L’éviction de la militante antiraciste a entraîné la démission surprise de la nouvelle équipe du Conseil national du numérique.
Nominations puis démissions en un temps record. La nouvelle équipe du Conseil national du numérique (CNNum), organe consultatif chargé d’éclairer le gouvernement sur les questions relatives au numérique, a explosé en plein vol mi-décembre.
En cause, une polémique liée à l’éviction de Rokhaya Diallo, militante antiraciste fervente dénonciatrice de ce qu’elle qualifie de « racisme d’Etat ». « L’Obs » vous résume l’imbroglio et son dénouement, en cinq actes.
1Marie Ekeland prend la tête du CNNum
Mi-octobre, le secrétaire d’Etat chargé du Numérique, Mounir Mahjoubi, annonce qu’il choisit Marie Ekeland pour prendre la tête du Conseil national du numérique.
Jusqu’en janvier, c’est Mounir Mahjoubi lui-même qui le présidait, avant de s’investir dans la campagne d’Emmanuel Macron. Depuis, le CNNum n’avait pas retrouvé de président.
Marie Ekeland, diplômée d’informatique et de mathématiques, vice-présidente de l’association d’entrepreneurs et d’investisseurs du numérique France Digitale, est « autorisée à intégrer des personnalités aux points de vue différents de ceux du gouvernement, une première » d’après « les Echos ».
Lundi 11 décembre, la nouvelle présidente du CNNum prend officiellement ses fonctions et annonce donc le nom des personnalités qu’elle a choisies pour rejoindre le Conseil. Parmi elle, Rokhaya Diallo, écrivaine et militante antiraciste, également chroniqueuse à « Touche pas à mon poste ».
2 Vague de protestations
C’est la nomination de Rokhaya Diallo qui allume la mèche de l’indignation. Ce qu’on reproche à la militante ? De ne pas être radicalement hostile au port du voile, comme elle l’explique dans son livre « Afro ! » Mais aussi d’avoir signé en 2011 une pétition contre le soutien à « Charlie Hebdo », dont les locaux avaient été incendiés. Surtout, certains lui reproche sa dénonciation d’un « racisme d’Etat » – le ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer a porté plainte en diffamation contre le syndicat Sud-93 pour usage de cette expression.
La députée Les Républicains Valérie Boyer, entre autres, adresse ainsi le 13 décembre un courrier au Premier ministre Edouard Philippe dans lequel elle critique la nomination de la militante, une « contradiction » selon elle.
« Vous mettez en avant Rokhaya Diallo qui parle de ‘femmes racisées’ et le rappeur Axiom qui associe les Français à des ‘porcs’. Je cite : ‘Je m’appelle Hicham et pas Stéphane voilà qui dérange les porcs’. »
Nominations de @RokhayaDiallo et du rappeur #Axiom au Conseil national du numérique : alors que les Français exigent de leurs responsables politiques de la cohérence, je souhaite mettre la lumière sur plusieurs contradictions d’@EPhilippePM pic.twitter.com/0YsMOd9ZFw
— Valérie Boyer (@valerieboyer13) 13 décembre 2017
Le rappeur a par ailleurs indiqué avoir saisi son avocat sur ces accusations.
3Rokhaya Diallo se défend
Sur Twitter, Rokhaya Diallo se défend. Face à un utilisateur qui estime qu’il est contradictoire de parler de racisme d’Etat et de rejoindre un organisme consultatif qui oriente la politique gouvernementale, elle demande par exemple :
« Je n’ai pas le droit de collaborer avec les institutions de mon propre pays parce que j’ose dire publiquement qu’elles sont imparfaites ? »
Donc je n’ai pas le droit de collaborer avec les instituons de mon propre pays parce que j’ose dire publiquement qu’elles sont imparfaites? Quelle étrange conception de la démocratie. https://t.co/svRGMN1uiY
— Rokhaya Diallo (@RokhayaDiallo) 12 décembre 2017
4Mounir Mahjoubi met son veto
Face aux critiques, Mounir Mahjoubi, qui louait auprès de « l’Obs » le « grand sens de l’indépendance » de Marie Ekeland, intervient pour débrancher la militante antiraciste Rokhaya Diallo afin d’atteindre la « sérénité ».
Dans un communiqué de presse du 13 décembre, le secrétaire d’Etat en charge du Numérique écrit :
« Le Conseil national du numérique a besoin de sérénité pour travailler, et les derniers échanges sur la composition du Conseil soulignent que ces conditions ne sont pas pleinement réunies. »
5Démissions en chaîne au CNNum
Les polémiques et l’intervention du secrétaire d’Etat finissent par avoir raison de Marie Ekeland. Dans un message publié mardi 19 décembre sur le site du CNNum, elle annonce démissionner « afin de laisser la place à une autre vision ».
Demain est un autre jour.https://t.co/4IQJbAqcOZ
— Marie Ekeland (@bibicheri) 19 décembre 2017
« Le projet que j’ai porté d’ouverture, d’indépendance de pensée et de diversité, a été mis à l’épreuve dès le démarrage. Je ne vois pas aujourd’hui comment continuer à le porter. »
L’ex-présidente du Conseil affirme également : « Je ne renie rien. »
« Je suis extrêmement fière du collectif construit […]. Il est à l’image de ce que je souhaitais. »
Peu après la démission de Marie Ekeland, l’économiste Pierre-Yves Geoffard, qui comptait parmi les personnalités choisies par la présidente du CNNum, annonce également sa démission sur Twitter, « en totale solidarité » avec cette dernière.
Dans la foulée, 25 personnalités du Conseil rendent également publiques leurs démissions. Parmi elles, le rappeur Axiom et Rokhaya Diallo, visés par les critiques.
« Demain est un autre jour » Message collectif >> https://t.co/QpqWqNKISp pic.twitter.com/Z5jFNKZHQG
— CNNum (@CNNum) 19 décembre 2017
Ils expliquent :
« Constatant donc l’impossibilité de mettre en œuvre son projet [celui de Marie Ekeland, NDLR], considérant que le travail du Conseil ne peut plus se faire selon des modalités efficaces, nous avons décidé de présenter collectivement notre démission. »
M. G.
https://tempsreel.nouvelobs.com/politique/20171220.OBS9566/rokhaya-diallo-et-le-conseil-national-du-numerique-la-polemique-en-5-actes.html#xtor=EPR-2-[ObsActu17h]-20171220
Posté le 21/12/2017 par rwandaises.com