Jacques Lanxade, qui s’était montré particulièrement discret sur la question du rôle de la France dans le génocidecontre  les Batutsi, donne deux interviews successives au Monde puis à La Croix sur le Rwanda, avec un message clef : « c’est aux politiques de défendre les militaires ». Par Guillaume Ancel

Cela paraîtrait simple s’il n’avait joué dans ce drame un rôle déterminant, mais largement sous-documenté puisque les archives de cette opération « humanitaire » restent bouclées…
Ses prises de parole indiquent d’abord une forme d’inquiétude, comme s’il était entendu jusqu’ici que la question du Rwanda ne pourrait pas être abordée, notamment après qu’elle eût été soigneusement coulée dans le béton de la mission d’information parlementaire présidée par Paul Quilès. Ce dernier s’exprime d’ailleurs, en parallèle, pour rappeler aux Français que nous pouvons dormir tranquilles puisqu’il nous dit (assure, jure, certifie, commande ?) qu’il ne s’est rien passé.
Des témoignages accablants
Le problème est qu’un sous-officier a témoigné que nous avions formé les génocidaires. Mais celui-ci « avait été gravement blessé », sous-entendu « il a un pet’au casque, il ne tourne plus très rond… »
Puis un officier supérieur – au parcours on ne peut plus normal, le mien – témoigne que de nombreux aspects de l’opération Turquoise relèvent de la complicité avec les génocidaires, il est donc traité de « bobo gauchiste affabulateur ».
Cependant un aviateur vient confirmer une opération de frappe aérienne destinée à stopper le FPR – les ennemis des génocidaires – et cela devient « des élucubrations d’officiers subalternes » pour Jacques Lanxade.
Une protection pour ses soldats ou pour lui ?
Patatras ! Bernard Kouchner, ancien Ministre des affaires étrangères, reconnaît plubliquement que la France a commis une « très lourde faute politique » en soutenant les génocidaires, et aussitôt l’amiral rappelle la liste des responsables politiques de l’époque, à l’exception notable d’Hubert Védrine pourtant secrétaire général de l’Elysée, et de Jean Christophe Mitterrand, conseiller Afrique… Et de conclure « qu’aucun président n’a clairement dit que les militaires français n’avaient fait qu’obéir aux ordres des responsables politiques et qu’il n’y avait donc rien à leur reprocher. »
Mais où se situe Jacques Lanxade alors qu’il était très proche du président Mitterrand ? Un amiral politique nommé plus tard ambassadeur ou un chef militaire qui se souciait de ses soldats (y compris des officiers « subalternes ») en particulier pour qu’ils ne soient pas employés au nom de la France à soutenir de fait des génocidaires ? Ou à protéger les assiégeants de la ville de Sarajevo, comme j’en ai témoigné dans Vent glacial sur Sarajevo ?
En affirmant que « c’est l’honneur des soldats de la France qui est réellement en jeu », la question de Jacques Lanxade est aussi pertinente que ses réponses sont ambiguës : s’inclut-il dans « ces militaires qui n’ont fait qu’obéir aux ordres des politiques » et qu’il faut protéger ? Ou a-t-il joué un rôle majeur dans cette opération Turquoise estimant qu’il était investi d’enjeux politiques qui justifiaient le pire ?
Amiral politique ou responsable militaire…

http://www.rwanda-podium.org/index.php/actualites/politique/3560-genocide-jacques-lanxade-amiral-politique-ou-responsable-militaire

Posté le 13/07/2018 par rwandaises.com