Le mardi 4 décembre, Pierre Nkurunziza, l’homme qui règne sur le Burundi comme Idi Amin régna autrefois sur l’Ouganda, a écrit une longue lettre à Yoweri Museveni, le Président Ougandais, médiateur dans le conflit inter-burundais. Cette lettre dit beaucoup sur le personnage Nkurunziza, sur son rapport au réel et son interprétation extravagante de la réalité.
Le 9 décembre, Museveni a pris sa plume pour rappeler – la démarche très factuelle – à Nkurunziza qu’il ne sert à rien de chercher à fuir le réel, qu’il est inutile, vain, futile, absurde de se perdre dans un monde parallèle, imaginaire lorsqu’on se dit responsable politique, qu’il faut arrêter avec le discours manipulatoire d’auto-victimisation permanente, qu’il faut en finir avec cette chimérique volonté de se hisser au rang d’ultime défenseur du peuple contre une supposée spoliation démocratique, que la souveraineté nationale n’est pas le droit de faire n’importe quoi chez soi.
Je ne reviendrai pas ici sur le reste du contenu de la lettre du Professeur Museveni, retrouvant le souffle de l’Université de Dar-Es-Salaam et l’esprit du regretté Mwalimu Nyerere, mais plutôt sur un aspect de la lettre de Nkurunziza : la volonté du tyranneau burundais de renverser la réalité des choses en déplaçant les problèmes burundais sur le Rwanda voisin, qualifié, la haine mise en mots, de « pays ennemi ».
Nkurunziza est, manifestement, maladivement malheureux du Rwanda. Comme s’il exécrait le Rwanda de réussir avec éclat là où lui, il échoue misérablement depuis bientôt 15 ans ; comme s’il souffrait des progrès réalisés par Kigali ; comme si l’existence même du Rwanda l’enrageait de colère. Obsession récurrente de se mesurer au voisin du Nord symptomatique à la fois d’un sacré complexe d’infériorité et d’une haine radicale racialiste, illustrée par un passage monstrueux de la lettre trivialisant les Imbonerakure, auteurs du génocide des Tutsis au Rwanda.
Emmuré, isolé dans son monde saturé de théories du complot, acharné à porter atteinte jusqu’au sens des mots, Nkurunziza multiplie depuis la crise de 2015 les provocations à l’endroit de son voisin du Nord. Insultes, injures verbales, accusations multiples, discours publics récusant la réalité du génocide des Tutsis du Rwanda, provocations militaires… A ce jour, Kigali a su faire preuve de beaucoup de retenues. Mais jusqu’à quand ? Jusqu’où ?
La lettre de l’homme obscur de Bujumbura à Museveni fait suite au « no show-up » du Burundi au sommet des chefs d’Etats de l’EAC. Absence qui s’inscrit dans une logique de cession internationale (refus de se rendre au Sommet des chefs d’Etat de l’EAC, refus de recevoir l’envoyé de l’Union a africaine accompagné de l’ex-Présidente de la RCA, retrait de la CPI, diplomatie de l’intimidation et de l’insulte permanente…), démarche dérisoire qui confirme le côté puéril du personnage Nkurunziza « je fais ce que je veux », très symptomatique de l’univers mental de tous les tyrans perdus dans leur imaginaire toute-puissance.
Evolution en dehors des voies ordinaires de la politique et de la diplomatie normale, cession internationale assez révélatrice d’un sacré sentiment d’insécurité ontologique de Nkurunziza effrayé par toute confrontation aux limites imposées par le réel. Albert Camus disait qu’il y a des gens dont le problème est de s’abriter des hommes, l’autoproclamé Président du Burundi passe son temps à ruser, à se planquer, à se dissimuler, à se dérober au regard d’autres Présidents.
Tout cela pourrait prêter à sourire si le quotidien des Burundais n’était pas saturé de discours de haine et tissé d’arrestations arbitraires, d’enlèvements, de disparitions forcées, d’actes de tortures, de meurtres, d’intimidations, de terreur. La haine est quotidiennement mise en actes au Burundi avec une violence insensée, radicale, qui va au-delà de la question des moyens et des fins.
Tout cela pourrait prêter à hausser les épaules : que voulez-vous ? Le problème c’est que lorsque la haine n’est plus l’objet d’aucun refoulement, le pire est toujours possible. Le démolisseur du Burundi est aujourd’hui de plus en plus plongé dans une logique de guerre messianique contre son voisin du nord. Une guerre que Bujumbura perdrait sans aucun doute.
Mais le sinistre personnage burundais se situant au-delà de la guerre, son objectif n’est peut-être pas nécessairement la victoire.
Dans l’un de ses discours tenus récemment, Nkurunziza, se posant comme d’habitude en homme invulnérable, érige la mort en élévation, parle de la mort avec légèreté arguant que celle-ci, la mort, serait préférable au renoncement, qu’un homme, lorsqu’il est vaillant, ne doit jamais céder. Le personnage semble donc déterminé à aller jusqu’au bout de sa logique plutôt que de perdre la face : la haine totale comme théologie, la ruine collective et la rage de détruire comme thérapeutique sociale, voilà le programme proposé par le Président pasteur !
L’histoire nous apprend que les pouvoirs érigés sur la haine sont inévitablement condamnés à la chute et à l’auto-décomposition. Mais entretemps que de dégâts…
Redigé par David Gakunzi