Les parlementaires débattent lundi de l’opération militaire engagée samedi 14 avril avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni.
La participation de la France à des frappes ciblées contre le programme d’armement chimique syrien devait être au cœur de débats qui s’annonçaient tendus, lundi 16 avril, à l’Assemblée nationale et au Sénat. A 17 heures, les deux Assemblées parlementaires se réunissent de manière exceptionnelle, trois jours après l’intervention des Français aux côtés des Américains et des Britanniques. Après une déclaration du gouvernement, chaque groupe parlementaire devrait disposer de dix minutes de prise de parole. « Cela permettra au gouvernement de s’exprimer devant tous les députés et à tous les groupes parlementaires d’exprimer leurs positions », s’est félicité, dimanche, François de Rugy, président de l’Assemblée nationale, au sortir d’une rencontre entre le premier ministre et les différents responsables parlementaires.
En Syrie, après les frappes, une carte diplomatique incertaine
Le débat entre les différentes forces politiques s’est engagé sur un ton bien éloigné de « l’union sacrée ». Dès mardi 10 avril, quelques jours après le bombardement chimique imputé au régime syrien, qui a fait plusieurs dizaines de morts à Douma, le sujet avait été abordé dans une atmosphère crispée lors des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale. Un député communiste, Jean-Paul Lecoq, avait ainsi constamment mis en doute la nature chimique de cette attaque, en répétant, depuis son siège : « Semble-t-il ! Ce n’est pas prouvé ! », à chaque fois que ses collègues et le gouvernement mentionnaient l’usage d’armes chimiques.
Depuis, plusieurs responsables politiques ont dit leur opposition à une intervention française. Une fois n’est pas coutume, les dirigeants du parti Les Républicains, Laurent Wauquiez, et de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, ont parlé d’une même voix à ce sujet dans l’édition du Journal du dimanche du 15 avril. « Frapper pour frapper, pour donner le sentiment de faire quelque chose, sans qu’il y ait une quelconque stratégie derrière, je n’en comprends ni l’utilité ni le sens », y déplore M. Wauquiez, tandis que M. Mélenchon « adjure qu’on revienne au sang-froid ». « On va se retrouver, avec les Etats-Unis, dans une confrontation assez directe avec la Russie, qui pourrait déclencher un embrasement général », poursuit-il.
« Conséquences imprévisibles »
M. Mélenchon a par ailleurs reproché au président de la République de lancer l’opération sans consulter le Parlement – ce qu’il n’est pas obligé de faire. L’article 35 de la Constitution prévoit en effet que le gouvernement a, au maximum, trois jours, à compter du début d’une intervention, pour en informer la représentation nationale. L’autorisation du Parlement n’est sollicitée que lorsque les opérations militaires se prolongent au-delà de quatre mois.
Le gouvernement a, sans surprise, reçu le soutien de sa majorité. « Les frappes en Syrie menées cette nuit sont nécessaires et salvatrices pour le peuple syrien », a jugé Christophe Castaner, dirigeant de La République en marche, samedi. Une partie de l’opposition soutient par ailleurs l’opération militaire et devrait continuer à le faire au Parlement, lundi après-midi. Durant le week-end, Olivier Faure, nouveau premier secrétaire du PS, a estimé dans un communiqué que « les attaques chimiques répétées du régime de Damas contre son peuple imposaient une réaction ». « C’est l’honneur de la France d’être à la hauteur du rôle singulier et historique qui est le sien et d’avoir pris l’initiative, aux côtés des démocraties américaine et britannique, d’exercer des frappes aériennes ciblées sur l’arsenal chimique syrien », a abondé Jean-Christophe Lagarde, président de l’UDI.
Lundi après-midi, une autre attitude devait être scrutée : celle de Marine Le Pen. Samedi, sur Twitter, elle a dénoncé des frappes qui « nous engagent dans une voie aux conséquences imprévisibles et potentiellement dramatiques ». « La France perd à nouveau une occasion d’apparaître sur la scène internationale comme une puissance indépendante et d’équilibre dans le monde », a-t-elle encore déclaré. La présidente du Front national n’aura pas la parole lundi, car elle ne dispose pas de groupe parlementaire à l’Assemblée nationale où elle est élue. Nul doute cependant qu’elle saura faire entendre sa voix, hors micro, dans l’Hémicycle et devant les caméras, dans l’enceinte du Palais-Bourbon.
LE MONDE | • Mis à jour le | Par Manon Rescan
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