L’exactitude historique et la précision des mots sont « essentielles » surtout lorsqu’on parle du génocide : il faut capturer sans ambiguïté les faits historiques de ce qui s’est passé en 1994 et qui est bien un « génocide contre les Batutsi au Rwanda ».

Par André Twahirwa, Docteur en Sciences du langage

Le 26 janvier 2018, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté, à l’unanimité, une résolution par laquelle elle change le titre du 7 avril comme « Journée internationale de réflexion sur le génocide de 1994 au Rwanda », établie le 23 décembre 2003 (A/RES/58/234), en « Journée internationale de réflexion sur le génocide de 1994 contre les Tutsis (Batutsi) au Rwanda » (A/72/L.31).

Une modification essentielle

« Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde » écrivait l’auteur de La Peste (Albert Camus, Sur une philosophie de l’expression, 1944). L’exactitude historique et la précision des mots sont «essentielles» surtout lorsqu’on parle du génocide: il faut capturer sans ambiguïté les faits historiques de ce qui s’est passé en 1994 et qui est bien un « génocide contre les Batutsi au Rwanda».

Reconnaissance officielle trop tardive

L’organe suprême des Nations Unies (193 pays) confirme, dans les mêmes termes, la résolution 2150 (2014) du Conseil de sécurité. Ce n’est, en effet, que le 16 avril 2014, soit vingt (20) ans après les faits, que, par la résolution 2150 (2014), le Conseil de sécurité a fini par entériner la conclusion du TPIR du 6 avril 2006 et souligne alors « qu’il importe de tirer les leçons du génocide perpétré en 1994 contre les Batutsi au Rwanda, au cours duquel des Bahutu et d’autres personnes opposées au génocide ont également été tués ». Et ce n’est donc que le 26 janvier 2018, vingt-quatre (24) ans après faits que, par la résolution A/72/L.31, l’Assemblée générale des Nations unies a enfin entériné, à son tour, la conclusion du TPIR dans exactement les mêmes termes que le Conseil de sécurité en 2014 !

Fin des ambiguïtés ?

Comme cela a été le cas avec la résolution A/RES/58/234, qui consacra la terminologie «génocide de 1994 au Rwanda », la résolution A/72/L.31 encourage non seulement les États membres (193 pays), les organismes des Nations unies et les autres organisations internationales compétentes mais aussi les organisations de la société civile à observer la Journée internationale, « notamment en organisant des cérémonies spéciales et des activités à la mémoire des victimes du génocide contre les Batutsi au Rwanda». Ce sera ainsi, chaque année, l’occasion particulière de revenir sur la terminologie appropriée. Aux médias et aux officiels de s’efforcer désormais au langage clair et de mettre fin aux terminologies aux relents révisionnistes dans leurs commentaires ou dans leurs discours.

La seule dénomination respectueuse des faits : « génocide contre les Batutsi (au Rwanda) »

Il ne devra donc plus être question de « génocide de 1994 au Rwanda », souvent abrégée en «génocide au Rwanda ». Ou en « génocide du Rwanda » ; d’où, celle de « génocide rwandais », couramment utilisée surtout en faisant fi de la définition même du génocide, que l’on qualifie par les victimes systématiquement exterminées et telles qu’elles furent identifiées comme cible.
Il ne sera plus question de « génocide des Tutsis et des Hutu modérés ». La résolution A/72/L.31 réserve, en effet, un paragraphe distinct pour rappeler que, « pendant le génocide de 1994 contre les Batutsi, des Bahutu et d’autres qui se sont opposés ont également été tués »: 0.8% des 1 074 017 victimes selon le bilan publié par le Ministère rwandais de l’administration du territoire, à l’issue d’un recensement effectué en juillet 2000.
Même le terme « génocide des Tutsis (Batutsi)» reste ambigu : s’agit-il d’un « génitif objectif » ou d’un « génitif subjectif»? Dans ce dernier cas, il peut être interprété comme le « génocide commis par les Batutsi contre les Bahutu ». Et l’on verse alors dans la théorie du « double génocide », à laquelle recourent les négationnistes du génocide contre les Batutsi. Si l’on peut dire, et que l’on dit, « génocide des Juifs » ou « génocide des Arméniens », c’est que, dans ces deux cas, il n’a jamais été question de « double génocide ».
En conséquence, il faudra désormais se résoudre à utiliser la seule terminologie exacte, celle de « génocide de 1994 contre les Batutsi au Rwanda ». Ou « génocide contre les Batutsi », en abrégeant. Le 26 janvier 2018, c’est elle qui a été consacrée et internationalement reconnue à travers la résolution A/72/L.31 par l’organe suprême des Nations Unies (193 pays). Et elle rejoint ainsi enfin celle de « génocide perpétré contre les Batutsi» adoptée, depuis des années, par la CNLG (Commission nationale de la lutte contre le génocide).

Le bilan

De même, pour le bilan, il ne devrait plus être question de « plus de 800.000 victimes »: dans la résolution 2150 (2014) du Conseil de sécurité que consacre l’organe suprême des Nations unies dans la résolution A/72/L.31 du 26 janvier 2018, il est question de « plus d’un million de personnes tuées pendant le génocide », une estimation qui tient compte du bilan précis de 1 074 017 victimes publié par le Ministère rwandais de l’administration du territoire, à l’issue d’un recensement effectué en juillet 2000.

http://www.rwanda-podium.org/index.php/actualites/politique/2775-exactitude-genocide-contre-les-tutsis-au-rwanda-en-finir-avec-les-ambiguites

Posté le 17/03/2018 par rwandaises.com