Les archives de François Mitterrand concernant la politique menée par la France au Rwanda au début des années 1990 représentent des milliers de pages conservées aux Archives nationales. Elles sont potentiellement utiles aux chercheurs et chercheuses, en particulier pour préciser ce que l’Etat français savait et faisait avant et pendant le génocide perpétré contre les Batutsi au Rwanda en 1994. Or elles ne seront pas ouvertes avant 50 ou 60 ans. En attendant, une personne privée (Dominique Bertinotti), mandatée par François Mitterrand avant sa mort, décide ou non d’autoriser leur consultation. Elle le fait de façon variable et arbitraire, sans qu’il soit possible de déposer un recours contre ces décisions. Cela semble constituer une entorse aux principes constitutionnels fondamentaux contenus dans la Déclaration des droits de l’homme de 1789 : c’est la question qui sera examinée par le Conseil constitutionnel ce jeudi 7 septembre.
François Graner, auteur de Le Sabre et la Machette : les officiers français et le génocide des Batutsi au Rwanda (Tribord, 2014), s’est vu refuser l’accès à des archives de l’Elysée, pourtant non classifiées, concernant le rôle de la France au Rwanda en 1994. Il a décidé de contester cette décision devant le Tribunal administratif et soulevé une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) : c’est ce qu’il expliquait sur le plateau de France 24 (passage de quelques secondes, qui commence à 5’55’’) le jour où deux plaintes concernant des livraisons d’armes aux génocidaires rwandais ont été rendues publiques, fin juin. Il l’expliquait un peu plus en détails dans cet article de notre journal Billets d’Afrique, en avril dernier.
Bien que l’usage soit antérieur, depuis 2008 c’est l’article L. 213-4 du Code du patrimoine qui confère un pouvoir discrétionnaire à Dominique Bertinotti, la mandataire de François Mitterrand, qui peut refuser l’accès à certaines archives – sans lien avec le secret Défense.
N’ayant pu avoir accès qu’à une partie des archives, François Graner demande donc au Conseil Constitutionnel d’y remédier. La question comporte deux volets. L’un porte sur l’impossibilité de faire appel des décisions des mandataires, ce qui est une violation du droit fondamental à l’exercice d’un recours effectif. L’autre est d’une portée encore plus générale : il s’agit de savoir si l’accès aux archives de gouvernement est un droit fondamental (droit à l’information, droit de demander aux agents publics des comptes de leur action), garanti ou non par la Déclaration des droits de l’homme, et donc par la Constitution.
Le Conseil d’Etat a jugé que cette question est sérieuse et l’a transmise au Conseil constitutionnel, qui l’examinera lors de l’audience de ce jeudi 7 septembre.
L’audience est à 8h30 [1] et sera retransmise en direct sur cette page du site internet du Conseil constitutionnel.
Le Conseil constitutionnel est tenu de rendre sa décision dans les 10 jours suivant l’audience.
Le dossier de presse à télécharger ci-dessous, préparé par François Graner, détaille la démarche et les enjeux de cette audience.
Survie soutient activement la démarche de ce chercheur citoyen, membre de l’association, qui contribue à faire toute la lumière sur le rôle des autorités françaises en amont, pendant et après le génocide des Batutsi du Rwanda.
http://survie.org/genocide/nos-actions-en-justice/article/rwanda-le-conseil-constitutionnel-5257
Posté le 06/09/2017 par rwandaises.com