L’œuvre négative du colonialisme français à la Réunion. De l’île vierge à la tentative de chirurgie sociale

L’œuvre négative du colonialisme français à la Réunion. De l’île vierge à la tentative de chirurgie sociale

S’il est une colonie présentée comme non concernée par la question de la décolonisation, c’est bien la Réunion. Dans le roman idéologique colonial français, la Réunion étant non habitée lors de l’occupation française, elle ne saurait être considérée comme une colonie. Ce qui est occulté ici c’est la nature du lien qui relie l’île africaine et la métropole sur les plans économique et politique. La seconde image du roman est celle d’une société ayant réussie un métissage idéal en raison justement du fait que tous ses habitants soient des immigrés de plus ou moins longue date. Ce qui est masqué dès lors c’est le caractère hiérarchisé de la colonie selon un critère de couleur. L’histoire comme le présent, la géographie comme la rationalité économique pose pourtant à la Réunion comme dans les autres colonies française, la question de la décolonisation. Penser le contraire c’est réduire la colonisation à une de ses formes c’est-à-dire avoir une approche essentialiste de la question. L’approche matérialiste pose au contraire d’une part que la colonisation comme rapport social d’exploitation a pris des formes spécifiques selon les contextes locaux et d’autre part que ces formes ont été et sont évolutives en fonction des besoins du dominants et des rapports de forces. Même consentie (pour des raisons diverses allant de l’aliénation, aux préoccupations de survie immédiates en passant par l’état du rapport des forces) la colonisation reste une colonisation.

Île vierge, esclavage et engagisme 

Comme en témoigne des cartes de navigation de l’époque, l’île est connue des navigateurs arabes dès le 12ème siècle sous le nom de « Dina Margabim » (île de l’Ouest). Elle sera ensuite redécouverte par les portugais qui la nommeront du nom du saint du jour de sa découverte (Santa Apollonia) en 1512, puis par les Hollandais qui la baptiseront England’s forest (les forêts anglaises en 1613). Elle portera aussi les noms anglais de « Pearl Island » (Du nom du premier bateau anglais qui y accoste) et français de « Grande Mascareigne » et « d’Île Bourbon » avant d’hériter de son nom actuel en 1794 en référence à la réunion des États-généraux. L’Île est au moment de ces découvertes non habitées et pendant des décennies elle ne reste qu’une escale de ravitaillement pour les différentes puissances. Ce n’est qu’à partir de 1638, sous le ministère du Cardinal Richelieu qu’arrivent les premiers colons. Ceux-ci sont matelots, ouvriers ou soldats que les vaisseaux français laissent sur l’île pour y former une station de ravitaillement sur la route de l’Inde.  L’immigration française ne fut jamais massive. Ce lien avec la route des Indes est confirmé par son statut : c’est en effet la Compagnie des Indes Orientales qui gère la colonie comme suit :

La Compagnie y organise une base de ravitaillement pour ses bateaux trafiquant avec Pondichéry : elle demande aux colons […] de fournir des vivres frais. Aidés d’esclaves malgaches, puis africains, les « habitants » élèvent de la volaille, des porcs, des bœufs […] ; ils cultivent le blé, les légumes d’Europe, le riz, les plantes tropicales : le riz, la canne à sucre, dont le jus fermenté, ou forangorin  remplace le vin trop couteux[i].

La découverte d’un caféier sauvage puis le succès de l’acclimatation du moka vont ouvrir un nouvel âge de la colonisation. La compagnie développe la colonisation en offrant des terres contre une redevance en nature c’est-à-dire en café qu’elle commercialise ensuite. Elle multiplie dans le même temps l’importation d’esclaves pour l’économie de plantation qui s’installe durablement. La concurrence du café antillais poussa les colons à se reconvertir dans de nouvelles productions, toujours centrées sur les produits d’exportations : cannelier, cacaoyer, giroflier, muscadier puis vanillier. Cet âge des épices cède le pas à celui de la canne à sucre dès le début du 19ème siècle pour les mêmes raisons lucratives. La superficie consacrée à la canne passe ainsi de 27 000 hectares en 1851 à 56 000 ha en 1855 et 62 500 ha en 1860. A cette dernière date on compte déjà 116 usines fournissant 68 469 tonnes de sucre[ii].

Le développement d’une monoculture de canne spéculative explique les évolutions du peuplement. En 1715 c’est-à-dire au moment où se met en place  la culture du café, la Réunion ne compte que 1500 habitants. Un siècle plus tard, la colonie compte  68 000 habitants dont 75 % d’esclaves. L’âge du sucre se traduit par un appel plus massif encore à l’esclavage : « Durant la première moitié du XIXe siècle, la rentabilité de cette culture destinée à approvisionner la métropole aboutit à un nouveau recrutement massif d’esclaves, malgré l’interdiction de la traite en 1817. On estime que 45 000 esclaves furent introduits à cette date en une vingtaine d’années, à comparer aux 80 000 pour l’ensemble du XVIIIe siècle » résume le démographe Frédéric Sandron[iii].

Dès le début de l’économie de plantation, une des formes de résistance est le marronnage ce qui provoque un manque permanent de travailleurs alimentant la demande en esclaves. « L’intérieur des massifs, inaccessibles et boisés était devenu le refuge des noirs en fuite […], contre qui la Milice se livrait de temps en temps à des expéditions punitives[iv] » résume le géographe Hildebert Isnard. L’abolition de l’esclavage est comme dans les autres vieilles colonies remplacée par l’engagisme c’est-à-dire une nouvelle forme de « servilisme[v] ». Ce sont ainsi 62 000 esclaves qui sont désormais libres et à qui on « propose » des contrats d’engagements. La plupart des esclaves refusent ces « engagements »  et malgré les pressions le manque de main d’œuvre se fit cruellement sentir pour les colons. Voici comment un manuel de la colonisation restitue ce contexte en 1943 :

A la Réunion, un quart des esclaves – soit environ 15 000 – consentirent à demeurer sur les plantations à titre d’« engagés » à temps. Les autres prétendirent disposer de leur pleine liberté, affluèrent dans les villes ou vécurent de rapines dans les campagnes ; l’autorité locale résolut alors d’assimiler l’affranchi sans domicile au vagabond et lui imposa un engagement de travail ; mais la plupart échappèrent à cette obligation par la ruse et surtout par la fuite[vi].

Le manque de main d’œuvre sera compensé par un appel massif aux travailleurs immigrés à qui s’imposent le « contrat d’engagement » pour une durée de 3 à 10 ans. « L’abolition de l’esclavage en 1848 a eu comme conséquence la libération de 62000 esclaves et a été suivie du recrutement d’un nombre à peu près équivalent de travailleurs salariés en majorité venus d’Inde, que l’on appelait les « engagés » » rappelle le démographe Frédéric Sandron. Dès 1860 le nombre d’habitants se monte à 175 000. Si beaucoup d’engagés originaires d’Inde, de Chine, de Madagascar, des Comores, etc., repartent chez eux miséreux, d’autres font souche et donnent le visage multiculturel de la Réunion contemporaine.

Une autre transformation structurelle modifie le paysage réunionnais dans la période suivant l’abolition.  La plantation sucrière est l’objet d’une concentration foncière qui ruine les petits planteurs et enrichie les sucreries. Les petits planteurs survivent en devenant dépendants des gros propriétaires par le biais d’un système de métayage.  D’autres préfèrent rejoindre les territoires jadis occupés par les nègres marron puis les esclaves affranchis refusant l’engagisme. Ces « petits blancs[vii] » s’installent comme leurs prédécesseurs sur des terres gagnées sur la forêt. Écrivant en 1950, le géographe Isnard Hildebert résume comme suit la répartition spatiale des richesses et de la couleur de la peau : « Elle se compose [la population] d’une minorité de Blancs purs, les Créoles, où se recrutent la plupart des grands planteurs, des industriels et des fonctionnaires, et d’une multitude de métis et de gens de couleurs : employés, boutiquiers, ouvriers agricoles, colons, petits propriétaires, au sein desquelles des communautés ethniques[viii] ont gardé leur homogénéité, tels les Malabars et les « Arabes » de Bombay[ix]. »

Le caractère multiculturel et métissé de la société réunionnaise date des débuts du peuplement et ne fera que s’accentuer au fur et à mesure de l’histoire. Cependant, il serait erroné d’en conclure à une absence de hiérarchie. Au contraire une continuité de la stratification socio-raciale peut être constatée en particulier aux deux pôles opposés de la hiérarchie. Le sociologue Laurent Médéa écrit ainsi dans la quatrième de couverture d’un ouvrage qu’il a coordonné sur la place des Kaf : « Soixante-trois ans après la Départementalisation, l’île de La Réunion demeure hantée par son passé colonial et esclavagiste, tout comme la France. A La Réunion, le Kaf est avant tout Noir et montre des difficultés à assumer son histoire, alors qu’il continue à subir discriminations et racisme.[x] » Plus globalement l’anthropologue Lucette Labache décrit comme suit les rapports entre les différents groupes réunionnais : « Les Cafre, les Malbar et les Petits-blancs forment un ensemble au sein duquel l’attraction est partagée et se distribue de manière équivalente. Les Gros Blancs forment le seul groupe où les frontières restent hermétiques et partagent préférentiellement des affinités positives avec les Zoreil[xi].»  En dépit d’une certaines ouvertures des « couches moyennes » aux Kaf, Malbar et Petits-Blancs la structure sociale reste une hiérarchie socio-raciale avec la spécificité d’une colorisation du groupes des petits-blancs (ceux-ci sont considérés et construits comme non-blancs par les Gros blancs et les Zoreil).

Mutations économiques et tentation de chirurgie sociale 

La départementalisation a été vendue comme promesse de sortie de la colonisation et comme signe d’une politique volontariste ayant comme objectif l’égalité dans la République française. Le général De Gaulle tente par cette départementalisation de prendre en compte les mutations du contexte local et mondial tout en préservant l’empire colonial :

L’économie de plantation a démontré son incapacité à faire vivre la population, mais l’aristocratie des grands planteurs, des usiniers, reste toute puissante. Pendant trois ans personne n’a été capable d’incarner une résistance qui viendra de l’extérieur, mais presque tout le monde peut se reprocher des accommodements avec Vichy. […] En Afrique, en Asie, les liens coloniaux craquent de l’intérieur de l’Empire français, mais la Conférence de Brazzaville a prouvé dès février 1944, que si la France Combattante était prête à redéfinir certains liens, elle ne veut absolument pas démanteler l’Empire. […] Autant de signes montrant qu’en 1945-1946, on vit une période de transition, mais vers quoi ? Au profit de qui ?[xii]

La départementalisation n’est donc pas pensée comme sortie du lien colonial mais comme moyen de sauvegarde de l’empire. Elle se traduit certes par une amélioration des conditions d’existences dans de nombreux domaines mais en aucun cas par la disparition du rapport colonial. Elle se concrétise par une égalité des droits formels et le maintien d’une inégalité des droits réels. Pour qu’une telle opération de sauvetage de l’empire soit crédible, il fallait un investissement de l’État en matière de couverture sociale, d’accès à l’enseignement, à la santé, au logement, etc., c’est-à-dire une double action en termes de construction d’infrastructure d’une part et de redistribution de revenus pour les plus démunis d’autre part. Si cette politique fait accéder à la « société de consommation », elle ne change rien au lien de dépendance entre les DOM et la métropole, ni à sa traduction dans les inégalités interne à la colonie.  « Le principal symptôme répétitif de la société réunionnaise et peut-être de toute société “domienne”, est le contraste entre l’immobilité permanente de la structure profonde et les changements rapides des modes de vie en surface[xiii] » résume le psychologue Jean-Pierre Cambefort.

Ces investissements de L’État français conduisent ainsi à une hausse de l’espérance de vie, à la construction de logements sociaux dotés d’un accès à l’eau courante et à l’électricité, au développement du réseau routier et aérien, à une scolarisation grandissante, etc. Ces progrès loin de signifier une logique égalitaire soulignent au contraire l’état scandaleux de la colonie en 1946 soit près d’un siècle après l’abolition de l’esclavage. De surcroît les politiques économiques structurelles mises en œuvre reproduisent les inégalités internes de la colonie au profit des Gros Blancs et des Zoreil. La « réforme agraire » initiée en 1964 par le biais de la SAFER (Sociétés d’Aménagement Foncier et d’Établissement Rural) se traduit rapidement en une aide à la reconversion des Gros Blancs. Des terres sont ainsi rachetées par de l’argent public aux gros propriétaires leur permettant de se reconvertir dans d’autres activités lucratives comme l’importation ou le réseau commercial. « Elle [la SAFER] leur a permis de vendre leurs terres [et prioritairement les moins fertiles] dans des conditions très favorables et d’abandonner le secteur agricole au profit d’activités plus rentables[xiv]» résume la géographe Sonia Chane-Kune.

De même les subventions de l’Union Européenne visant à la restructuration du secteur sucrier dans la décennie 70, a produit une concentration, une modernisation et une mécanisation dont une des conséquences sera le développement massif du chômage. Ces politiques structurelles françaises puis européennes ont comme effet la reproduction du rapport colonial :

L’économie sucrière moribonde est totalement assistée et maintenue artificiellement pour conserver les intérêts des communautés endogames et dominantes directement connectées au pouvoir central. L’entêtement à promouvoir la filière canne-sucre-rhum est, par excellence, le signe d’une cécité des institutions à envisager une réforme complète de l’agriculture, maintenant en place les féodalités économiques et sociales. Les intérêts monopolistiques des dynasties sucrières réunionnaises sont entretenus par tout un système de dérogations fiscales et d’exceptions négociées par les réseaux politico-économiques que ces familles entretiennent avec les ministères parisiens et le parlement européen. Car l’économie de plantation, malgré ses adaptations modernes apparentes, représente bien plus qu’une simple économie. C’est la pérennité de certains modèles ancestraux de relation sociale fondés sur la dominance et le paternalisme des notables de la terre sur une population de colons et de travailleurs saisonniers maintenus dans la dépendance et l’absence d’initiatives[xv].

La réforme agraire comme la restructuration de l’industrie sucrière se sont mises en œuvre à partir de critères au service des gros blancs et des intérêts de la métropole et de l’Union Européenne. Nous sommes bien en présence d’une économie extravertie qui reste un des signes majeurs de la logique coloniale. Un des résultats majeurs de cette logique est la production d’une « surpopulation relative» au regard des emplois que peut fournir ce type d’économie. Soulignons en premier lieu que la question de la « surpopulation relative » ne se pose pas avant la départementalisation. Avant le milieu du vingtième siècle c’est le manque de main d’œuvre qui domine et qui donne naissance d’abord à l’importation d’esclaves et ensuite à l’engagisme. Après la seconde guerre mondiale la population connaît un accroissement croissant sous l’effet de l’amélioration des conditions d’existence. Elle passe ainsi de 274 400 habitants en 1954 à 515 800 en 1982[xvi]. Nous choisissons ces deux bornes parce que c’est entre-elles que se développent un véritable projet de chirurgie sociale sur la population réunionnaise par le biais de nombreux outils : stérilisation abusive, exportation des enfants « orphelins et abandonnés », exportation des jeunes par le biais du Bumidom[xvii] (Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer), importation massive de métropolitains.

La « surpopulation relative » n’est bien sûr pas analysée par les dirigeants parisiens comme une conséquence des choix économiques. Elle est abordée de manière essentialiste comme constante historique et culturelle des réunionnais. Il n’est dès lors pas étonnant que la stérilisation des réunionnaises ait pu devenir un axe de politique publique. L’excellent livre de Françoise Vergès, « Le Ventre des femmes[xviii] » révèle ce scandale portant sur 6000 à 8000 réunionnaises avortées et/ou stérilisées par an dans les décennies 60 et 70 sans leur consentement. Rappelons qu’à la même époque l’avortement est un délit en France c’est-à-dire que nous sommes en présence d’un traitement d’exception c’est-à-dire encore d’une des caractéristiques essentielles du rapport colonial.

Dans la même logique se trouve l’affaire dit des « enfants de la Creuse ». Les faits sont connus : 2150 enfants réunionnais seront déplacés en métropole entre 1963 et 1982, pour repeupler les départements touchés par un fort exode rural. Officiellement ces enfants sont « abandonnés ». Dans les faits les pratiques suivantes ont été dénoncées : « consentements extorqués à des familles illettrées, rafles dans les bidonvilles, placements d’office en foyer[xix]… ». Plus importante quantitativement l’exportation organisée de la jeunesse réunionnaise par le BUMIDOM. Le géographe Wilfrid Bertile évalue à 72 500 le nombre de réunionnais concernés entre 1963 et 1981[xx].

En parallèle l’Etat français organise l’arrivée massive de métropolitains à la Réunion.  Ceux-ci passent de 37 000 en 1990 à 65 000 personnes en 1999[xxi] et 79 000 en 2006.  Représentant 4.1 % de la population de l’île en 1982, ils comptent pour 10.2 % en 2015. « Une accélération s’observe depuis le début de la décennie 1960 et le nombre des Métropolitains double pratiquement d’un recensement à l’autre[xxii] » résume Wilfrid Bertile. Un véritable transfert de population dont le sens est déterminé par la couleur de la peau conduisant à une place particulière des métropolitains qui passent selon Bertile d’une « migration d’encadrement » à une migration de peuplement » : « Globalement les Métropolitains constituent une minorité dominante, un modèle social à imiter et tendent à modeler selon leur vision et leur sensibilité les réalités locales[xxiii]. »

Le contrôle du canal du Mozambique et des Îles Éparse

Un simple regard sur une carte permet de saisir l’importance géostratégique de la Réunion pour la France et plus largement pour l’Union Européenne. L’île revêt une importance particulière pour la présence française et européenne dans l’Océan Indien et pour sa proximité avec l’Afrique de l’Est (l’île se situe à 800 km à l’est de Madagascar). Cette importance militaire stratégique n’est pas nouvelle. Dès 1964 la conférence du Caire Mouvement des Non-Aligné (MNA) propose de dénucléariser l’Océan Indien pour mettre fin aux risques d’affrontements entre les deux blocs dans la région. La perte de la base navale de Diego Suarez en 1973 puis l’indépendance des Comores en 1975 renforcent encore l’importance de la Réunion. La fin de la guerre froide diminue objectivement l’importance stratégique de l’île mais ne la fait pas disparaître. La disparition de l’URSS a certes signifié pour un temps une maîtrise quasi-totale de l’Océan Indien par les USA et ses alliés français à l’Ouest et Australien à l’est. Le Monde a certes changé mais les objectifs restent les mêmes : le pétrole du Golfe et la sécurité des flux maritimes. Rapidement cependant de nouvelles puissances comme l’Inde, la Chine, l’Afrique du Sud ou la Russie se dotent d’une Marine conséquente et remettent en cause l’hégémonie occidentale sur cet océan. Analysant la dimension stratégique de l’île, la géographe Sonia Chane-Kune souligne :

Avec cette île, la France dispose d’une base à partir de laquelle elle peut rayonner dans une grande partie de l’océan Indien et particulièrement vers les autres territoires français de la région qui, même non peuplés, présentent un intérêt stratégique certain. C’est le cas des îles éparses, par ailleurs très convoitées, qui permettent le contrôle du Canal du Mozambique. C’est le cas aussi des Terres Australes et Antarctiques françaises qu’on avait imaginé, pour parer aux tensions suscitées par Mururoa dans le Pacifique, d’utiliser comme Centre d’expérimentation nucléaire[xxiv].

L’importance géostratégique de la Réunion se traduit par une présence militaire française conséquente, en particulier de la Marine. Le site du ministère des armées présente par exemple comme suit le rôle de la base navale de « Port des Galets » : « La base navale de Port des Galets est le troisième port militaire national. […] Elle est le principal point d’appui du dispositif opérationnel prépositionné sur le théâtre «océan Indien». Le but : disposer d’une flotte militaire opérationnelle dans cette région du globe[xxv]. » Ce sont ainsi 1900 militaires français des trois armées qui stationnent dans l’île.

Comme les autres « confettis de l’Empire[xxvi] », la Réunion porte aussi l’enjeu des Zones Économiques Exclusives. Elle s’étend pour la colonie à 315 000 km² mais se situe surtout à une place permettant le contrôle grâce aux militaires stationnés à la Réunion du canal du Mozambique et de ses « îles éparses ». L’expression désigne un chapelet de petites îles inhabitées entre Madagascar et le Mozambique occupée par la France et que revendiquent Madagascar. Le canal du Mozambique constitue un véritable eldorado pétrolier et gazier auquel donne accès les Zones exclusives des îles éparses. Telle est une des raisons essentielles de la détermination française à garder Mayotte quitte à se mettre dans l’illégalité internationale. Telle est également un des nouveaux enjeux de la Réunion pour la France. Une étude du Centre d’Étude Stratégique de la Marine daté de 2015 présente comme suit l’enjeu des ressources du canal du Mozambique :

Depuis le milieu des années 2000, de nombreuses licences d’explorations ont été accordées à des opérateurs privés et les premières remontées laissent entendre que la zone disposerait d’importants gisements pétroliers et gaziers. Les plus grandes  entreprises pétrolière – ENI, Total, Exxon –sont présentes, justifiant le qualificatif de «prochaine mer du Nord». Selon les estimations, les sous-sols du canal du Mozambique abriteraient entre 6 et 12 milliards de barils de pétrole et entre 3 à 5 milliards de mètres cubes de gaz. Couvrant avec sa ZEE près d’un tiers de la superficie total du canal, la France serait donc l’un des principaux bénéficiaires de ces stocks[xxvii].

La même étude souligne également la présence d’une « densité de nodules polymétalliques au mètre-carré qui serait de 5 à 10 fois supérieure à celle enregistrée dans le Pacifique (déjà très importante puisqu’elle se chiffrait en milliards de tonnes) ».

Tertiarisation sans industrialisation : la reproduction de la dépendance coloniale sous de nouvelles formes

La préservation des intérêts des « Gros Blancs » alliés à de grands groupes industriels et la volonté de contrôler un canal du Mozambique (jadis stratégique en raison de la guerre froide et de la décolonisation et aujourd’hui en raison des gisements pétro-gaziers et en nodules polymétalliques) expliquent l’attachement de l’Etat français et de l’Union Européenne pour la Réunion. Dès la départementalisation de 1946 le choix est fait de maintenir une économie de traite coloniale c’est-à-dire celui d’un non développement de l’île. Une « tertiarisation sans industrialisation[xxviii] » résume la démographe Isabelle Widmer.

Quelques indicateurs suffisent pour illustrer le caractère colonial de l’économie réunionnaise[xxix] :

  • La base productive de la Réunion est centrée sur les services et l’agriculture. Les services marchands représentent ainsi le premier secteur avec 35 % des richesses crées et 30 % des emplois en 2016. L’agriculture reste centrée sur deux secteurs : la production de sucre de Cannes et la pêche. Nous sommes bien en présence d’une tertiarisation sans industrialisation.
  • Le commerce extérieur reste caractéristique d’une économie de traite. Le sucre (un quart des exportations), la pêche (un cinquième) et le Rhum sont les postes principaux à l’exportation. 62 % des exportations sont ainsi des « biens de consommation non durable » (contre 17.5 % seulement de « biens d’équipement). Les importations à l’inverse sont d’abord constituées de « biens d’équipements (30. 2 %) et de « biens intermédiaires (20.6 %).
  • Les importations se déroulent quasi-exclusivement avec la France (60. 5 %) et les autres pays de l’Union Européenne (14.1 %). A l’inverse les importations des autres îles de l’Océan Indien ne comptent que pour 1% et celles en provenance d’Afrique que pour 2.2 %.
  • Les exportations montrent la même réalité d’extraversion avec 35. 8 % des exportations vers la France et 22 % vers les autres pays de l’Union Européenne.
  • Les transferts de fonds publics alimentent fortement la « croissance sans développement ». Ainsi les principaux postes du PIB sont la « consommation des ménages » pour 11. 75 milliards d’euros (sur un PIB total de 18.2 milliards) et la « consommation des administrations publiques » pour 6.97 milliards. A l’inverse les investissements ne comptent que pour 3. 76 milliards.
  • La monopolisation du commerce et des réseaux de distributions par quelques grandes sociétés métropolitaines (Casino, Leclercq, Carrefour, Auchan) et quelques dynasties familiales réunionnaises (Caillé, Isautier, Apavou, etc.[xxx]) conduit à un accaparement non négligeable de ces transferts. Cela se traduit par un décalage des prix avec la métropole évalué à 7. 1 % par l’INSEE[xxxi].

L’ampleur des transferts comme leur accaparement privé dessine un nouveau visage de la dépendance coloniale qui ne peut plus se résumer à l’image de « l’île à sucre ». Le chercheur Mauricien Jean Houbert résume comme suit ces mutations de la domination coloniale :

Et pourtant, l’ampleur même de l’effort étatique dans ce contexte de sous-développement condamne la Réunion à vivre de l’assistance et à exporter ses enfants. La départementalisation a éliminé toute possibilité de création d’une bourgeoisie nationale et la plantocratie s’est transformée en classe compradore du capital commercial métropolitain. […] Incapable de créer des emplois productifs, la départementalisation gonfle le secteur tertiaire et organise l’émigration vers la métropole […] afin de pallier le chômage structurel et de désamorcer le mécontentement des jeunes, et ses retombées politiques[xxxii].

Les mutations des formes coloniales n’enlèvent rien au constat du maintien du rapport et de  la dépendance coloniale.

De la Kafritude et de la Créolité à l’émergence d’une nation 

Le fait que l’île soit inhabitée au moment de son occupation par les premiers français est fréquemment mis en avant pour arguer de l’absence d’une question nationale réunionnaise. Un tel argument oublie simplement que la nation est une production sociale historique ayant pour base matérielle la vie sur un même territoire. L’absence de peuple autochtone, de même que la diversité des groupes ethniques réunionnais issus de l’esclavage puis de l’engagisme, peuvent certes être des facteurs freinant l’émergence d’une conscience nationale, mais ils ne peuvent pas empêcher l’effet logique du temps et du vivre-ensemble. L’existence de rapports inégalitaires entre la métropole et sa colonie, de même que la hiérarchie prégnante entre les Métro et les Gros blancs d’une part et les autres groupes ethniques d’autre part, ne pouvaient qu’enclencher logiquement un processus de construction nationale qui pour être inévitablement long, n’en est pas moins réel.

Dans le contexte du rapport de forces mondial et français issu de la victoire contre le nazisme et de la résistance, le débat sur la départementalisation en 1946 est pour la Métropole le moyen de maintenir son empire colonial en affichant l’objectif d’une décolonisation sans indépendance. Sur l’île, il provoque immédiatement l’opposition des « Gros blancs » (et des partis de droites qui les soutiennent) qui dénoncent un séparatisme déguisé. Pour le reste de la population c’est la promesse d’une sortie de l’ère coloniale qui est retenue.  « Seuls les gros planteurs sucriers sont opposés à ce projet de départementalisation de l’île[xxxiii] » souligne la géographe Isabelle Widmer. Les figures des députés réunionnais Raymond Vergès et Léon Lepervanche symbolise cette période caractérisée par l’espoir d’une égalité de traitement au sein de la République française.

La déception fut rapidement au rendez-vous tant il est vrai que l’égalité n’est pas possible dans le cadre d’un rapport colonial. Daniel Guérin dresse pour les Antilles un bilan de la départementalisation une décennie après son adoption. Celui-ci est également pertinent pour la Réunion : Fraudes électorales, répressions des mouvements sociaux, non application de la même législation sociale qu’en France, pouvoirs discrétionnaires accrus du préfet, afflux massif de fonctionnaires métropolitains, obligation de s’approvisionner en France et effet inflationniste de cette obligation, etc.  Il en tire la conclusion suivante : « En fait, la loi de 1946 n’a pas fait des Antilles françaises des départements métropolitains, mais seulement des « départements d’outre-mer » c’est-à-dire des départements de seconde classe, des parents pauvres. Elle n’a produit qu’une « départementalisation » bâtarde dans laquelle subsiste une partie de l’ancienne législation coloniale, tandis que la législation métropolitaine n’a pas été introduite intégralement[xxxiv]. »  Deux ans plus tôt déjà, le 26 mars 1954, Aimé Césaire dressait déjà un acte d’accusation exhaustif de la départementalisation pour la caractériser comme une « politique de duperie et de tricherie[xxxv] ».

La déception vis-à-vis de la promesse d’égalité a inévitablement des effets sur la représentation de soi, sur les identités individuelles et collectives. Ils se concrétiseront progressivement dans une affirmation identitaire réunionnaise. Cette affirmation identitaire prend d’abord des formes culturelles. Comme partout les mutations dans le rapport à la langue sont au rendez-vous. L’investissement de la langue créole est ainsi un des révélateurs d’une identité réunionnaise en construction. Langue née des brassages dès le 16ème siècle, le Créole emprunte des mots aux différents peuplements de la Réunion (français, malgache, Tamoul, etc.). Son investissement progressif à partir de la décennie soixante reflète un mouvement plus profond et plus vaste que l’ethnologue Gilles Gauvin propose d’appeler « Créolisation » :

Si les processus d’acculturation sont une réalité sociale, il ne faut pas oublier que, dans toute interaction, quelque chose de nouveau peut émerger […] À la Réunion, si la société insulaire a été, dès son origine, sujette à la volonté métropolitaine de faire assimiler les modèles culturels et sociaux français, les différentes composantes ethniques de l’île ont, en dépit de cette pression acculturatrice, à travers leurs interactions, opéré des adaptations, des ajustements, des reformulations et des résistances caractéristiques de la créolisation[xxxvi].

La traduction politique de ce mouvement culturel profond sera portée dans la décennie 60 par le Parti Communiste Réunionnais et sa revendication d’une « autonomie » pour l’île.  Ce parti dirigé par Paul Vergès (Fils de Raymond Verges) est né de l’autonomisation de la fédération du PCF en mai 1959 qui a été précédée d’une série de désaccords, notamment sur la question de l’indépendance de l’Algérie[xxxvii]. « Paul Vergès prépare méthodiquement l’évolution de la fédération communiste en un parti […] Sa culture communiste présente une dimension internationaliste et tiers-mondiste susceptible de faire franchir une étape supplémentaire à l’évolution politique de la Réunion[xxxviii] » explique l’historien Gilles Cauwin. Déjà influent avant son autonomisation notamment dans le mouvement syndical, le PCR prend avec cette revendication autonomiste une place centrale sur l’échiquier politique réunionnais : « La création du Parti Communiste Réunionnais et son combat pour l’évolution du statut de l’île constituent une nouvelle donne et contraint le gouvernement à des changements d’orientations et de comportements » résume l’historien Yvan Combeau[xxxix].

Les « thèses constitutives » adoptées lors du congrès de création évoquent « une réalité typiquement coloniale », « la monoculture qui entrave le développement économique », « la discrimination raciale officiellement consacrée dans la fonction publique », « une personnalité créole » reflétant « une véritable prise de conscience d’un destin commun », le « caractère assimilateur du colonialisme français », « la lutte du peuple réunionnais[xl] », etc. Ces affirmations politiques sont accompagnées d’une affirmation culturelle avec en particulier l’utilisation de la langue Créole lors des réunions publiques. Autour du PCR se structure le camp autonomiste avec l’Union des Femmes de la Réunion (UFR), le Front des Jeunesses Autonomistes de la Réunion (FJAR), Témoignage Chrétien de la Réunion (TCR), la Confédération Général du Travail de la Réunion (CGTR), l’Union Générale des Etudiants Créoles de la Réunion  (UGECR), l’Union Générale des Travailleurs Réunionnais en France (UGTRF), etc.

La dynamique autour du mot d’ordre d’autonomie à la Réunion s’articule à des dynamiques similaires dans plusieurs autres colonies. Une série de déclarations communes jalonneront les décennies 60 et 70 : En 1963 « le Manifeste de la table ronde des Guadeloupéens, Martiniquais et Réunionnais » (signé par 24 organisations politiques et syndicales des DOM et par le PSU français dont 7 réunionnaise) ; en 1968 le  « Manifeste pour le droit à l’autodétermination et contre toute solution néocolonialiste[xli] » ; en 1971  la « Convention de Morne Rouge ». De manière significative cette dernière parle désormais d’ « Entité nationale » et d’« État autonome » et non seulement d’autonomie : « Ces principes fondamentaux reconnus par la Déclaration des Droits de l’Homme, la Charte des Nations Unies et le préambule de la Constitution française, conduisent les signataires de la Convention à poser : –      que l’avenir statutaire des quatre territoires concernés ne saurait être considéré qu’au regard du fait national et du fait colonial ; –      que ces entités nationales doivent être constituées dans le cadre juridique d’un État autonome[xlii]

Si les revendications autonomistes se situent dans le cadre de la République française, elle reflète incontestablement une progression significative du processus de construction nationale. Celui-ci n’ira qu’en s’approfondissant au cours des décennies 70 à 90 en suivant un double axe : l’affirmation identitaire et l’articulation aux mouvements sociaux qui sont dans le contexte réunionnais logiquement et de manière indissociable des mouvements anticoloniaux. Le premier se concrétise dans une multitude de productions, d’écrits, de mouvements culturels : « La Créolie[xliii] », la Cafrité ou Kafritude[xliv], etc. Au-delà des différences et divergences le point commun est la recherche et l’affirmation d’une identité nationale.

Le second axe se traduit par de vastes mouvements sociaux qui paralysent le pays. Les émeutes dites du « Chaudron » (du nom d’un quartier de Saint-Denis) en février et mars 1991 suite à l’interdiction de la chaine de télévision illégale « Télé freedom » se soldent par huit décès dans l’incendie du magasin « Géant du Meuble ». Le soutien populaire à cette télé et à la radio qui l’a précédée est expliqué comme suit par l’ethno-sociologue Eliane Wolff : « Une population, jusque-là tenue éloignée de la scène et du débat publics, se reconnaît dans cette radio qui lui permet de prendre la parole et de débattre dans la langue et selon les modalités qui lui sont propres[xlv]. » Un an plus tard l’historien Hubert Gerbeau titre significativement un article dans l’Encyclopédie Universalis : « La Réunion. Émeutes du « mal-vivre » ou escarmouches pour l’indépendance ?[xlvi] ». En mars 2009 une grève générale contre la vie chère se transforme en affrontements avec les forces de l’ordre pendant plusieurs jours. Lors des grandes manifestations qui se déroulent à Saint-Denis et à Saint-Pierre, on peut lire sur des banderoles : « Ti kréol kont gro profitèr » (« Petits créoles contre gros profiteurs« ).  Chaque année entre 2012 et 2016 est marquée par des émeutes ayant des déclencheurs divers. Au-delà des déclencheurs, les causes sont bien structurelles : l’indissociabilité de la question sociale et de la question coloniale.

Dans ce contexte, il était inévitable qu’émerge une revendication indépendantiste qui pour être extrêmement minoritaire n’en est pas moins significative.  Elle émerge d’abord au sein du PCR dans une minorité qui conçoit tactiquement l’autonomie défendue par ce parti comme une étape vers l’indépendance. «Je pense que le combat du Parti communiste dans les années 60-70-80 a été important pour La Réunion. Le PCR défendait la langue créole, la culture, le peuple, la classe ouvrière. […]  Moi j’étais au PCR de 79 à 82, dans la branche minoritaire indépendantiste et quand le mot d’ordre d’autonomie a été abandonné, j’ai démissionné, le 1er septembre 1982. Vergès n’a jamais voulu l’indépendance. » rappelle un des leaders indépendantistes »[xlvii].

Elle se traduit dans la même période  en organisation avec la création de l’OCMLR (Organisation Communiste Marxiste-Léniniste de la Réunion) en 1975 qui deviendra le Mouvement Pour la Libération de la Réunion (MPLR) en 1979. En septembre 1981 c’est au tour du Mouvement pour l’Indépendance de la Réunion (MIR) de voir le jour. En juin 2008 le MIR se transforme en LPLP (Lorganizasion Popilèr po Libèr nout Péi – Front Populaire de Libération Nationale) regroupant toutes les mouvances indépendantistes et nationalistes de La Réunion. En novembre 2017 Un Etat Réunionnais est symboliquement proclamé avec son « Gran  Konsey Kontkolonial » (Grand Conseil Anticolonial), sa « Gran Lasanblé Kontkolonial »  (Grande Assemblée Anticoloniale) et son « Shef Gouvernman Kontkolonial » (Chef du gouvernement anticolonial) en la personne de Bernard Grondin, leader du LPLP.  Tout aussi symboliquement le Gouvernement anticolonial promulgue des décrets dont le premier décide la « fermeture des constructions du bord de mer ne respectant pas l’environnement et les réunionnais[xlviii] ».

L’existence désormais durable d’un mouvement indépendantiste et son caractère extrêmement minoritaire résume la situation et l’État de la construction nationale réunionnaise. Son existence reflète les progrès considérables de ce processus long de construction nationale. Son caractère extrêmement minoritaire illustre l’ampleur du chemin restant à parcourir. Les peuples et les nations sont des constructions historiques dont la durée du processus dépend d’une série de facteurs spécifiques à chaque situation : spécificités historiques, ampleur de l’aliénation, état du rapport de forces mondial et régional[xlix], ampleur des enjeux pour la puissance coloniale, etc. Il n’est certes pas possible d’accélérer artificiellement l’histoire mais l’existence de l’inégalité coloniale posera inévitablement à terme la question de l’indépendance.

[i] Isnard Hildebert, La Réunion : aspects de la colonisation de peuplement, Les Cahiers d’Outre-mer, n° 10, avril-juin 1950, p. 103.

[ii] Ibid, p. 105.

[iii] Frédéric Sandron, Dynamique de la population réunionnaise (1663-2030),  in Frédéric Sandron (coord.), La population réunionnaise : analyse démographique, IRD éditions, Paris, 2007, p.

[iv] Isnard Hildebert, La Réunion : aspects de la colonisation de peuplement, op. cit., p. 103.

[v] Voir sur cet aspect mon dernier article consacré à « l’œuvre négative de la colonisation en Guyane. De la recherche du « roi doré » à la « Montagne d’or », https://bouamamas.wordpress.com/2018/07/02/loeuvre-negative-du-colonialisme-francais-en-guyane-de-la-recherche-du-roi-dore-a-la-montagne-dor/,

[vi] Georges Hardy, Histoire de la Colonisation française, Larose, Paris, 1943, p. 190.

[vii] Le concept de « colon » prend de ce fait une connotation particulière en raison des liens que les « Petits Blancs » tissent avec les autres groupes dominés.

[viii] Les principales sont les Cafres (descendants d’esclaves venant d’Afrique de l’Est ou de Madagascar), les Malbars (Indiens du sud-est de l’Inde, essentiellement Tamoul), les Yabs ou petits blancs ou créoles blancs (descendants des petits colons blancs ruinés), les   « Gros blancs » (créoles blancs constituant l’essentiel de la classe dominante), les Zoreils (métropolitains), les Chinois ( sud de la Chine), les Z’Arabes (musulmans indiens issus de l’Ouest de l’Inde), les Comoriens et Mahorais, les Malgaches.

[ix] Isnard Hildebert, La Réunion : aspects de la colonisation de peuplement, op. cit., p. 114.

[x] Laurent Médéa (coord.), Kaf étude pluridisciplinaire, Zarlor, Sainte Clotilde, 2009, quatrième de couverture.

[xi] Lucette Labache, L’ethnicité chez les jeunes Réunionnais, Agora débats-Jeunesses, n° 9, 1997, p. 100.

[xii] Bernard Marek et Guy Bourau-Glisia, Une île dans la guerre. La Réunion de la Mobilisation à la Départementalisation (1939-1946), Azalée éditions, Saint-Denis de la Réunion, 1992, pp. 106-107.

[xiii] Jean-Pierre Cambefort,  L’héritage de la violence à La Réunion , in Christian Ghasarian, (coord.), Anthropologies de La Réunion, Éditions des Archives Contemporaines, Paris, 2008, p. 74.

[xiv] Sonia Chane-Kune, La Réunion n’est plus une île, L’Harmattan, Paris, 1996, p. 52.

[xv] Jean-Pierre Cambefort, Enfances et familles à la Réunion. Une approche psychosociologique, Paris, L’Harmattan, Paris, 2001, pp. 252-253.

[xvi] Frédéric Sandron, Dynamique de la population réunionnaise (1663-2030), op. cit., p. 33.

[xvii] Voir sur cet aspect notre article consacrée aux Antilles, L’œuvre négative du colonialisme français aux Antilles. La production et la reproduction d’une pigmentocratie, https://bouamamas.wordpress.com/2018/06/15/loeuvre-negative-du-colonialisme-francais-aux-antilles-la-production-et-la-reproduction-dune-pigmentocratie/.

[xviii] Françoise Vergès, Le ventre des femmes. Capitalisme, racialisation, féminisme, Albin Michel, Paris, 2017.

[xix] William Luret, TI ! Paille-en-queue : les enfants déportés de la Réunion, Anne Carrière, Paris, 2004, quatrième de couverture.

[xx] Wilfried Bertile, La Réunion sur la voie du développement ?, Annales de Géographie, n° 533, 1987, p. 47.

[xxi] Isabelle Widmer, La Réunion et Maurice. Parcours de deux îles australes des origines au XXème siècle, Les Cahiers de l’INED, n° 155, 2005, p. 74.

[xxii] Wilfried Bertile, La Réunion: Les problèmes réunionnais : la thérapeutique de la responsabilité, Océan éditions, Saint-André,  2006, p. 588.

[xxiii] Ibid, p. 588.

[xxiv] Sonia Chane-Kune, Aux origines de l’identité réunionnaise, L’Harmattan, Paris, 1993, p. 9.

[xxv] Marine Nationale, La Réunion : une île parmi les îles, https://www.defense.gouv.fr/marine/magazine/l-ocean-indien-a-portee-de-main/la-reunion-une-ile-parmi-les-iles, consulté le 5 juillet 2018 à 19 h 00.

[xxvi] Expression utilisé par Jean-Claude Guillebaud comme titre d’un ouvrage consacré aux dernières colonies françaises : « Les Confettis de l’Empire : Djibouti, Martinique, Guadeloupe, Réunion, Tahiti, Nouvelle-Calédonie,

[xxvii] Clément Fernandez et Léo Philippe, Les Eparses : Des îles si convoitées, Centre d’Etude Stratégique de la Marine, Cargo Marine, n°3/2015, p. 10.

[xxviii] Isabelle Widmer, La Réunion et Maurice. Parcours de deux îles australes des origines au XXème siècle, op. cit., p. 271.

[xxix] INSEE, Bilan Economique 2016- La Réunion, INSEE Conjoncture Réunion, n° 3, juin 2017.

[xxx] Les grandes dynasties économiques réunionnaises, Réunionnais du monde, Juin 2017, http://www.reunionnaisdumonde.com/spip.php?article20402, consulté le 6 juillet 2018 à 11 h 00.

[xxxi] INSEE Analyses, n° 14, avril 2016, p. 1.

[xxxii] Jean Houbert, Décolonisation en pays Créole, l’île Maurice et la réunion, Politique Africaine, n° 10, juin 1983, pp. 87-88.

[xxxiii] Isabelle Widmer, La Réunion et Maurice. Parcours de deux îles australes des origines au XXème siècle, op. cit., 54.

[xxxiv] Daniel Guérin, Les Antilles décolonisées, Présence Africaine, Paris, 1956, p. 157.

[xxxv] Aimé Césaire, Intervention lors du débat sur la « politique du gouvernement dans les départements et les territoires d’outre-mer », Journal Officiel de la République Française, 27 mars 1954, 4e.republique.jo-an.fr/numero/1954_i28.pdf, consulté le 7 juillet 2018 à 9 h 30.

[xxxvi] Christian Ghasarian, La Réunion : acculturation, créolisation et réinventions culturelles, Ethnologie Française, Volume 32, 2002/4, p. 666.

[xxxvii] Emeline Vidot, La construction d’une identité réunionnaise de 1959 à nos jours : représentations culturelles et constructions discursives, Thèse de Sociologie, Université de la Réunion 2016, p. 94.

[xxxviii] Gilles Gauwin, Créolisation linguistique et créolisation politique à la Réunion. Enjeux géopolitiques autour d’une revenndication identitaire, Hérodote, n° 105, 2002/2, p. 75.

[xxxix] Yvan Combeau, De Bourbon à la Réunion, l’histoire d’une île (du XVIIe au XXe siècle), Hermès, n° 32-33, 2002/1, p. 97.   

[xl] Parti Communiste Réunionnais, Les thèses constitutives, Île de la Réunion, 1ER juin 1959.

[xli] Texte intégral du manifeste, https://www.temoignages.re/politique/actualites/manifeste-pour-le-droit-a-l-autodetermination-et-contre-toute-solution-neocolonialiste,93050, consulté le 7 juillet 2018 à 19 h 00.

[xlii] Déclaration finale de la Convention de la Morne Rouge, http://www.montraykreyol.org/article/paul-verges-rapporteur-de-la-convention-du-morne-rouge-pour-lautonomie-des-4-dom, consulté le 7 juillet à 19 h 15.

[xliii] Mouvement littéraire et d’affirmation culturelle (symbolisé entre autres par Jean Albany, Gilbert Aubry, etc.) qui affirment une identité réunionnaise commune dans le respect des identités propres des différents groupes sociaux qui se sont enracinés sur l’île.

[xliv] La Cafrité ou Kafritude est un mouvement littéraire et de revendication de l’ancrage africain de l’identité réunionnaise (Porté entre-autre par Philippe Bessière,  Georges Lazarre, etc.). Ce mouvement insiste sur la nécessité pour la créolité d’intégrer la cafrité sans laquelle le discours sur le métissage resterait une approche négatrice de la part africaine de l’identité réunionnaise.

[xlv] Eliane Wolff, Les (nouveaux) territoires de la radio, Radio FreeDom et ses éditeurs, Radiomorphose, n° 1, 2016, p. 3.

[xlvi] Hubert Gerbeau, La Réunion. Émeutes du « mal-vivre » ou escarmouches pour l’indépendance ? , Encyclopédie Universalis, Paris, 1992, pp. 264-267.

[xlvii] Interview de bernard Grondin du 28 novembre 2017, Un jour la Réunion sera indépendante, https://www.clicanoo.re/Etat-Reunionnais/Politique/Article/2017/11/26/Un-jour-La-Reunion-sera-independante_502556, consulté le 8 juillet 2018 à 9 h 55.

[xlviii] Promulgation de la première loi réunionnaise, https://www.inforeunion.net/Promulgation-de-la-premiere-loi-reunionnaise_a14039.html, consulté le 8 juillet 2018 à 10 h 30.

[xlix] La question de l’indépendance de la Réunion a par exemple été abordée plusieurs fois au sein de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) dans son Comité de Libération : en février 1973 lors de la réunion du Conseil des ministres de ce comité à Tripoli mais la résolution fut minoritaire ; En juin 1978 en revanche le sommet de l’OUA de Dar El Salam affirme la nécessité de décoloniser la Réunion et préconise l’adoption de « mesures appropriées pour hâter l’indépendance » ( Conférer Edmond Jouve, L’Organisation de l’Unité Africaine, PUF, Paris, 1984) ;  En 2004 c’est l’Union Africaine qui incluse dans son plan stratégique la Réunion comme faisant partie des « territoires occupés par des puissances étrangères (Conférer : Vincent Capdepuy, La réunion, Madagascar, îles d’Afrique ?, Revue du Centre d’Histoire de l’Université de la Réunion, n° 14, 2011, p.  52).

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Posté le 10/07/2018 par rwandaises.com

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