L’Europe n’a pas été conquise par les armes, mais par la culture avec l’aide de ses intellectuels. Ce qui a marché dans les années 50-60-70 dans la vieille Europe est en train d’être mis en œuvre en Afrique, de manière moins subtile et plus brutale, car il s’agit de l’Afrique, mais avec les mêmes objectifs.
Imaginez un instant que le centre culturel russe qui vient d’ouvrir à Paris décide de réunir les intellectuels francophones pour débattre des problèmes sociétaux et des grands sujets qui préoccupent les Français (laïcité, racisme, citoyenneté, féminisme, théorie du genre, écologie, etc…) et rechercher de nouvelle formes politiques et de gouvernance en France pour résoudre les problèmes. En bref, il s’agirait de chercher à réorienter la politique de la France et la manière de vivre des Français selon le point de vue de l’organisateur, la Russie. Une telle initiative de sa part ne pourrait être perçue, au minimum que comme une ingérence intolérable dans les affaires intérieures de la France.
C’est pourtant ce qui est en train de se passer en ce moment-même à Dakar et à Saint Louis au Sénégal, sous l’égide, non pas de la Russie, mais de la France. Du 28 au 31 octobre, les Ateliers de la Pensée ont été organisés à l’Institut Français du Sénégal, réunissant à Dakar et à Saint Louis des penseurs, écrivains, et universitaires africains et de la diaspora pour réfléchir aux nouveaux défis du monde contemporain. Cette initiative semble excellente à première vue. Elle le serait si elle venait des Africains eux-mêmes, organisée et financée par eux. Malheureusement ce n’est pas le cas. Dès lors, dans un monde où rien n’est gratuit, il convient de se demander quels sont les objectifs poursuivis par les organisateurs et leurs sponsors. Il suffit de savoir qui ils sont pour se faire une idée générale de ce qu’ils veulent.
Le site de l’Institut Français du Sénégal nous révèle la liste des partenaires : la Fondation Rosa Luxembourg, l’association OSIWA, l’Institut Français du Sénégal, la Ville de Dakar, le CODESRIA, le Goethe Institut et l’Université Gaston Berger. Rappelons qu’OSIWA (Open Society Initiative for West Africa) est une organisation financée par Georges Soros. Quand on connait par exemple le rôle de la Fondation Rosa Luxembourg en Allemagne ou en Pologne, et celui de Georges Soros dans les révolutions de l’Europe de l’Est, on devine sans peine que les Ateliers de Dakar et Saint-Louis revêtent un caractère géopolitique autrement plus important qu’une simple rencontre d’ordre intellectuel.
Pour les nouvelles générations d’Africains, la colonisation n’est même plus un souvenir, elle fait partie de l’Histoire récente du continent. Elles ne sont plus mues par les mêmes logiques que les générations antérieures, postcoloniales, plus ou moins rattachées à l’ancien colonisateur par divers liens, culturels en particulier, qui tendent aujourd’hui à se distendre. Pour ces jeunes générations, l’heure est à l’émancipation. Cela ne signifie pas forcément la rupture, mais plutôt un désir de mettre en valeur leurs propres cultures, de penser et s’exprimer dans le cadre de ces cultures, tout en s’ouvrant aux autres peuples, avec la volonté de s’adapter à un monde en pleine transformation en tant qu’acteurs et non en simples spectateurs.
Une telle évolution ne peut évidemment pas laisser indifférents ceux qui se sont donné pour tâche de façonner le monde selon leurs intérêts et disposent de moyens colossaux pour cela. Un de ces moyens est leur capacité de manipulation de la pensée sous toutes ses formes. Cela va des simples médias jusqu’aux recherches scientifiques, en passant par les colloques, séminaires, forums et autres ateliers de la pensée. Les intervenants dans ces ateliers peuvent être animés des meilleures intentions, ce qui importe ce sont les objectifs des organisateurs. Ceux qui sont habitués à ce genre de manifestations savent à quel point il est facile de canaliser les débats vers la « meilleure manière de penser ». Il suffit ensuite d’y rajouter quelques ingrédients rassurants comme par exemple l’intervention de personnes éminentes, ou ne faire faire intervenir que des Africains pour parler d’Afrique, de musulmans pour parler d’Islam, etc., pour parfaire la manipulation. Qu’ils soient de bonne foi ou non, les intervenants sont des outils.
Avec l’entrée en force de la Chine en Afrique, il était prévisible que les élites atlantistes tentent de contre-attaquer. C’est de bonne guerre. Ce qui l’est moins, c’est une fois de plus, de prendre les Africains pour des imbéciles. Cela risque de ne pas fonctionner, alors que, dans le même temps, les rapports avec les pays dits émergents progressent à grands pas. C’est peut-être ce qu’a constaté le premier ministre français Manuel Valls qui est en tournée en Afrique en ce moment. Il ne cesse de marteler que l’Afrique est le continent de l’avenir et que si l’Europe ne répond pas aujourd’hui aux besoins de l’Afrique, « elle ira voir ailleurs », notamment chez les pays émergents. Toujours selon lui, « la croissance de demain se joue en Afrique ».
http://rwanda-podium.org/index.php/analyses-critiques/362-afrique-apres-l-assistance-humanitaire-l-assistance-intellectuelle
Posté le 04/11/2016 par randaises.com