Ce 1er Mai 2017, journée internationale du Travail, alors que les travailleurs des autres Nations célèbrent leur journée et que d’autres prennent le temps de revendiquer de bonnes conditions de travail, l’heure au Rwanda est à la remise en question de son histoire et des longs moments qui ont endeuillé la société rwandaise avec pour summum avril – juillet 1994, le génocide des Tutsi.
Une rencontre annuelle finalement devenue une institution : le Café Littéraire. Celui de ce 1er Mai 2017 de 16 heures à environ 20 heures a été rehaussé de la Présence de la Première Dame du Rwanda, Mme Jeannette Kagame.
Quatre écrivains vont initier un débat autour de leurs oeuvres. Ce sont Antoine Mugesera, « Les Conditions de Vie des Tutsi du Rwanda de 1959 à 1990 » publié aux éditions IZUBA en 2015, Dr Jean Paul Kimonyo, « Le Génocide Populaire « , publié en 2015 également, Stephane Audouin Rouzeau ; « Initiation, Rwanda de 1994 à 2016 « , paru au Seuil en 2017 et Yolande Mukagasana, « La Mort de Veut Pas de Moi « , paru chez Laffont en 1999.
Les jeunes devraient lire et comprendre à fond l’histoire de leur pays
Les quatre écrivains ont souligné un long cheminement criminel entrepris par les deux régimes républicains précédents de Grégoire Kayibanda (1962-1973) et Juvénal Habyarimana (1973-1994). Tous sont d’accord pour montrer une décolonisation qui s’opère dans les déchirements ethniques atroces mêlés de pogroms.
« Les intérêts du colon belge étaient fondamentalement différents de ceux de la nation rwandaise », a dit Antoine Mugesera qui montre que le « Divide and Rule » de Jean Paul Harroy, Gouverneur colonial d’alors (1955-1962) et Logiest (Résident militaire spécial1959 à 1962 ) appuyé par le clergé catholique, Les Pères Blancs d’Afrique, a atteint les abysses inégalées dans les annales du monde.
La culture de la lecture pour un Rwandais de type nouveau
Dans son livre Les Conditions de Vie des Tutsi du Rwanda de 1959 à 1990 , Antoine Mugesera retrace les élèves et étudiants y compris les agents de l’administration publique et privée Tutsi qui ont été chassés dans les pogroms de 1973.
« Pour être des Tutsi, ils ont été déclarés des parias dans leur pays », a-t-il dit montrant que l’étape qui a suivi a été leur chosification, leur réification. C’est tout un processus de diabolisation repris par le régime du général Habyarimana qui a suivi surtout à la veille de la Guerre d’Octobre 1990.
A l’opposé, « l’exclusion des Tutsi de la vie publique s’est accompagnée tôt dans les années début 60, d’une grande campagne élevant le Hutu au rang de seul propriétaire du pays », dit Yolande Mukagasana qui décrit les chansons exclusionnistes qui occupaient la grande partie du temps d’antenne de Radio Rwanda :
« Le Rwanda est à toi Gahutu. Tu ne le discutes avec personne. Les monarchistes sont vaincus à jamais… »
De là à organiser un génocide collinaire, systématique en 1994, autant que le décrit le Dr Jean Paul Kimonyo, la chose allait de soi. Tout était en place. La machine était huilée dans le strict secret.
Il avait été promis aux Hutu les plus zélés dans les massacres d’être des récompensés. Ceux-ci rivalisaient de finesse dans l’art de faire durer la souffrance de leurs victimes au point qu’autant que l’écrit et le dit si bien Yolande Mukagasana dans “La mort ne Veut pas de Moi” , la victime souhaitait et donnait tout ce qu’elle pouvait avoir à son bourreau pour qu’il en finisse vite. Mais le bourreau ne l’entendait pas de cette Oreille. Ce dernier avait déjà déshumanisé sa victime au point qu’elle n’avait plus rien qui lui appartienne.
Rouzeau a, quant à lui, au cours de ses recherches, découvert l’ampleur inégalée de sauvagerie et de barbarie de ce genocide perpétré contre les Tutsi en cent jours. Il évalue comment cela n’a été rendu possible par un grand travail satanique des propagandistes du genocide qui ont pu lever des voisins et se charger de leurs victimes ; un travail rendu possible par une paupérisation à outrance qui se constatait dans fin les années 80 et début 90.
Les jeunes présent à ce Café Littéraire se sont engagés à lire davantage les livres d’histoire de leur pays et ainsi pouvoir comprendre les transes de leur nation et pouvoir construire une société respectueuse de l’humanité et des valeurs de l’honnête homme rwandais.
Mais hélas, il y a à deplorer le manque d’infrastructures de loisirs culturels dans le pays. Dans un pays qui avance à grands pas dans un capitalisme effréné, des Maisons de théâtre et de cinéma, des Centre de lecture et des librairies sont des infrastructures qui accompagnent l’homme dans la recherche de sa raison d’être et son épanouissement tout en diminuant la sauvagerie de ce capitalisme et les dérapages qu’il occasionne dont ces ideologies superstructurelles que sont l’ethnocentrisme, le Négationnisme et le révisionnisme du génocide.
Aussi faut-il que des investisseurs privés et l’Etat rwandais s’investissent dans ce secteur culturel encore en friche pour prendre à contrepied et éradiquer une possible résurgence de ces idéologies dévastatrices dans la conscience populaire rwandaise.