Avec « Un si beau diplôme ! », Scholastique Mukasonga livre un récit autobiographique poignant et offre une fine exploration des sociétés rwandaise et burundaise sur la question de l’éducation, notamment.
Dans La Femme aux pieds nus (2008), Scholastique Mukasonga rendait hommage à sa mère, assassinée lors du génocide contre les [Ba]Tutsi en 1994. Son dernier livre, Un si beau diplôme !, est dédié à son père. Cet homme qui lui a donné un prénom prédestiné avant de la pousser à faire des études. « Un beau diplôme, c’est ce qui te sauvera de la mort qui nous est promise », lui glissait-il lorsque, gamine, elle grandissait à Nyamata, bourgade du marécageux Bugesera, où sa famille avait été déportée.
Par un concours de circonstances, c’est en effet son diplôme, ou plus exactement ses études, qui l’ont sauvée, comme on le comprend au fil de ce récit autobiographique. Étudiante à l’école d’assistante sociale de Karubanda à Butare, elle est chassée, avec toutes ses camarades [Ba]tutsie, en 1973. Pour poursuivre sa scolarité, elle s’exile au Burundi, où de nombreux Rwandais ont trouvé refuge.
On avait tout tué chez ces femmes, jusqu’à la dignité, très importante au Rwanda
Sa description de la vie dans le quartier de Nyakabiga, à Bujumbura, où s’était reconstitué un petit Rwanda, figure parmi les pages les plus intéressantes du livre. Celles consacrées à Bwiza, quartier « chaud » de la capitale, le sont également, comparaisons choquantes en prime.
« Une multitude de “femmes libres”, des sinabwana, des sans-monsieur, comme on disait au Burundi, s’y bousculaient : de toutes jeunes vantées et vendues par leur souteneur, des femmes portant bébé au dos, des vieilles ridées et couturées de cicatrices harcelaient les passants, marchandaient leur corps et entraînaient enfin le client vers une case sordide pour reprendre bientôt leur poste tels ces vautours sur les tas de détritus du marché », écrit Mukasonga. « On avait tout tué chez ces femmes, jusqu’à la dignité, très importante au Rwanda », explique l’écrivaine.
Retour au pays natal
Mais ce livre, écrit très vite – ce qui se ressent parfois –, ne se limite pas à ces descriptions. C’est aussi une fine exploration des sociétés rwandaise et burundaise – culturellement proches – et de leurs rapports à ces « beaux diplômes » (idpolomi nziza, comme on dit en kinyarwanda) frisant parfois le fétichisme.
Car Mukasonga écrit aussi ses désillusions face au pouvoir qu’elle prêtait à ce bout de papier, notamment dans ses autres pays d’exil : Djibouti et la France. On apprend d’ailleurs qu’elle a été aidée par une ministre française dont elle tait le nom. Enfin, Mukasonga évoque le rôle de l’éducation dans le Rwanda nouveau. La subtile narration de son retour au pays natal justifie à elle seule la lecture de cet ouvrage.