Dans son rapport annuel, l’Organisation mondiale de la santé tire la sonnette d’alarme car la maladie progresse sur le continent.

Par Maryline Baumard Publié le 19 novembre 2018

Des employés d’Anglogold Ashanti Malaria répandent de l’insecticide dans le village d’Odumase, au Ghana, le 2 mai 2018.
Des employés d’Anglogold Ashanti Malaria répandent de l’insecticide dans le village d’Odumase, au Ghana, le 2 mai 2018. CRISTINA ALDEHUELA / AFP

Attention danger ! S’il fallait résumer le rapport 2018 de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur le paludisme, ce cri d’alarme synthétiserait le mieux l’analyse rendue publique lundi 19 novembre par l’agence de l’ONU. Alors que ce fléau régresse à l’échelle de la planète, en Afrique le nombre de cas et de décès a augmenté entre 2016 et 2017.

Pour le docteur Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS, « nous ne sommes pas en bonne voie pour atteindre deux objectifs intermédiaires essentiels de la Stratégie technique de lutte contre le paludisme 2016-2030, à savoir réduire de 40 % l’incidence du paludisme et la mortalité associée par rapport aux niveaux de 2015 ».

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En 2017, la maladie a affecté 219 millions de personnes dans le monde, contre 239 millions en 2010. Elle a causé la mort de plus de 435 000 personnes, majoritairement en Afrique, où les dix pays les plus durement touchés ont enregistré 3,5 millions de cas de paludisme supplémentaires par rapport à 2016. En fait, le rapport s’inquiète que 200 de ces 219 millions de cas d’infection (soit 92 %) ont été enregistrés en Afrique. Le continent est la première victime et arrive loin devant l’Asie du Sud-Est (5 %) et la Méditerranée orientale (2 %).

1. Sur les cinq pays les plus touchés, quatre sont africains

A l’échelle mondiale, cinq pays se partagent près de la moitié des contaminations, mais un seul est hors d’Afrique. Ainsi, le Nigeria concentre à lui seul un quart des malades de la planète, la République démocratique du Congo (RDC) vient ensuite avec 11 %, puis le Mozambique (5 %) et l’Ouganda (4 %). Le seul « intrus » dans cette liste est l’Inde, ex aequo avec l’Ouganda.

2. De plus en plus de cas dans les pays les plus vulnérables

Les dix pays où le paludisme sévit le plus en Afrique ont enregistré une hausse du nombre de cas en 2017 par rapport à 2016. Parmi eux, le Nigeria, Madagascar et la RDC comptent les plus fortes augmentations, toutes estimées à plus d’un demi-million de cas. À l’inverse, l’Inde a déclaré 3 millions de cas en moins durant la même période, soit une baisse de 24 % par rapport à 2016.

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3. Rwanda et Ethiopie, les bons élèves

Quelques bonnes nouvelles se dessinent quand même, notamment dans deux pays. En 2017, 430 000 cas de paludisme en moins ont été rapportés au Rwanda par rapport à l’année précédente, et l’Ethiopie a enregistré une baisse de plus de 240 000 cas sur la même période.

4. Le paludisme plus fatal en Afrique qu’ailleurs

A elle seule, l’Afrique a enregistré 93 % des décès liés au paludisme au niveau mondial en 2017. Même si c’est sur ce continent qu’ont été enregistrés 88 % de la diminution des 172 000 décès par rapport à 2010, cette zone géographique reste la plus durement touchée.

5. Seize pays africains concentrent 80 % des décès mondiaux

Près de 80 % des décès dus au paludisme dans le monde en 2017 se concentrent dans seize pays africains et en Inde. Sept de ces pays représentent plus de la moitié des décès (53 %). Le Nigeria arrive en tête de ce triste palmarès, avec 19 % des morts à lui seul. Il est suivi par la RDC (11 %), le Burkina Faso (6 %), la Tanzanie (5 %), la Sierra Leone (4 %) et le Niger (4 %). L’Inde, avec son milliard d’habitants, n’arrive qu’à la fin de cette liste, avec elle aussi 4 % des décès.

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6. Baisse de la mortalité en Afrique par rapport à 2010

Si l’on prend plus de recul et que l’on compare les données 2017 à celles de 2010, la mortalité liée au paludisme a diminué dans toutes les régions du monde, à l’exception des Amériques. Les baisses les plus prononcées ont été observées en Asie du Sud-Est (54 %), en Afrique (40 %) et en Méditerranée orientale (10 %). Cette pointe d’optimisme doit cependant être pondérée par l’inversion de la courbe en 2015. A cette date, en effet, la mortalité liée au paludisme a commencé à ralentir.

7. Le Mozambique, terre d’innovation

Pour remettre la lutte contre le paludisme sur la bonne voie, une nouvelle approche, baptisée « Réduire le paludisme là où il pèse le plus », sera lancée le 19 novembre au Mozambique, en marge de la publication du Rapport sur le paludisme dans le monde 2018. Initiée par l’OMS et le partenariat Roll Back Malaria, cette approche repose sur quatre piliers. Il s’agira de « galvaniser la volonté politique nationale et internationale de réduire la mortalité liée au paludisme ; dynamiser l’impact par une utilisation stratégique des informations ; déployer les stratégies, politiques et directives internationales les plus efficaces et les plus adaptées aux pays d’endémie palustre ; mettre en œuvre une réponse nationale coordonnée ».

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8. L’argent, nerf de la guerre

Vingt-quatre des 41 pays où le paludisme sévit dépendent en grande partie des financements externes pour lutter contre la maladie. Or le niveau moyen de financement disponible par personne à risque a diminué sur la période 2015-2017 par rapport à 2012-2014. La baisse a ainsi été de 95 % au Congo-Brazzaville et de 1 % en Ouganda.

9. Le message de l’OMS

Au vu de ces données inquiétantes, le docteur Tedros Adhanom Ghebreyesus livre un message limpide. Il estime que « les actions entreprises ces deux prochaines années seront décisives par rapport à l’atteinte (ou pas) des objectifs intermédiaires définis pour 2025 par la stratégie technique mondiale de lutte contre le paludisme de l’OMS ». A ses yeux, « ces actions détermineront également notre contribution collective à l’atteinte des Objectifs de développement durable ».

10. L’arsenal de lutte est global

Vaincre le paludisme requiert une stratégie globale comprenant des mesures de lutte antivectorielle, un diagnostic élargi des populations et la mise en place de traitements rapides, en particulier au niveau des villages. Or en 2018, une partie importante de la population à risque n’est pas protégée, notamment les femmes enceintes et les enfants en Afrique. Le chemin est donc encore long.

Maryline Baumard
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Posté le 01/12/2018 par rwandaises.com