La mémoire au service des luttes

Depuis des décennies, des générations d’immigrés ont bâti la belle histoire du combat pour l’égalité des droits. Plus tard, leurs enfants sont également entrés en lutte dans des formes nouvelles et pour répondre à de nouvelles oppressions et inégalités. Les sans-papiers ont ajouté leurs combats à cette rage égalitaire et à ce refus de l’existence indigne. Des grandes grèves de l’automobile et des mineurs de fond, en passant par la lutte des foyers Sonacotra, par la marche pour l’égalité et contre le racisme, par les mobilisations contre les crimes racistes et les violences policières, par les grèves de la faim et les occupations des sans-papiers, les mobilisations contre l’islamophobie, etc… C’est bien un même souffle égalitaire qui s’est exprimé hier et qui s’exprime aujourd’hui. Cette lutte est loin d’être terminée et nous sommes confrontés à de nouvelles attaques, de nouveaux dénis de droits, de nouvelles formes de racisme …

Dans la même période historique, les peuples et pays d’où venaient ces immigrés sont également entrés en lutte pour que cessent la barbarie coloniale puis sa transmutation en horreur néocoloniale. La Tricontinentale de janvier 1966, symbolise et résume l’ampleur et les enjeux de cette lutte pour sortir du statut de « damnés de la terre » n’ayant pour seul avenir que la misère et l’indignité au pays, ou la misère et l’indignité en immigrant. Les combats de l’immigration et de ses enfants d’une part, et celui des peuples des anciens pays coloniaux appartiennent au même fleuve charriant les exigences de dignité et d’égalité. La mémoire de ces luttes est également une condition incontournable pour créer les conditions qu’exigent les luttes d’aujourd’hui et de demain.

Notre Festival-Moussem de l’immigration et de la Tricontinentale sera un moment populaire fort de cette réappropriation de la mémoire de nos luttes au service de nos combats d’aujourd’hui

Mémoire et luttes des hommes et des femmes de l’immigration

Les luttes de l’immigration issues des anciennes colonies françaises n’ont jamais cessé, à ce jour, depuis la fin de la 1ere guerre mondiale (c.f : E.N.A – L’Etoile Nord Africaine pour les travailleurs et l’A.E.M.N.A – Association des étudiants musulmans Nord Africains, pour les étudiants maghrébins entre autre). Ce fut le berceau de la lutte anti-coloniale en France. En contrecoup aux indépendances formelles, une déferlante inédite des peuples d’Afrique d’Asie d’Amérique Latine surgit dans l’histoire : elle s’appelle la Tricontinentale. Dans ce sillage, sont venues les relayer, sous d’autres formes, les luttes des ouvriers immigrés contre l’exploitation féroce dans les entreprises, les foyers Sonacotra (Adoma), les mines, les champs agricoles, les BTP etc … L’infra-statut institué, mêlé à un racisme orchestré, a provoqué directement l’explosion des grèves de masse de la dignité et pour l’égalité des droits des années 1970/80. Dans ce sillage également, sont nées les ripostes sociales d’expression politique des enfants de l’immigration, qui se poursuivent partout aujourd’hui en France. Et c’est à partir du début des années 90, qu’émergent au grand jour, en masse, les luttes des sans-papiers(e) pour la régularisation de leurs situations, pour s’articuler naturellement aux dynamiques globales de l’immigration. Il y eut également la lutte des femmes immigrées, qui n’a jamais cessé, que ce soit à la maison et/ou au travail, pour l’égalité des droits. Si, à l’évidence, cette hétérogénéité de l’immigration est un fait historique des spécificités, il n’en demeure pas moins qu’elle doit cheminer aussi, historiquement, vers des lieux de convergences et d’unité, avec toutes les forces progressistes de ce pays. Faisons en commun, de notre Moussem/Festival un pas dans ce sens.

  • Atelier 2

La lutte des héritiers de l’immigration et la Tricontinentale

Le sort social, économique et politique des héritiers des immigrations postcoloniales n’est pas sans liens avec le sort des peuples et pays d’où ils viennent ou d’où viennent leurs parents. La Tricontinentale avait à juste titre inclu des représentants des « minorités de couleurs » des pays industrialisés dans ses travaux. Le développement d’une islamophobie au niveau international pour justifier des guerres pour les richesses n’est pas sans incidence sur l’islamophobie qui se déploie en France. Les crimes racistes forment malheureusement un autre pont entre l’époque des luttes de libération nationale et nos deuils d’aujourd’hui dans les quartiers populaires. L’arsenal discriminatoire et répressif (discours sur l’Etat d’urgence, contrôle au faciès, etc.) fait enfin écho à l’expérience douloureuse des générations antérieures de militants. La conscience de ces liens fait partie des nécessités de nos combats d’aujourd’hui. Notre atelier abordera sous la forme de trois tables rondes les luttes d’hier et d’aujourd’hui, d’ici et d’ailleurs.

  • Atelier 3

Histoire de la Tricontinentale et de l’altermondialisme

Le Festival-Moussem de l’immigration et de la Tricontinentale a pour ambition de mettre la mémoire au service des luttes actuelles pour la justice, l’égalité des droits, et le droit à l’égalité. Cet atelier est intitulé « Histoire de la Tricontinentale et de l’altermondialisme ». De la Tricontinentale, née lors d’une conférence à Cuba en janvier 1966, aux développements actuels de l’altermondialisme, avec les Forums sociaux dont le premier eut lieu à Porto Alègre en 2001, c’est la permanence du combat contre la globalisation, l’impérialisme, le colonialisme, le néocolonialisme et le néolibéralisme ,et pour démontrer que d’autres mondes sont possibles, c’est aussi en France le lien avec le combat des migrants. Notre atelier se compose de trois tables rondes successives : « histoire de l’anti-impérialisme, de la Tricontinentale à l’altermondialisme » ;  » l’altermondialisme aujourd’hui » ;  » l’immigration actuelle et future, quel impact sur l’altermondialisme ».

A PPEL pour un Moussem-Festival de l’immigration et de la Tricontinentale

Depuis plusieurs décennies, un vent mauvais souffle sur notre planète et en France avec des conséquences dramatiques, notamment sur les peuples des pays d’où nous (ou nos parents) sommes originaires. Les immigré(e)s et leurs enfants, qu’ils soient français ou non, en sont touché(e)s de plein fouet.

Sur le plan international la multiplication des guerres – de type néocolonial- pour le pétrole et le pillage des matières premières stratégiques, conduit au chaos géopolitique et à l’éclatement de nations entières, à des centaines de milliers de réfugié(e)s, de déplacés (dont 49 millions d’enfants qui errent, d’après l’UNICEF), de migrants qui risquent leurs vies pour le droit à… la survie ! Jamais notre monde n’aura été aussi scandaleusement générateur d’inégalités.

Ces inégalités scandaleuses et ces guerres dites de civilisation ont nourri et entretiennent des forces de la terreur comme Daech, qui prétendent faussement s’y opposer.

Un nouvel ordre colonial se met en place avec l’accaparement des terres des paysans par de grandes entreprises, la dette financière ou écologique, le brevetage du vivant, l’occupation de territoires comme la Palestine, le maintien de situations coloniales et le déni du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, comme le peuple kurde, ou comme le blocage d’une solution pacifique du conflit du Sahara occidental. En ce qui concerne la France, le colonialisme perdure en Kanaky, Polynésie, Mayotte, Guyane, Réunion, Martinique ou Guadeloupe, ainsi que le néocolonialisme dans le cas de la Françafrique, avec le maintien des bases militaires françaises ou du Franc CFA.

Le monde est dirigé par le capitalisme financiarisé et les Etats qui le portent au prix de la paupérisation des peuples de la Terre.

Sur le plan national, nous connaissons tous et trop les discriminations devenues ségrégatives mises en œuvre partout : dans les quartiers et les cités, des contrôles au faciès de la police, à l’embauche, à l’encontre des «chibanis(a) », des centaines de cheminots de la SNCF, des mineurs des Houillères, de ghettoïsation de populations entières, du droit de vote des étrangers mainte fois promis, jamais accordé.

Simultanément, nous assistons également à une offensive idéologique inédite depuis plusieurs décennies. Des débats sur l’« identité nationale » à celui sur le « Burkini » en passant par celui sur la « déchéance de la nationalité », par les discours sur nos « ancêtres les gaulois » ou sur « les Rroms n’ont pas vocation à s’intégrer », etc., une même logique se dévoile : celle d’un racisme explicite décomplexé masqué par les thématiques de « l’identité », de la « laïcité », du « droit des femmes » qui seraient menacées par l’immigration, par les réfugiés, par les musulmans, etc. Nous sommes bien en présence de la construction d’un « bouc émissaire » servant d’écran à la régression sociale et à la précarisation généralisée qui se met en place pas à pas.

C’est pourquoi, à l’occasion du cinquantième anniversaire de la Tricontinentale qui a été un moment d’espoir pour les générations de nos parents et de nos grands-parents, des peuples du monde, nous voulons transmettre la pensée rebelle et le souffle qu’elle nous a légués.

Les signataires (collectifs et individuels) appellent à l’organisation d’un « Moussem-festival de l’immigration et de la Tricontinentale » les 6 et 7 janvier 2018 à Gennevilliers. Il s’agit de bâtir en commun un festival populaire ambitieux alliant la richesse des cultures et des arts dans leurs particularités d’une part ; des forums d’échanges et de débats sur la situation actuelle de nos luttes et de nos résistances d’autre part. Des prises de position forcément plurielles et communes à la fois, sont à l’ordre du jour plus que jamais pour une visibilité sociale et politique des questions qui nous concernent et dont nous refusons d’être que des enjeux.

A travers des initiatives et des mobilisations locales ou/et nationales, nous avons quatre mois pour créer les conditions et les dynamiques d’un moment massif qui marque notre refus de l’inégalité. Une telle ambition est possible, elle est nécessaire. Le succès dépend de chacun(e) d’entre nous pour la mobilisation du plus grand nombre, pour faire de ce festival-Moussem un moment de la construction d’un grand mouvement pour la justice, l’égalité des droits, et le droit à l’égalité.

Samedi 6 janvier 2018

14h : Accueil des participants.

14h30 : Introduction plénière : La mémoire au service des luttes.

15h – 19h 30 : Ateliers d’intelligence collective aux services de nos combats :

. Atelier 1 : Mémoire et luttes des hommes et des femmes de l’immigration.

. Atelier 2 : La lutte des héritiers de l’immigration et la Tricontinentale.

. Atelier 3 : Histoire de la Tricontinentale et de l’Alter mondialisme.

19h 30 – 21h : Repas.

21h : Grande soirée festive : Notre culture d’ici et d’ailleurs.

Samedi 7 janvier 2018

9h – 10h : Restitution des ateliers.

10h – 11h 30 : Les temoins de nos luttes : Interventions de personnes

symboles de la Tricontinentale et des luttes des Migrants.

11h 30 – 12h 30 : Lecture de la sentence du tribunal des peuples.

12h 30 : Lecture de l’appel issu du Festival- Moussem.

Posté le 22/11/2017 par rwandanews