Union africaine, projet d’électrification de Borloo… L’ex-patron de la BAD ne manque pas de sollicitations. Pour l’heure, il continue de dispenser ses conseils aux institutions comme aux entreprises.
En ce vendredi après-midi de septembre, lorsqu’il reçoit Jeune Afrique dans le salon VIP d’un grand hôtel parisien, Donald Kaberuka est détendu. Arrivé quelques jours plus tôt dans la capitale française, où il a enchaîné les rendez-vous, l’ancien patron de la BAD doit reprendre un avion dans quelques heures pour Kigali. Puis il rejoindra les États-Unis, où il s’est installé depuis son départ d’Abidjan. Depuis quelques semaines, alors que la fin du mandat de Nkosazana Dlamini-Zuma à la tête de la Commission de l’Union africaine (UA) se profile, son nom circule.
Réformer l’Union africaine
« Ce sont des spéculations de je ne sais quelles origines. J’ai été très enthousiaste quand on m’a demandé d’aider l’Union à trouver un nouveau modèle de financement et à alimenter son fonds pour la paix. Mais briguer la présidence de sa commission, c’est une chose à laquelle je n’ai jamais pensé », tranche-t-il. Vraiment ? « Ce que je souhaite, c’est apporter mon aide dans un domaine où j’ai un avantage comparatif. Et c’est déjà le cas dans ce que je fais aujourd’hui », insiste-t-il.
Le Rwandais forme avec le Bissau-Guinéen Carlos Lopes, secrétaire exécutif démissionnaire de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (Uneca), le philanthrope zimbabwéen Strive Masiyiwa et le Camerounais Acha Leke, associé senior de McKinsey en Afrique du Sud et coauteur du rapport « Lions on the Move », une équipe restreinte qui travaille avec le président rwandais Paul Kagame pour proposer une réforme de l’UA.
Lors du dernier sommet de l’Union, qui s’est tenu en juillet à Kigali, les présidents des États membres ont d’ailleurs adopté une résolution sur la base des propositions de Donald Kaberuka, introduisant une nouvelle taxe de 0,2 % sur les importations dès la loi de finances 2017. Mis en application, ce nouveau dispositif pourrait rapporter 1,4 milliard d’euros à l’institution panafricaine dès l’année prochaine.
Une grande expérience
« Quand j’ai quitté la BAD, explique celui qui fut ministre des Finances du Rwanda pendant près de dix ans, j’ai souhaité prendre un temps de repos et de réflexion. L’université Harvard m’a offert l’opportunité d’enseigner [les questions liées à l’économie et au développement en Afrique au sein de son Centre pour le leadership public (CPL)]. Mais avec l’expérience et la connaissance des 54 pays du continent que j’ai acquises, j’ai estimé que je devais continuer à apporter de temps en temps un certain appui aux pays et aux entreprises africaines. C’est ce que j’essaie de faire ».
En décembre 2015, le prédécesseur d’Akinwumi Adesina est aussi devenu le conseiller principal de TPG/Satya, une coentreprise formée par deux grandes sociétés de capital-investissement – le géant américain TPG Growth et le britannique Satya Capital, du milliardaire soudanais Mo Ibrahim – qui a annoncé en juin vouloir investir jusqu’à 1 milliard de dollars sur le continent.
Quid de la volonté de Jean-Louis Borloo de voir Donald Kaberuka à la tête de son initiative pour l’électrification de l’Afrique ? Ici aussi, cet économiste formé à Glasgow, en Écosse, qu’on dit afro-pragmatique, botte en touche. « Toute démarche visant à aider l’Afrique à trouver une solution à ses problèmes d’énergie ne peut qu’être saluée », répond-il d’abord.
Avant de préciser dans la foulée : « Ce qui est important, c’est avant tout de regrouper l’ensemble des initiatives en une seule et que celle-ci soit conduite par des organismes africains compétents comme le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad), l’UA ou la BAD. Ce sera alors aux Africains de choisir la personne qui la dirigera. Je ne peux pas m’en autoproclamer patron », affirme-t-il.
Transformer les économies africaines, une urgence
Pour Donald Kaberuka, cette multiplicité des initiatives, aussi bien dans le domaine de l’énergie que de l’agriculture, pose des problèmes de cohérence du point de vue de leur mise en œuvre comme de leur financement. D’où la nécessité pour les institutions africaines de prendre le leadership. Cela est d’autant plus urgent que, après la période de forte croissance que l’Afrique a connue ces dernières années, ses dirigeants doivent s’atteler à sa transformation économique. Un impératif encore renforcé par la conjoncture actuelle, qui malmène un certain nombre de ses économies.
Mais Donald Kaberuka reste optimiste pour le continent. La priorité, selon lui : « créer un marché unique africain ». « Nous représentons un marché important quand nous sommes ensemble. Heureusement, les Africains ont compris cela. Certes, il y a encore quelques difficultés, des barrières tarifaires, mais nous faisons des progrès, notamment au sein de la Cedeao ou de la Communauté économique d’Afrique de l’Est. Dans cette dernière région, le commerce interne représente aujourd’hui 28 % du total des échanges, soit un niveau similaire à celui des États d’Asie du Sud-Est. Nous devons désormais accélérer ».
Concernant l’industrialisation de l’Afrique, l’ancien patron de la BAD estime qu’il faut réfléchir à des moyens de hisser les économies africaines au niveau le plus élevé de la chaîne de valeurs de la production mondiale.
« Aujourd’hui, on n’a plus besoin de fabriquer l’intégralité d’un téléphone portable chez soi. On peut donc se positionner comme fournisseur de quelques composants ou de services annexes », donne-t-il pour exemple. Avant d’en prendre un autre : « Les avions Airbus sont montés à Toulouse avec des composants provenant de partout en Europe. Et certains pays apportent plutôt des services annexes logistiques ou financiers ». Et de conclure : « C’est comme cela que l’industrialisation doit être pensée en Afrique ».
http://www.jeuneafrique.com/mag/363702/economie/developpement-troisieme-vie-de-donald-kaberuka/
Posté le 23/10/2016 par rwandaises.com