A peine admis dans la Maison de Molière, il est déjà chez lui. Gaël Kamilindi, 30 ans, surgit à l’instant, dans l’embrasure de la porte, short en jean et basanes du dimanche aux pieds, comme à l’époque où il vivait à l’Ilot 13, ce vestige de la grande ère des squats à Genève. C’est dans cette enclave miraculée qu’il a grandi avec ses deux frères et sa mère adoptive, Francine, sœur de Claudine – sa mère de sang décédée alors qu’il avait 5 ans et qu’il vivait encore en Afrique.
Il vous entraîne dans l’escalier de la Comédie-Française, ce palais à miroirs et à dédales, direction le foyer des acteurs. Dans un flash, vous tentez d’imaginer son enfance, celle qu’il raconte avec une extrême pudeur. Au cœur de ce théâtre intime règne Claudine, une Rwandaise tutsie qui chérit la poésie et la danse, une femme de caractère que la maladie emporte. Dans l’ombre passe le père de Gaël, un diamantaire israélien qui s’éclipse – il ne le retrouvera que bien plus tard.
L’ombre de la tragédie
Sur la moquette pourpre, Gaël a le pas badin, c’est Arlequin dans les coulisses de la facétie. Mais cet Arlequin est hanté par la tragédie. Au mois de novembre 1993, il a 7 ans et sa tante Béatrice veille sur lui à Bujumbura. Des proches les enjoignent alors de quitter le Burundi et de rallier la Suisse où ils ont de la famille. Quatre mois plus tard, des milices hutues dévasteront campagnes et villages rwandais, massacrant entre avril et juillet près de 800 000 Tutsis – dont le grand-père de Gaël.
La porte s’ouvre et Molière vous accueille – son buste – dans un flot de lumière. A main gauche, un canapé bordeaux XVIIIe siècle et une bergère invitent à une volupté raisonnée, comme chez Rachel, cette cornélienne de légende. C’est dans cette pièce que les acteurs de la maison ruminent leurs répliques avant de se jeter dans la fiction. C’est dans ce salon que Gaël Kamilindi s’est préparé tous ces mois à devenir Gennaro, ce fils perdu qui réclame justice pour sa mère.
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Posté le 5/06/2017 par rwandaises.com