Martine Beckers se bat pour rendre justice à sa sœur Claire, son mari et leur fille cadette, assassinés en 1994 à Kigali. Ce 29 juin à la Chambre du Conseil de Bruxelles, elle sera confrontée à Fabian Neretse qu’elle accuse d’être le génocidaire. Par P.B.
Cela fait 23 ans que Martine Beckers se bat pour rendre justice à sa sœur Claire, assassinée le 9 avril 1994 à Kigali, avec son mari et leur fille cadette. Le 29 juin prochain, à la Chambre du Conseil de Bruxelles, elle sera probablement confrontée à celui qu’elle accuse d’être le génocidaire, libre et sur le sol belge. Fabian Neretse
Martine Beckers et Claire Beckers, à l’avant-plan
Martine Beckers se souvient parfaitement de cette journée du 9 avril 1994, lorsqu’elle a appris que sa sœur, installée depuis 17 ans au Rwanda, avait été assassinée, avec 13 autres de ses amis. Sa sœur Claire, révoltée depuis toujours contre les injustices subies par les Batutsi, et dont le mari avait déjà dû se cacher pendant six mois en octobre 1990, pour échapper aux arrestations au début de la guerre de Libération menée par le FPR. « A partir de ce moment-là, consciente de la rétention de l’information au Rwanda, elle m’avait demandé d’informer en Belgique de ce qui se passait », nous confie Martine Beckers. « Elle tenait depuis plusieurs années un commerce de glaces et me racontait ce qu’elle vivait, elle, sa famille, ses amis… je relayais toutes ces informations via le Comité pour le respect des droits de l’homme et de la démocratie au Rwanda (CRDDR) créé en Belgique ». Une commission d’enquête se rendra également sur place avec des experts internationaux, concluant à un « risque de génocide », « avec une certaine portée, mais pas d’efficacité », déplore Martine Beckers qui se retrouve quelques mois plus tard orpheline d’une partie de sa famille. « Claire croyait dans les Accords d’Arusha », affirme Martine. « Rassurée par la présence de Belges à Kigali, elle pensait pouvoir compter sur la protection de la MINUAR, qu’elle n’a finalement pas eue ».
En juillet 94, Martine Beckers dépose plainte contre X et s’investit à perdre haleine pour faire entendre sa voix, auprès d’Amnesty et d’autres organisations internationales militant pour la défense des droits de l’homme. En septembre, elle se rend sur place à la recherche d’informations, de témoins, et en apprend plus sur ce voisin qui semble avoir planifié la tuerie. « J’ai transmis ce que je savais à la police judiciaire et le juge Damien Vandermeersch a été saisi de l’affaire ». Le même juge qui participera à plusieurs commissions rogatoires au Rwanda, interrogera les voisins, jugera l’information crédible. L’enquête avance lentement. Martine Beckers ne baisse pas les bras et crée avec d’autres familles le Collectif des parties civiles pour s’entraider entre victimes. Collectif qui aboutira à quatre procès de génocidaires en Belgique.
Fabian Neretse, alias Nsabimana
Multipliant les recherches, elle apprend que d’autres exactions ont été commises ailleurs et fait le lien, qu’elle transmet au nouveau juge d’instruction chargé du dossier. La nouvelle commission rogatoire obtiendra des informations solides et le profil d’un dénommé Fabian Neretse se révèle au grand jour. D’autres familles ont porté plainte contre lui pour assassinat, mais il n’est déjà plus là, parti s’installer en France après avoir changé de nom. Il sera finalement déféré en Belgique en 2011 et fera plusieurs mois de prison, avant d’être libéré sous conditions.
Douze Belges parmi les victimes
Comme une centaine de génocidaires aujourd’hui sur le territoire belge, Fabian Neretse vit libre à Charleroi et donne des interviews en se faisant passer pour victime du génocide. « Depuis 2011, on se bat avec deux autres parties civiles dont le père a été assassiné- pour obtenir son procès, en dépit de tous les changements notamment de magistrats et les compléments de devoirs d’enquête sans cesse réclamés par la défense pour faire trainer les choses », déclare Martine Beckers épuisée, mais pas encore résignée.
L’audience à huis clos de ce 29 juin 2017, au Palais de Justice de Bruxelles, décidera de la suite. Le combat n’est donc pas fini. Il n’y a heureusement pas de prescription pour des crimes contre l’humanité…
« Je ne ressens plus rien pour cet homme », affirme encore Martine Beckers, « mais je refuse de laisser ces événements impunis, en mémoire de ma sœur et de tous ces innocents qui ont été tabassés et tués. En 2000, lorsque Guy Verhofstadt, Premier ministre, s’est rendu à Kigali avec les familles des Paras pour présenter ses excuses au nom de la Belgique, nous avons dû nous battre pour les y accompagner. Douze civils belges figuraient parmi les victimes du génocide et ma sœur en faisait partie. C’était des civils, et ils n’ont pas été protégés. Comment ne pas être dégouté ? »
http://www.rwanda-podium.org/index.php/actualites/justice/1264-genocide-au-nom-de-ma-soeur-et-de-toutes-les-victimes-innocentes-beckers
Posté le 29/06/2017 par rwandaises.com