfléchir et décider par eux-mêmes.
On doit cesser de tirer sur des jeunes au Burundi et éradiquer les viols en RDC.
Que pensez-vous de la situation sécuritaire encore tendue au Burundi et à l’est de la RDC et surtout des soupçons d’implication du Rwanda dans la déstabilisation de ses voisins ?
Je ne suis pas une observatrice géopolitique. Je n’ai pas tout-à-fait les arguments pour défendre des thèses. Mais en revanche, j’estime qu’au Burundi, on ne doit pas continuer à tirer sur des jeunes et assassiner son peuple pour se maintenir au pouvoir. En RD Congo, il faut sécuriser la population, éradiquer les viols et ne pas laisser les civils à la merci de groupes armés.
On a beau dire que le Rwanda est un pays autoritaire et trop sécuritaire. Mais les gens aujourd’hui s’y sentent bien. Les Rwandais veulent garder leur président parce qu’ils n’ont pas d’autre alternative et qu’ils adhèrent à la vision de Paul Kagame. Il faut savoir sécuriser cette volonté. En Afrique lorsqu’une bonne initiative émerge – à l’instar de Patrice Lumumba jadis -, on cherche toujours le moyen de l’éliminer.
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Posté le 08/09/2016 par rwandaises.com