Alors que se tient la Conférence des ambassadeurs jusqu’à jeudi, lors de laquelle Emmanuel Macron doit donner les grandes lignes de sa politique étrangère, il est urgent de renouveler les relations entre Paris et Kigali. Par Jean-François Dupaquier*

Dans cinq mois, Paul Kagame, président du Rwanda, prendra la tête de l’Union africaine, qu’il promet de profondément réformer. Ce mandat risque d’inaugurer un épisode délicat pour la diplomatie française sur le continent. Car depuis 1990, Paris a mené sans discontinuer (si l’on excepte la présidence de Nicolas Sarkozy) une guerre sournoise contre le chef rebelle du Front patriotique rwandais (FPR), ce qui n’a pas empêché ce dernier de mettre fin au génocide des Batutsi en 1994, puis de devenir chef de l’Etat, et, last but not least, d’apparaître aujourd’hui un grand leader panafricain, idole de foules qui veulent en finir avec le népotisme, la corruption et la misère.
A cet égard, le bilan de Paul Kagame est impressionnant. Menant le pays d’une poigne de fer, il a imposé une cohabitation sans faille entre les différentes composantes de la société, pratiquement éradiqué la corruption et la délinquance, sécurisé les investissements, développé un système fiscal d’une efficacité sans comparaison en Afrique noire. L’argent public ainsi dégagé a permis de dynamiser l’enseignement, de faire disparaître l’analphabétisme chez les jeunes, de construire des équipements de santé et un service de mutuelle performants : un Rwandais bénéficie aujourd’hui en moyenne d’une espérance de vie de 64 ans, vingt-deux ans de plus qu’au moment de l’indépendance en 1962. La comparaison avec les pays voisins est édifiante (49 ans d’espérance de vie en RDC). Alors que la famine faisait rage dans le Rwanda des années 90, peuplé alors de 7 millions d’habitants, une meilleure gestion des ressources agricoles permet aujourd’hui de nourrir 12 millions de personnes.
Impitoyables révocations
Certains en France s’évertuent à diaboliser Paul Kagame en dictateur. Il est vrai que cet homme impose par exemple aux fonctionnaires une évaluation annuelle, ce qui conduit à d’impitoyables révocations. Que le secteur des services, dopé par le câblage de l’ensemble du pays (pratiquement toutes les écoles sont connectées), représente à présent la moitié du PNB. Que, à la suite de ce genre de pratiques, le produit intérieur brut augmente de 6% à 8% par an. Aux «afropessimistes», on pourrait rappeler la fameuse phrase de Pline l’Ancien : Semper aliquid novi ex Africa («il y a toujours quelque chose d’inouï qui nous vient d’Afrique»).
En 2006, le Rwanda a rompu ses relations diplomatiques avec la France. En cause, les mandats d’arrêt internationaux lancés par le juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière contre des proches de Paul Kagame, accusés d’avoir provoqué l’attentat contre l’avion du président Habyarimana le 6 avril 1994, attentat qui a servi à déclencher le génocide des Batutsi – préparé depuis deux ans. Depuis quinze années, des manœuvres insidieuses n’ont pas cessé. Leur objectif : empêcher les juges d’instruction de prononcer les non-lieu attendus à Kigali. Aussi, le rétablissement des relations diplomatiques voulu par Nicolas Sarkozy a-t-il partiellement avorté, Paul Kagame refusant les lettres de créance d’un ambassadeur de France tant que l’instruction ne serait pas achevée, en ce qui concerne les Rwandais incriminés.
Geste emblématique
Comment Paris peut-il renouer avec Kigali ? D’abord, par une mesure qui n’engage qu’un travail de vérité : l’ouverture sans restriction des archives françaises sur le rôle de l’Elysée au Rwanda entre 1990 et 1994. Un geste simple qui serait emblématique. Ensuite, par des mesures de modernisation de nos relations étrangères et de purge des diplomaties parallèles. La réconciliation de Paris avec Kigali sera un test de la capacité d’Emmanuel Macron à affirmer son autorité, afin de mener les réformes promises dans l’intérêt de la France. Pour ce chantier, il reste moins de cinq mois…

*Jean-François Dupaquier écrivain et journaliste, témoin-expert auprès du Tribunal pénal international pour le Rwanda, coauteur de plusieurs ouvrages sur le génocide de 1994

Par Jean-François Dupaquier

http://www.rwanda-podium.org/index.php/actualites/politique/1624-france-rwanda-sortir-au-plus-vite-de-l-impasse-politique-et-diplomatique
Posté le 03/09/2017 par rwandaises.com