La deuxième rencontre entre le Rwanda et l’Ouganda sur la mise en œuvre de l’accord de Luanda s’est terminée sans solution. Quelles sont les visions de Museveni sur le Rwanda ? Par RP






La deuxième rencontre de suivi des accords de Luanda du mois d’août dernier s’est tenue ce samedi à Kampala pendant près de huit heures, entre le Rwanda et l’Ouganda sous l’observation des facilitateurs qui sont la RDC et l’Angola.

La délégation du Rwanda était conduite par le Secrétaire d’État aux Affaires étrangères chargé de la Communauté de l’Afrique de l’Est, Amb. Olivier Nduhungirehe, le ministre de la Justice et procureur général Johnston Busingye, le ministre de la Sécurité intérieure, le général Patrick Nyamvumba, le ministre des Gouvernements locaux, le professeur Anastase Shyaka, le secrétaire général du Service national de renseignement et de sécurité (NISS), le général Joseph Nzabamwita et le haut-commissaire en Ouganda, le général de division Frank Mugambage.

Tandis que la délégation ougandaise était conduite par le ministre des Affaires étrangères Sam Kutesa.

Cette deuxième rencontre qui est le suivie de la première rencontre, a connu de retard dans son organisation dû aux atermoiements de l’Ouganda et de la nouvelle montée des tensions entre les deux pays.

Les principales raisons de discorde pour cette deuxième réunion ont été détaillées par le chef de la délégation l’ambassadeur Nduhungirehe.

Tout en faisant le point sur les progrès accomplis depuis la signature de l’accord de Luanda, le ministre Nduhungirehe a déclaré que la seule évolution positive à ce jour depuis la première réunion de la commission ad hoc à Kigali, est que le Rwanda a reçu des amendements du gouvernement ougandais sur le traité d’extradition entre nos deux pays. A ce sujet, il a déclaré que le Rwanda travaille sur les amendements et estime que les deux pays se mettront bientôt d’accord sur le texte final.

En dehors de cela, Ambassadeur Nduhungirehe maintient qu’il n’y a pas d’autres points positifs à attendre et voici pourquoi.

Nduhungirehe a déclaré qu’au lieu d’attendre de bonnes recommandations de l’accord pour préparer la deuxième rencontre, le Rwanda a connu une escalade sur les questions les plus controversées que le pays avait soulevées à plusieurs reprises, avec l’Ouganda et avec les facilitateurs.

Le Rwanda maintient que l’Ouganda a continué d’apporter son soutien aux groupes armés qui tentent de terroriser le Rwanda. Les dirigeants et les membres de ces groupes continuent de bénéficier des moyens et des facilités de passage vers le Rwanda en toute sécurité, et plus particulièrement avec l’implication de hauts responsables du gouvernement, a indiqué Nduhungirehe.

Pour citer un exemple, Nduhungirehe a déclaré que dans la nuit du 3 au 4 octobre 2019, une attaque terroriste meurtrière avait été menée par une milice connue sous le nom de RUD-Urunana, dans le secteur Kinigi du district de Musanze, province du Nord.

L’attaque a été lancée depuis l’est de la RDC, près de la frontière ougandaise et du parc national des volcans. La plupart des assaillants ont été tués. Certains des assaillants ont été capturés vivants.

Des preuves matérielles irréfutables, dont les téléphones portables et des témoignages d’agresseurs capturés, ont été recueillis.

«Un numéro de téléphone ougandais semblait avoir été en contact avec les assaillants avant et pendant l’attaque. Et il se trouve que ce numéro appartenait à l’honorable Mateke Philemon, ministre d’État ougandais de la Coopération régionale », a déclaré Nduhugirehe au cours de cette rencontre.

Révélant certains détails inconnus auparavant, Nduhungirehe a déclaré qu’après l’attaque, trois des assaillants ont fui vers le district de Kisoro en Ouganda, où ils sont restés brièvement, puis ils ont été évacués vers la caserne de Makenke dans le district de Mbarara et transférés plus tard au siège du CMI à Mbuya, Kampala.

A cette occasion, le Haut-commissariat du Rwanda en Ouganda a envoyé une note verbale sur la question le 14 octobre 2019. Elle reste à ce jour sans réponse.

Le Rwanda a déclaré que cela représente une escalade extrême et une agression non provoquée. Nduhungirehe a déclaré que, comme toujours, le Rwanda a fait et continuera d’observer et d’exercer un maximum de retenue pour donner une chance au règlement pacifique de cette crise.

Arrestation continue de Rwandais en Ouganda

Un autre problème clé soulevé par le Rwanda est l’arrestation continue et la détention illégale de Rwandais en Ouganda, qui n’a pas cessé malgré le communiqué de Kigali qui appelait à la libération immédiate des Rwandais détenus en Ouganda et à cesser les arrestations arbitraires.

Le chef de la délégation a déclaré que les arrestations arbitraires et les détentions illégales de citoyens rwandais en Ouganda se sont poursuivies sans relâche au cours de la même période.

« En effet, depuis la signature de nos accords au cours des derniers mois, non seulement des centaines de Rwandais sont toujours enlevés et détenus illégalement dans les prisons du CMI et des centres de détention », a déclaré Nduhungirehe.

« À titre d’exemple, il y a à peine deux semaines, le lundi 25 novembre 2019, plus de 150 citoyens rwandais, qui vivaient et travaillaient en Ouganda, ont été arrêtés dans le district de Kisoro, et quelques-uns,  – 33 -,  ont été jetés à la frontière. La raison, encore une fois, est que ces personnes sont identifiées comme rwandaises », a-t-il ajouté.

Hostile propagande

Au-delà du soutien continu aux groupes armés qui menacent le Rwanda, et de l’arrestation, de la détention et de la torture des citoyens rwandais, le Rwanda a déclaré qu’il y avait également une escalade de la propagande hostile dans les médias gouvernementaux ougandais visant le Rwanda.

«Je dois dire à la presse, ici présente, qu’en signant le communiqué de Kigali le 16 septembre 2019, l’Ouganda et le Rwanda n’avaient pas l’intention d’empêcher les médias de couvrir de manière critique cette crise, en utilisant des faits et leurs propres analyses, que nous les acceptions ou pas, « cependant, nous avons été déçus de constater une fois de plus qu’au cours des derniers mois, les médias ougandais, y compris les médias appartenant à l’État, ont continué à diffuser de fausses nouvelles manifestes sur notre pays, notre Président et nos ministres, tout en louant nos ennemis. C’est contraire à la lettre du communiqué de Kigali lors de la première rencontre et à l’esprit du protocole d’accord de Luanda », a rappelé Nduhungirehe lors de la réunion.

La fermeture des frontières, un bouc émissaire !

Un autre problème soulevé par le Rwanda est que l’Ouganda a fait la diversion au sujet de la fermeture de la frontière pour ne pas répondre aux préoccupations soulevées par le Rwanda. Alors que les deux pays travaillent à la mise en œuvre du protocole d’accord de Luanda dans son ensemble, le Rwanda dit que l’Ouganda devrait éviter de réduire cette crise à une «fermeture de la frontière», alors que ce n’est pas le cas dit Nduhungirehe.

Crise de la souveraineté de l’État et de la sécurité

La délégation rwandaise a en outre noté que la crise concernait la souveraineté et la sécurité des États, ainsi que le bon voisinage; il s’agit des droits et libertés fondamentaux de citoyen, y compris le droit à la vie et à l’intégrité physique; il s’agit de la libre circulation des personnes, des biens et des services; il s’agit d’un environnement toxique, imposé par la République d’Ouganda, dans lequel l’intégration régionale ne peut fonctionner.

Entrave au commerce

Le Rwanda a en outre déclaré que la «situation malheureuse» entre les deux pays, est devenue un sérieux obstacle au commerce entre les deux pays.

« Comment pouvons-nous faire du commerce lorsque des hommes d’affaires rwandais qui franchissent légalement la frontière sont systématiquement arrêtés, torturés, avec confiscation de leurs biens ? 

« Comment pouvons-nous affirmer que la libre circulation des biens et des services est garantie, alors que la libre circulation des personnes est entravée? La vraie fermeture de la frontière, c’est exactement cela ! C’est l’arrestation et la détention illégales de ces mêmes personnes qui font du commerce transfrontalier », a déclaré Nduhungirehe.

Le ministre ougandais des Affaires étrangères, Sam Kutesa, a vaguement et diplomatiquement répondu à ces allégations et a énuméré des griefs de l’Ouganda contre son voisin.

 « Des problèmes tels que les tentatives d’infiltration de nos agences de sécurité par le rwandais », a déclaré le ministre Kutesa. Il s’est plaint de « questions comme la fermeture de la frontière par le Rwanda. Pour l’Ouganda, clairement, nous ne soutiendrons aucune force déstabilisant ou ayant l’intention de déstabiliser nos voisins, y compris le Rwanda. . »

La délégation des facilitateurs composée de Gilbert Kakonde, Vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur, de la Sécurité et des Affaires coutumières de la RD Congo, et de ministre angolais des Affaires étrangères, Manuel Domingos Augusto, chef de la délégation des facilitateurs.

L’Angola et la RDC ont appelé l’Ouganda et le Rwanda à une plus grande «ouverture» lors des pourparlers en cours, tenant compte du cadre tracé par les Accords de Luanda, affirmant que la résolution de l’impasse actuelle ouvrirait la voie à «l’intégration économique régionale ».

Le Ministre Kakonde de la RDC s’est adressé aux délégués rwandais et ougandais « ce dialogue se déroule dans le contexte des mécanismes africains de règlement des conflits menés sous un arbre », a déclaré Gilbert Kakonde Malambe, vice-Premier ministre et ministre de l’intérieur, de la sécurité et des affaires coutumières de la RDC.

Il a souligné l’engagement de son pays à aider les deux pays à surmonter leurs divergences dans le cadre des Accords de Luanda, et il a ajouté: « la responsabilité principale incombe à nos deux frères. »

De son côté, le ministre angolais des Relations extérieures, Manuel Domingos Augusto, a déclaré que le Rwanda et l’Ouganda avaient fait preuve de volonté politique de normaliser les relations lors de la première réunion à Kigali en septembre, exhortant les deux parties à utiliser ce cycle de négociations pour trouver des solutions durables au problème actuel.

«Cela a montré au monde que, dans un esprit de fraternité et de solidarité africaines, les Africains peuvent trouver des solutions à tout différend qui pourrait surgir entre eux par des moyens pacifiques à travers le dialogue», a-t-il déclaré.

La République d’Angola, a-t-il dit, « salue ces efforts et reste attachée au Mémorandum de Luanda et il reste disponible pour aider en tant que co-facilitateur du processus en cas de besoin. Nous sommes convaincus que nos deux pays frères ont toutes les conditions nécessaires pour faire de ce dialogue une réussite étant donné le rôle important que les deux pays ont dans l’équilibre géopolitique de la sous-région pour la consolidation de la paix et de la sécurité et de la stabilité en tant que prémisse fondamentale de l’intégration économique régionale.

«Nous attendons avec intérêt les délégations de l’Ouganda et du Rwanda et les rapports positifs qui peuvent confirmer les résultats des travaux déjà effectués.»

La conclusion de la rencontre était que les deux chefs de délégation se sont convenus de transmettre les questions non résolues à leurs présidents respectifs,  président ougandais Yoweri Museveni et le président rwandais Paul Kagame pour décider la voie à suivre.

Tout observateur externe de la question Ouganda – Rwanda se demande (non pas ce que veut l’Ouganda), ce que veut personnellement le président Museveni dans cette affaire. Il continue à s’embourber sentimentalement dans une politique d’un revanchard chef coutumier traditionnel, en ignorant les intérêts qui sont au niveau national, et au niveau régional. Ainsi il a revêtu les habits du chef du village, et il a oublié son statut d’un homme d’Etat. Qu’importe le résultat de sa politique, il se transformera à un boomerang  qui l’affectera et l’affaiblira, lui et son clan.