Opérationnel depuis tout juste quatre ans, l’Office central de de lutte contre les crimes contre l’humanité (OCLCH) a déjà accroché à son palmarès trois génocidaires qui ont été ensuite condamnés par la justice française.
“Hora fugit, stat jus” (“Le temps passe, le droit demeure“). Cette devise latine est inscrite en dessous du cadran solaire du Palais de Justice de Paris. Elle figure également sur l’écusson de l’OCLCH.
Encore peu connu du grand public, ce service de police judiciaire à vocation interministérielle traque génocidaires, bourreaux, et tortionnaires à la demande de la section AC5 (trois magistrats) du Parquet et de la juridiction d’instruction (3 magistrats) du pôle spécialisé du tribunal de grande instance de Paris, compétent pour les crimes contre l’humanité, les crimes et les délits de guerre.
Il en est de même pour les semeurs de haine car l’Office peut être saisi, cette fois, par tout magistrat du territoire national pour tout crime raciste, antisémite ou homophobe.
Le tout dernier dossier de l’OCLCH date du début du mois de janvier.
Il a été ainsi co-saisi avec le groupement de Gendarmerie de la Moselle et la brigade de recherches de Sarreguemines d’une enquête pour “apologie de crimes contre l’humanité” après la découverte dans un terrain privé d’une stèle en l’honneur de soldats nazis à Volmunster (Moselle).
La stèle célèbre les soldats de la 17e division blindée SS Götz von Berlichinger dont un bataillon est soupçonné d’avoir tué 124 hommes, femmes et enfants à Maillé (Indre-et-Loire) le 25 août 1944. C’est le deuxième massacre le plus important en France durant l’Occupation après celui d’Oradour-sur-Glane.
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L’OCLCH est le benjamin des 14 offices centraux du ministère de l’Intérieur (10 pour la Police, 4 pour la Gendarmerie) et le plus petit. Installés derrière les murs du vieux fort de Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), l’OCLCH, dirigé par le colonel Eric Emeraux compte 19 hommes et femmes (15 gendarmes et 4 policiers).
Une petite équipe passionnée à l’image du chef d’escadron Nicolas Le Coz, numéro 2 de l’office et spécialiste de droit pénal international. “Nous sommes aux confins du doit pénal, du droit international, de la géopolitique et de la diplomatie“, explique cet officier qui a porté l’OCLCH sur les fonds baptismaux.
Actuellement, l’office enquête sur trois fugitifs recherchés par la justice internationale pour des atrocités commises au Rwanda et en Libye.
C’est en effet en vertu de sa compétence universelle que la France peut se saisir des génocides, crimes de guerre et contre l’humanité, crimes de torture et de disparition forcée (1). Et ce, quels que soient la nationalité de l’auteur ou de la victime ou l’endroit où ont été commis les faits. Il suffit que l’auteur passe ou ait passé quelques heures sur le territoire français pour qu’il puisse être interpellé et interrogé par la justice française.
Au total, l’OCLCH gère actuellement 72 dossiers, dont le quart concernent le Rwanda, contre les deux tiers à sa création. Ses dossiers reflètent les convulsions sanglantes de la planète de ses dernières décennies : Rwanda, Syrie, République centrafricaine, Côte d’Ivoire, Bosnie, Kosovo, Sri Lanka, Soudan du Sud, Irak, Libye ou Syrie.
Ainsi, l’office avait été saisi en septembre 2015 du dossier “César” sur la Syrie, nom de code d’un photographe de la police militaire syrienne qui a fait défection avec les photos de 5.500 cadavres d’opposants torturés puis suppliciés. Son CD-ROM a été remis à six pays européens, dont la France qui s’est saisie du dossier pour rechercher si des victimes sont françaises.
L’office est aussi régulièrement saisi d’enquêtes sur des individus exclus de l’asile en application de l’article 1F de la Convention de 1951 sur les réfugiés en raison de leur possible implication dans la commission d’atrocités. Comme ils demeurent en France, ils représentent une menace pour la sécurité intérieure.
Et, malgré son jeune âge, l’OCLCH a donc vu deux de ses dossiers sur le Rwanda, remarque le chef d’escadron Le Coz, déboucher sur des procès d’assises. Celui de Pascal Simbikangwa, ancien capitaine du Service central de renseignement rwandais, première personne à avoir été poursuivie en France pour des crimes commis lors du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994 (800.000 morts). Il a été condamné définitivement en 2016 à 25 ans de prison pour “génocide et complicité de crime contre l’humanité“. Âgé de 58 ans, Pascal Simbikangwa, purge sa peine en France.
L’autre dossier est celui de Tito Barahira, 66 ans, et Octavien Ngenzi, 59 ans, deux anciens maires rwandais, condamnés en juillet 2016 par la cour d’assises de Paris à la prison à perpétuité. Les deux hommes ont fait appel.
Par ailleurs, l’OCLCH collabore avec les justices et les services d’enquêtes étrangers et avec l’ONU, la Cour pénale internationale (CPI) et les tribunaux pénaux internationaux, Interpol, Eurojust et Europol. L’agence des polices européennes vient de créer un projet d’analyse sur les crimes internationaux les plus graves qui brassera les données nominatives et factuelles des services de police européens. Une aide qui devrait se révéler très utile pour l’OCLCH.
L’office cherche aussi à se faire sensibiliser la jeunesse à ces problématiques. Le 27 janvier, journée internationale de mémoire des victimes de l’Holocauste et de prévention des crimes contre l’humanité, l’OCLCH est intervenu devant 200 jeunes de 17 ans lors de la Journée défense et citoyenneté (JDC).
(1) Le nom complet de l’OCLCH est : Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité, les génocides et les crimes de guerre
Pierre-Marie Giraud
Poté l 07/03/8 par rwandaises.com